31 mars 2017

La très inquiétante débâcle du nucléaire occidental



Je voulais revenir sur une information qui peut sembler sans trop grande importance, noyée dans le flot ininterrompu de nouvelles, pourtant c’est une information majeure qu’il faut sortir du brouhaha ambiant.

Westinghouse (rachetée il y a quelques années par le géant japonais Toshiba) se place en faillite avec 9,8 milliards de dollars de dette cumulée.

Si cela vous fait penser aux difficultés du groupe Areva c’est normal, car c’est à peu de chose près exactement la même histoire, et nous allons détailler tout cela un peu plus tard !


Petit historique rapide

Westinghouse Electric Company est une bien vieille dame âgée de largement plus d’un siècle. C’est une entreprise américaine, fondée par George Westinghouse en 1886 sous le nom de Westinghouse Electric Company. Elle a été rachetée en 2006 par la firme japonaise Toshiba et s’est spécialisée dans le nucléaire.

Westinghouse fut l’un des plus gros constructeurs de centrales nucléaires au monde en général et aux États-Unis en particulier. Les USA ont réussi à développer un important parc de nucléaire de 99 réacteurs mais un coup d’arrêt définitif a été donné à cette énergie après l’accident de Three Mile Island en Pennsylvanie en 1979. À la suite d’une chaîne d’événements accidentels, le cœur d’un des réacteurs avait en partie fondu. Une faible quantité de radioactivité avait alors été relâchée dans l’environnement. Depuis cet incident, aucune nouvelle centrale n’a été raccordée au réseau. Désormais, quatre réacteurs doivent entrer en service dans les prochaines années.

Westinghouse doit achever deux d’entre eux, l’un en Caroline du sud et l’autre dans l’État voisin de Géorgie.

Le problème c’est que, comme pour Areva, Westinghouse n’a pas construit de centrale nucléaire depuis plus de 40 ans et que quand pendant 40 ans on ne pratique pas une spécialité, eh bien le savoir-faire, tout simplement, disparaît !

Il faut donc, pour Areva comme pour Westinghouse, tout réapprendre de zéro dans un contexte de prix tirés, d’où les dépassements incessants des prévisions budgétaires. Des dépassements qui sont même sans fin.

À tel point que Westinghouse se retrouve aujourd’hui en faillite comme Areva d’ailleurs qui ne doit sa survie qu’à l’intervention de l’État.

« Construire une centrale nucléaire est une entreprise très complexe et, historiquement, ce genre de projets a subi des changements en cours de réalisation, y compris des dépôts de bilan », souligne Maria Korsnick, la présidente du Nuclear Energy Institute, le lobby nucléaire aux États-Unis.

Les réacteurs français sont en réalité construits sous licence Westinghouse

Là également où cela vous concerne beaucoup plus directement que ce que vous pouvez penser au premier abord, c’est que Westinghouse a cédé en 1974 sa licence concernant les réacteurs nucléaires à eau pressurisée à Framatome (devenue entre-temps Areva), ce qui a permis de construire le parc nucléaire français actuel…

Votre énergie nucléaire, notre parc de centrales repose sur des brevets d’une entreprise en faillite (Westinghouse), exploités par une autre entreprise en faillite (Areva), pour le compte d’un énergéticien (EDF) qui n’a pas provisionné la « queue d’un rond » nécessaire à la réparation de nos centrales et encore moins au démantèlement des anciennes qu’il faudra remplacer par des nouvelles que nous sommes incapables techniquement de construire puisque plus personne ne sait le faire ! (Hormis la Russie)

On vous vante la France pays riche, pays moderne. Voilà pour le discours rassurant et lénifiant qu’il est rassurant d’entendre.

La triste réalité c’est que notre pays se tiers-mondise à grande vitesse et que nous sommes incapables en 2017 de faire ce que nous avons su faire dans les années 60 !

Nous avons construit une usine marée-motrice sur la Rance… Incapable de le faire maintenant !

