Une documentation abondante a été diffusée depuis le putsch avorté pour alimenter la thèse de l’implication US dans l’opération, notamment et essentiellement avec la base US/OTAN/Turquie d’Incirlink, dont le statut actuel est toujours incertain sinon sous surveillance (« Une base de l’OTAN assiégée par un pays de l’OTAN ! »), qui joue un rôle stratégique et de coordination extrêmement important.
(Nous dirions “extrêmement important“ selon tous les sens que l’expression peut rencontrer, qui sont variés et divers à la fois, qui valent pour Incirlink comme point stratégie US central en Turquie, mais qui peuvent s’étendre à la Turquie elle-même, dont on sait la dépendance des USA dans certains aspects de sa puissance, dont évidemment l’armée et surtout la force aérienne : • “important” pour l’OTAN et les USA comme carrefour stratégique entre la zone européenne et la zone moyenne-orientale [la base dépend de deux commandements régionaux US : EuroCom, ou European Command, associé au SACEUR de l’OTAN, et CentCom, ou Central Command] ; • “important” pour les liens stratégiques, dont les divers liens secrets de renseignement et de “covert action” [type-forces spéciales, mais aussi type-Gladio], entre la Turquie d’une part, les USA et l’OTAN de l’autre ; • “important” pour le putsch, dans le cas très probable d’un rôle considérable, même si “en second rideau” selon la “tactique” inaugurée par Obama avec la Libye pour la partie US de “diriger de derrière” [“Leading from behind”], qui vaut pour l’action militaire directe mais encore plus pour des actions secrètes de déstabilisation et autres [type-forces spéciales, mais aussi type-Gladio].)
• Parmi cette “documentation abondante” qu’on trouve aussi bien en Turquie qu’en Russie, – là aussi, le parallèle, sinon la coordination de la communication est importante, – on citera deux textes récemment parus, tous deux sur le site Fort-Rus.com connu pour son sérieux. Le premier (du 4 août) est d’un historien turc de bonne renommée, Mehmet Perinçek, à partir d’un texte publié sur le site Katehon.com, et il porte sur la personnalité et le rôle de l’ancien Premier ministre Davutoglu. Perinçek affirme que Davutoglu donna l’ordre d’abattre le Su-24 (ce que Davutoglu a affirmé d’ailleurs, mais sous d’autres prétextes) en coordination avec Gulen et la CIA (à noter que cette version était déjà développée bien avant putsch avorté, par le journaliste turc Can Atakli, dont des extraits du texte original sont publiés sur Katehon.com le 4 avril 2016). Au terme de son texte, Perinçek plaide pour une alliance stratégique entre la Russie et la Turquie, “beaucoup plus forte qu’elle n’était avant la crise [de la destruction du Su-24)”.
« Davutoglu is an example of American planning in execution: promotion of neo-Ottomanism, unfavorable policy in Syria, the escalation of conflict with Russia etc. Because of his moribund policy, Turkey's territorial integrity was under threat. There is no surprise that he gave the order to shoot down Russian planes. This action was aimed not only against Russia, but against Turkey and its territorial integrity. Davutoglu has always acted in the interests of the US. Finally, he was removed from the post of prime minister.
Interesting fact: many people are saying that Davutoglu could have entered the new government, if the coup had succeeded. This is what people from his party are saying now. [...]
» Now Turkey needs Russian support. The threat from the United States is evident, especially after the unsuccessful coup d’état. The upcoming meeting between President Erdogan and Russian President Vladimir Putin in St. Petersburg is very important. Our countries should not just ameliorate relations, but create a strong strategic partnership, much stronger than it was before the crisis. Turkey and Russia should join efforts in the fight against terrorism, separatism and fundamentalism.
• Le second texte est sur le même site Fort-Rus.com, le 3 août, traduit par Kristina Kharlova d’un texte russe d’Anastasia Kazimirko-Kirillova sur Tsargrad.tv, lui-même reprenant le texte d’une enquête réalisée par des journaliste du journal turc Yeni Safak. Il donne des indications très précises sur le rôle du Général de l’U.S. Army Campbell dans la conduite des opérations menant au putsch avorté (budget US de 2 $milliards pour le putsch) et, d’une façon plus générale, des opérations de contrôle et d’infiltration des officier gulenistes dirigées par les USA (Campbell) dans leurs centres opérationnels (dont Incirlink, certes) en Turquie.
« Former commander of the International security assistance force (ISAF), carrying out NATO-led operations in Afghanistan, General John F. Campbell is a key figure behind the coup attempt in Turkey, according to the authors of an independent investigation of Turkish newspaper “Yeni Şafak.” According to their sources, he was responsible for the coordinating and directing the soldiers who participated in the events on July 15-16, that is actually for the organization of the coup. Campbell led the preparations in Turkey for eight and a half months. Under his direction originally was a group of about 80 CIA agents, who through a Terrorist organization of Fethullah Gulen (FETÖ) embedded subversive groups into the army and urged the military leadership of Turkey to support the coup.
