08 mai 2017

Novlangue, 33 ans après...

L’expression « novlangue » revient à G. Orwell dans son livre 1984 (1949)

Le « newspeak » est une composante du Système totalitaire d’Océania, un pays fictif, présent dans le roman 1984 (*)) qui repose sur :
  • une surveillance généralisée de la population;
  • la télévision qui vous regarde et qu’on ne peut éteindre;
  • le ministère de la Vérité (qui réécrit notamment constamment le passé conformément à la ligne du parti);
  • l’interdiction de l’amour car la préférence, contraire à l’égalité, est un délit.


Le newspeak est destiné à empêcher les gens de commettre des « crimes contre la pensée » : dans cette langue certains mots sont volontairement détruits pour empêcher les gens de conceptualiser des pensées contraires à la ligne du parti.
Le newspeak désigne aussi sous des termes positifs la terrible oppression d’Océania (« la liberté c’est l’esclavage ») et sert aussi à diaboliser ceux que le parti désigne comme ennemis (« le quart d’heure de la haine »).

Aujourd’hui la prédiction d’Orwell est devenue réalité dans les pays occidentaux

Nous vivons aussi dans un régime de surveillance généralisée et où les médias sont omniprésents (il y a de plus en plus de télévisions dans l’espace public et chacun passe en moyenne plus de 3 heures par jour [soit 38% du temps disponible hors sommeil et travail] devant la télévision ; les enfants de 4 à 14 ans passaient 2h18 devant la télévision en 2003). De même la propagande est omniprésente :

–la propagande publicitaire, car la publicité est la première des propagandes (cf. Edward Bernays, Propaganda, 1928 ; Bernays était un neveu de Freud et l’un des pères de la publicité américaine) ; la publicité a 2 fonctions au service du Système capitaliste :

-provoquer en permanence l’achat compulsif ;
-détruire la conscience de classe, développer l’individuation (et présenter la consommation comme remède à tous les maux sociaux provoqués par le capitalisme) ;

–la propagande idéologique : aujourd’hui au service de l’idéologie libérale/ libertaire/cosmopolite qui domine en Occident (seulement en Occide même si le Système prétend avoir dépassé l’âge des idéologies politiques.

La novlangue est la langue de l’oligarchie et notamment des médias. Il s’agit d’une langue idéologique car elle exprime l’idéologie du Système oligarchique occidental. 

Déni de réalité et incantation magique

Le fondement doctrinal de la novlangue se trouve dans Michel Foucault ; il a ensuite été repris aux Etats-Unis dans le cadre de la promotion des minorités raciales.
Pour Foucault, le langage est idéologique par nature et il traduit des jugements de valeur et des rapports de force propres au Système capitaliste. Seul le marxisme échapperait à ce travers car il serait une description scientifique et donc objective de la réalité…

Les défenseurs prétendus des minorités vont reprendre cette argumentation. Le politiquement correct consiste à passer de la correction grammaticale à la correction idéologique, notamment prétendue non discriminante : afin de réduire les occasions d’offense contre certaines catégories de population. La langue devient euphémique et le plus neutre possible (« non voyant » et non plus aveugle). Les féministes américains vont aussi traquer le vocabulaire prétendument sexiste et féminiser les mots (spokewoman et non plus spokeman, etc.).

Cette attitude a été reprise aujourd’hui par les médias dans le but, par exemple s’agissant de l’immigration ou de l’islam, « d’éviter tout amalgame » ou toute discrimination (toute « phobie »).
Au prétexte que la langue serait idéologique on en vient à modifier le sens des mots pour que la réalité se conforme à l’idéologie. La langue doit ainsi être idéologiquement correcte, c’est-à-dire conforme à l’idéologie libérale/libertaire/cosmopolite qui s’est imposée en Occident à la fin du XXe siècle.

Il s’agit évidemment d’un comportement magique qui repose avant tout sur le déni (du monde qui nous entoure et de la nature humaine).

La réalité qui contredit l’idéologie se trouve niée par les mots que l’on emploie. Comme si le langage politiquement correct devenait une sorte d’incantation magique susceptible de changer la nature des choses et des hommes (comme si le fait de dire « les races n’existent pas » suffisait à abolir la diversité humaine et sa perception par les hommes).