Nous avons construit le Concorde, la fusée Ariane, ou les centrales nucléaires françaises. Nous ne savons plus rien faire de tout cela.

Nous ne savons plus le faire, mais les Américains sont dans la même situation.

Et vous savez pourquoi ?

Parce qu’un « éco-système » scientifique, technique, industriel c’est bien un « éco-système ».

Nous nous sommes désindustrialisés.

Nous avons donc perdu des pans entiers de savoir-faire. De nos soudeurs à nos tourneurs, de nos ingénieurs à nos chefs de projets, nous ne savons plus rien faire.

Le seul pays qui désormais dispose d’un véritable « éco-système » industriel c’est la Chine, et ne me parlez pas l’Europe qui serait censée nous aider à faire ensemble ce que nous ne savons plus faire seul…

28 manches à balai ne feront jamais une équipe de champions du monde.

Et la sécurité dans tout cela ?

À l’image de tout le reste.

Vous découvrirez, un jour, effarés, que nous ne sommes pas plus capables de construire une nouvelle centrale que d’entretenir celles qui nous restent, encore moins de les démanteler, et enfin, pour finir, que la sécurité de nos centrales est tout simplement déplorable !

Lamentable.

Ce pays, notre pays, part à vau-l’eau et aucune vision ne nous est proposée pour construire un avenir enthousiasmant.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Charles SANNAT


Pour compléter cet article, il est intéressant de faire un état des lieux côté Russie, qui elle a conservé et continué de développer son savoir-faire :

L'industrie nucléaire en Russie est l'héritière du programme nucléaire de l'URSS. En mai 2013, la Russie possède 33 réacteurs de production ce qui la place en 4e position mondiale des pays producteurs d'électricité nucléaire. Onze autres réacteurs sont en cours de construction. Quarante-quatre nouvelles installations sont prévues d'ici à 2030 [réf. nécessaire].

Par ailleurs, elle possède un nombre très important de sites avec des réacteurs de recherche civils ou militaires, dont environ 109 réacteurs de recherche ou à vocation militaire à l'origine.

Deux réacteurs doivent être construits sur le site de Kaliningrad selon le Projet de centrale nucléaire de Kaliningrad.

Sergueï Kirienko, directeur général du groupe nucléaire Rosatom, a annoncé le 11 décembre 2014 : « Compte tenu des contrats signés, notre portefeuille à l'international dépasse maintenant 100 milliards de dollars. Ce sont des revenus sécurisés pour dix ans » ; ces contrats concernent 23 réacteurs en projet (en dehors des 9 réacteurs en cours de construction en Russie) : 4 en Turquie, 3 en Inde, 2 en Chine, 2 au Vietnam, 2 au Bangladesh, 2 en Iran, 2 en Ukraine, 2 en Hongrie, 2 en Biélorussie, 2 en Hongrie (centrale de Paks), 1 en Finlande (le Parlement finlandais vient de voter en faveur de la construction par Rosatom d'une centrale à Pihäjoki) et 1 en Arménie ; s'y ajoutent 26 projets de réacteurs en cours de négociations ou d'appel d'offres et 32 autres à l'étude. L'avantage commercial de Rosatom est de proposer une prise en charge complète, de la fourniture de combustible jusqu'au retraitement des déchets sur son sol et surtout au financement. Mais de nombreux experts occidentaux doutent de la capacité de Rosatom d'assurer le financement d'un tel montant dans les circonstances actuelles (sanctions internationales et chute du prix du pétrole), étant donné que le carnet de commandes affiché représente 5 % du PIB russe ; par exemple, Rosatom inscrit dans son portefeuille quatre réacteurs en Turquie pour lesquels le tour de table n'est pas encore bouclé. Au Vietnam, le gouvernement a déclaré en janvier 2014 que le programme nucléaire serait différé de près de quatre ans à cause des négociations qui se poursuivent sur la technologie et le financement.

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