L’OCS est une organisation politique, économique et militaire eurasienne, fondée en 2001 à Shanghai. Ses membres sont la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Le Kazakhstan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan parlent le turc.
L’Inde et le Pakistan deviendront des membres à part entière lors de la prochaine réunion à Astana, en 2017. La Mongolie, l’Inde, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan sont des observateurs de l’OCS. En 2013, la Turquie a obtenu le statut de «partenaire de dialogue» de l’OCS. L’autre pays ayant le même statut est le Bélarus. Les partenaires de dialogue ont le droit de participer à des réunions au niveau ministériel et à d’autres réunions de l’OCS, mais n’ont pas le droit de vote.
La Turquie a formellement demandé à devenir membre de l’Union européenne en 1987 et les négociations d’adhésion ont débuté en 2005. Son ambition de faire partie du bloc remonte aux années 1960. Ses perspectives d’adhésion semblent sombres, après onze ans de négociations. Les droits de l’homme sont une pierre d’achoppement.
L’UE a intensifié ses critiques à l’encontre d’Ankara depuis le coup d’État du 15 juillet dernier, affirmant que les lois antiterroristes du pays étaient appliquées trop largement. Le Luxembourg et l’Autriche, ainsi que certains législateurs du Parlement européen, ont appelé le bloc à arrêter les pourparlers d’adhésion avec la Turquie ou à la punir d’autres sanctions.
Pour sa part, la Turquie est frustrée par la longue impasse de l’adhésion à l’UE. Ankara a accusé l’UE de traiter le pays différemment dans le processus d’accession et de ne pas débloquer tout l’argent qui avait été promis à la Turquie après l’accord sur les réfugiés. Elle envisage de rétablir la peine de mort. Cette décision rendra l’adhésion à l’UE impossible. Le président Erdogan envisage d’organiser un référendum sur l’avenir de l’adhésion de la Turquie à l’UE.
L’adhésion de la Turquie à l’OCS constituerait une étape importante, en réunissant le Conseil de coopération des pays turcophones (CCTS) – une organisation internationale de pays turcs comprenant l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Turquie. Le Secrétariat général se trouve à Istanbul, en Turquie. Le Turkménistan et l’Ouzbékistan sont de futurs membres potentiels du Conseil.
Cette organisation internationale fonctionne également comme un organe de coordination pour tous les autres mécanismes de collaboration autonomes, tels que l’Assemblée parlementaire des pays turcophones (TURKPA), l’Organisation internationale de la culture turque (TURKSOY) et l’Académie turque.
Depuis sa création en 2009, le CCTS a fait des progrès significatifs en matière d’institutionnalisation des échanges. Le 6e Sommet des chefs d’État du Conseil turc devrait avoir lieu avant la fin de l’année à Cholpon-Ata (Kirghizistan).
La déclaration du président Erdogan est un autre signe de l’abandon de l’Ouest par Ankara, au profit d’autres partenaires. Par exemple, la Turquie vient d’annoncer qu’elle est en pourparlers avec la Russie pour l’achat des systèmes avancés de défense aérienne à longue portée S-400, afin de protéger son espace aérien. Elle cherche également à obtenir des contrats dans les systèmes électroniques, les munitions et la technologie des missiles. Le général Hulusi Akar, chef d’état-major des forces armées turques, s’est rendu en Russie ce mois-ci, pour discuter de la coopération militaire.
Lors de la visite de deux jours d’Erdogan au Pakistan le 16 novembre, le rédacteur en chef d’un journal pro-gouvernemental en Turquie a déclaré que le pays devait développer sa propre force de dissuasion nucléaire. Il a peut-être exprimé son opinion personnelle, mais il confirme la tendance générale à la remise en cause, par la Turquie, du concept de sécurité coopérative de l’OTAN sous l’égide des États-Unis.
Lors du sommet du 9 août à Saint-Pétersbourg, la Russie et la Turquie ont signé une déclaration pour un partenariat sans précédent dans l’industrie de la défense. Les parties sont également convenues de former un mécanisme militaire et de renseignement commun, pour coordonner leurs activités au Moyen-Orient. La coopération économique russo-turque devrait progresser encore avec la relance du projet gazier Turkish-Stream.
Il convient de noter que la Russie, et non pas les États-Unis ou tout autre membre de l’OTAN, a été le premier pays visité par le président turc après le coup d’État.
Fin octobre, la Turquie et la Chine ont également tenu un symposium commercial à Istanbul, signant un total de 36 nouveaux contrats d’une valeur de 300 millions de dollars. En raison de sa géographie, la Turquie a un rôle crucial à jouer dans la mise en œuvre du projet chinois Une Ceinture, une Route (Route de la soie). La Turquie prend de nouveau l’attitude d’un partenaire majeur pour les investissements et la coopération, ce qui aidera à combler le fossé entre l’Est et l’Ouest.
Elle est devenue la 17e économie mondiale et une destination de plus en plus importante pour les entreprises chinoises qui veulent commercer et investir. Actuellement, la Chine est le troisième partenaire commercial d’Ankara, avec des échanges de 28 milliards de dollars. La Turquie est populaire auprès des touristes chinois, et les relations culturelles entre les deux pays se développent.
Le ministre turc des Douanes, Bulent Tüfenkci, a annoncé en janvier que le pays entend maintenant tripler son commerce avec l’Iran – un observateur de l’OCS – jusqu’à 30 milliards de dollars «dès que possible».
Le glissement progressif de la Turquie vers l’Eurasie et d’autres partenaires, fait partie d’un processus plus large, à mesure que l’Occident s’affaiblit et se divise. La notion même d ‘«unité occidentale» s’efface. Sans surprise, comme ses relations avec l’Occident s’aigrissent, la Turquie se rapproche d’autres pôles de pouvoir. D’autres progrès d’Ankara sur la voie de l’intégration avec l’OCS faciliteront la mise en œuvre d’une politique étrangère multidimensionnelle, qui renforcera la position d’Ankara dans le monde.
Peter Korzun
Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone
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