C’est évidemment naïf, car les faits sont plus forts que l’idéologie. C’est d’ailleurs bien parce que la réalité échappe de plus en plus à l’oligarchie que l’on assiste à une radicalisation du politiquement correct de plus en plus ridicule (ex. : « les djihadistes français », les « djihadistes belges » ou « belges d’origine française » ; voir aussi Le Monde du 30/11/2015 : « le lavage de cerveau du flamand Abdelmalek »).

La novlangue est le résultat d’une modification volontaire

Il ne faut pas confondre le politiquement correct avec d’autres phénomènes liés à la langue :

–l’évolution naturelle de la langue (sous la régulation de l’A ;cadémie française) : nous ne parlons pas la même langue que nos grands-parents (on ne dit plus aéroplane ni TSF)
-le pathos : c’est-à-dire l’art de parler pour ne rien dire (cf. le document ENA) ;
–le jargon : (cf. L’Hexagonal de Robert Bauvais paru en 1970) consistant à user d’un vocabulaire pédant pour désigner des choses simples. L’Hexagonal traduisait néanmoins la montée en puissance de la classe technocratique en France.

La novlangue n’est pas une évolution naturelle de la langue mais au contraire le résultat de sa modification volontaire (ex. comme lorsqu’on a décidé de féminiser à outrance les mots).

C’est une tromperie sur le langage et par le langage (Michel Legris, Le Monde tel qu’il est, 1976 ; M. Legris est mort en 2008).

La novlangue remplit les mêmes fonctions que le newspeak orwellien :

-tenter de changer la réalité, c’est-à-dire cacher la réalité existante ;
–rééduquer la population pour qu’elle se conforme à la ligne souhaitée par l’oligarchie au pouvoir ;
–diffuser l’idéologie dominante, en faisant croire que ce n’est pas une idéologie mais la normalité (des faits [info] ou des « valeurs »).

La novlangue est la langue de l’oligarchie médiatique, car les médias jouent un rôle central dans le Système occidental

Ce sont les médias qui font écran à la réalité (ex. la météo ! alors qu’il suffit de regarder dehors) et ce sont les médias qui présélectionnent le personnel politique (l’onction médiatique étant plus importante que l’onction démocratique).

C’est pourquoi la Fondation Polémia, qui s’est intéressée à la désinformation médiatique et à la réinformation, en est venue à s’intéresser à la novlangue des médias de propagande : parce que la novlangue est un instrument de désinformation.

Trois Dictionnaires de novlangue ont été publiés :

-un premier en 2009 = 300 mots
-un deuxième en 2013 = 500 mots
-un troisième en 2015 = plus de 1000 mots

Cette progression signifie plusieurs choses :

-plus on examine dans le détail la langue des médias de propagande, plus son caractère idéologiquement biaisé apparaît ;
-plus la réalité dément l’idéologie et plus les médias de propagande ont recours à la novlangue pour tenter de cacher les faits ;
-le dictionnaire s’est enrichi de contributions reçues sur Polémia, suite aux premières éditions.

Les mots du dernier Dictionnaire de novlangue renvoient à différents espaces sémantiques :

-principalement les mots employés par les médias ;
-le vocabulaire des politiciens ;
-le vocabulaire publicitaire (car la publicité est la première des désinformations à la fois dans l’ordre d’apparition et de par son ampleur) ;
-la langue de pédagogues ; il s’agit certes d’un jargon à prétention scientifique, mais il sert aussi à désinformer, notamment à cacher l’effondrement des performances scolaires.

Michel Geoffroy
10/12/2015

Voir : La novlangue : la langue de l’oligarchie et notamment des médias (Deuxième épisode : le fonctionnement)
La novlangue : la langue de l’oligarchie et notamment des médias (Troisième épisode : la novlangue et ses limites)

Jean-Yves Le Gallou et Michel Geoffroy & Polémia, Le Dictionnaire de Novlangue, Edition VIA ROMANA, 2015, est disponible à La boutique de Polémia sur son site : https://www.polemia.com/la-boutique/

Note de la rédaction

(*) « 1984, ou Nineteen Eighty-Four, de son titre original, est un roman captivant de George Orwell (écrivain anglais né en Inde, diplômé de l’université d’Eton).
Composé de trois parties, il a été écrit au cours de l’année 1948, mais pour le titre, Orwell a dû inverser les deux derniers chiffres suite à la censure exercée par sa maison d’édition.
Imaginez un monde régi par seulement trois super-états, appelés Eurasia, Eastasia et Oceania ».
(http://www.seedfloyd.fr/forum/index.php?topic=90.0)

Correspondance Polémia – 21/12/2015
Source

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