05 avril 2017

Fillon : "le Thatcher français"


Il revendique une filiation avec Margaret Thatcher... tout en se comparant à l'ex-chancelier Gerhard Schröder: François Fillon multiplie dans ses interventions les références aux deux anciens Premier ministres britannique et allemand. Quitte à heurter ou à désorienter une partie des électeurs.

Le programme du vainqueur de la primaire de la droite? "C'est du Schröder, pas du Thatcher", a estimé lundi le président du Medef Pierre Gattaz, visiblement soucieux d'adoucir l'image véhiculée par les propositions du député de Paris.

Fillon, c'est "le Thatcher français", a au contraire tranché le secrétaire d'Etat Jean-Marie Le Guen, accusant l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy de s'être "radicalisé", jusqu'à avoir rejoint sur l'échiquier "la droite la plus dure".

Le vainqueur de la primaire de la droite, lui, s'accommode des deux comparaisons, voire les revendique. "J'aime bien qu'on me compare à Madame Thatcher" et "à Monsieur Schröder", confiait-il début novembre, disant vouloir "laisser dans l'histoire une trace aussi forte" que la "dame de fer".

Ultralibéralisme à la sauce "thatchérienne" ou libéralisme à la mode allemande? "Il y a sans doute des deux dans son programme", tranche Catherine Mathieu, chercheuse à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui juge néanmoins "la filiation idéologique avec Thatcher beaucoup plus évidente".

Un avis partagé par Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques (IPP): "Margaret Thatcher avait à l'esprit l'idée que son pays était en faillite, victime de déclassement, et qu'il fallait des mesures impopulaires pour changer la donne. C'est quelque chose qu'on retrouve aussi chez François Fillon".

"Casser la baraque"

Dépenses publiques, réformes fiscales, droit du travail: le programme de l'ancien député de la Sarthe, élu à la primaire sur la promesse d'une "rupture" économique, reflète cette double filiation - avec cette prédominance revendiquée pour le modèle thatchérien.

Désireux de "casser la baraque", François Fillon s'est engagé à supprimer les 35 heures et à simplifier drastiquement le code du travail, recentré sur les grands principes sociaux. Des mesures qui font écho à la politique mise en oeuvre par Gerhard Schröder entre 1998 et 2005, via son "agenda 2010".

Le candidat de la droite a par ailleurs promis de repousser l'âge de départ à la retraite à 65 ans et de plafonner les allocations chômage à 75% du salaire antérieur, avec la mise en oeuvre de radiations automatiques après deux refus d'emplois dits "raisonnables".

Des propositions qui rappellent aussi bien les réformes menées par la dirigeante conservatrice que celles mises en œuvre par le responsable social-démocrate, qui a réduit la durée d'indemnité chômage de 26 à 12 mois, obligé les chômeurs à accepter certains emplois et repoussé l'âge de la retraite à 65 ans.

"Le consensus, à mes conditions"

Le parallèle avec Schröder, pour Antoine Bozio, s'arrête cependant à cette question du marché du travail... alors qu'il se poursuit sur le terrain de la dépense publique et de la fiscalité en ce qui concerne Margaret Thatcher.

François Fillon a ainsi promis de baisser les dépenses de 100 milliards d'euros en cinq ans, en supprimant 500.000 postes de fonctionnaires, et de "reprendre les privatisations" quand la présence de l'Etat ne sert "à rien". Des propositions qui vont dans le sens du fameux "moins d'Etat" prôné par la "dame de fer".

Il a promis de baisser les charges sur les entreprises de 40 milliards d'euros et d'augmenter le taux de TVA de 20 à 22%. "Là encore, c'est ce qu'a fait Thatcher", souligne Catherine Mathieu. Entre 1979 et 1990, l'impôt sur les sociétés est passé outre-Manche de 53 à 33%, et la TVA de 12 à 15%.

Autre importante similitude, selon cette spécialiste de l'économie britannique: la méthode revendiquée par François Fillon. Ce dernier, décidé à agir vite, s'est dit prêt à "passer par-dessus les syndicats", au lieu de négocier avec eux, comme l'a fait Gerhard Schröder.

"Les compromis sociaux débouchent sur des impasses. Je suis prêt aux tensions, je pense qu'elles sont nécessaires", a-t-il prévenu. Une prise de position que Margaret Thatcher - qui assurait être "pour le consensus" mais "surtout à ses conditions" - n'aurait pas reniée.

Vu ici

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.