» American General held regular secret meetings at Turkish military bases - Erzurum and Incirlik, military sources believe that he was solely in charge of promotion and discharge of officers on these bases. Followers of Gulen faster advanced in their career, received higher salaries and had other benefits. The archives of gulenists have been discovered during searches at Incirlik which contained extensive files on each member of agent network and members of their families. »
• Le point de vue turc et du régime Erdogan depuis le putsch avorté est celui de la nécessité stratégique d’un tournant complet vers Moscou, impliquant qu’Erdogan joue à fond l’appréciation que le putsch avorté est une agression des USA contre son pouvoir et lui-même pour obtenir une direction complètement aligné sur le bloc-BAO. C’est-à-dire que, pour lui, l’enjeu est devenu capital et n’a plus rien à voir avec les bonnes relations Russie-Turquie avant le froid depuis 2013 (la Turquie devenant anti-Assad au contraire de la Russie) et la rupture brutale de novembre 2015 (destruction du Su-24 russe) ; dans de telles circonstances pressantes où cet enjeu stratégique s’élargit au fondamental (agression USA/bloc-BAO, survie du régime Erdogan), un rapprochement d’Erdogan d’Assad et un “lâchage” des rebelles pour faciliter décisivement l’accord avec Moscou ne sont plus inconcevables et certaines sources distinguent des signes allant dans ce sens. L’impression générale donnée par les déclarations officielle turques vont dans le sens de la nécessité impérieuses de ce tournant stratégiques... Mevlüt Çavusoglu, le ministre des Affaires étrangères, confirmant par ailleurs implicitement l’aide décisive des Russes, par l’action de leur renseignement et de leurs capacités techniques, pour mettre en échec le putsch : « La Russie nous a accordé un soutien total et inconditionnel pendant la tentative de coup d’Etat. Nous en remercions Vladimir Poutine et tous les officiels russes. […] La Russie est non seulement notre proche voisin et une amie, mais également un partenaire stratégique.» L’ambassadeur turc en Russie : « Les relations avec la Russie revêtent une importance cruciale tant pour la Turquie que pour la situation dans la région, et Ankara attend beaucoup de la future rencontre... [...] Ce sera une rencontre historique, et nous nous y préparons déjà depuis près d'un mois. »
Certaines descriptions de l’activité du groupe Gülen, accusé d’avoir joué un rôle majeur dans le putsch en même temps que d’une stratégie de pénétration (“État parallèle”) en Turquie depuis des années, permettent de compléter le tableau général de la position d’Erdogan en “opérationnalisant” la thèse de la collusion largement connue Gülen-USA (CIA), le rôle de Gülen coordonné avec celui des USA et ainsi de suite. Voici ce qu’en dit une source neutre, le magazine suisse L’Hebdo, du 4 juillet, qui fait bon marché du seul argument assez “noble” d’un désaccord idéologique et religieux Gülen-Erdogan (la fréquentation régulière de la CIA renforce sans le moindre doute l’évolution de groupe Gülen telle qu’elle est décrite) :
« Gülen se fait passer pour un érudit islamique ouvert au monde, qui vit depuis 1999 dans une propriété dans les forêts de Pennsylvanie et milite pour la paix entre les diverses religions. Les gens qui l’ont rencontré le décrivent en revanche comme un gourou, un idéologue qui ne tolère aucune contradiction. La communauté güléniste ne dispose d’aucun registre de ses membres, d’aucune adresse. Elle dit être un mouvement informel, alors même qu’elle est très strictement organisée. C’est Gülen qui dicte les actions à entreprendre et les orientations à adopter. Ses proches et affidés sont les «grands frères», ils contrôlent les actions à mettre en œuvre et transmettent les consignes aux subordonnés.
» Le journaliste Latif Erdogan – rien à voir avec le président – connaît Gülen depuis des décennies. Il a contribué à édifier la communauté, fut longtemps un “grand frère” et même le numéro deux du mouvement. Il l’a quitté il y a cinq ans: “Beaucoup de nos adeptes ne s’intéressaient guère à la spiritualité, beaucoup plus à la politique et à l’argent.” Il est persuadé que ce sont des partisans de Gülen qui ont fomenté le coup d’Etat manqué et croit savoir pourquoi: “La soif de pouvoir a corrompu cette communauté.” »
• Ces textes, et tout ce qu’on sait et qui a été dit depuis près d’un mois, substantifient avec une très grande force, directement et indirectement, l’idée de l’intervention US dans le putsch avorté ; et c’est alors le point absolument central de l’épisode, qui doit s’imposer comme le facteur essentiel de cette crise, ou de cet aspect de la Grande Crise Générale dans la mesure où cette crise russo-turque doit désormais être directement inscrit dans la cadre de cette grande crise Générale du Système. C’est alors effectivement, nécessairement même, dans ce cadre qu’il faut placer un autre facteur, qui n’est pas directement lié à la rencontre entre Poutine et Erdogan à Saint-Petersbourg, mais qui va peser de tout son poids ; il s’agit de l’élection présidentielle USA-2016, dans l’hypothèse d’une victoire d’Hillary Clinton. L’importance de la question des élections USA-2016 est principalement mise en lumière par la possibilité conjoncturelle que la candidate-Système soit élue, ce qui apparaît un peu plus probable depuis la convention démocrate, alors que Trump a semblé un peu moins à l’aise, un peu désorienté par l’erratisme même de sa “tactique” (ou sa “non-tactique), qui lui avait été jusqu’alors un avantage, tandis que le Système déployait toute sa superpuissance avec une force inouïe, essentiellement au niveau de la communication, de la corruption, de la pression psychologique, – on sait dans quel sens bien entendu. Cela fait que Clinton est aujourd’hui favorite ; même si cela ne préjuge rien de demain, cela pose clairement, d’une façon concrète maintenant que la phase finale est engagée, ce que sera sa politique ; et toutes les hypothèse de “la possibilité de prévision” convergent vers une perspective extrêmement sombre sinon catastrophique. Notre hypothèse depuis plusieurs jours est bien que cette perspective sera effectivement sur la table de la rencontre entre Poutine et Erdogan.
On a déjà vu combien cette perspective (Clinton-élue) débouchait sur l’extrême probabilité d’une intervention beaucoup plus directe et agressive des USA en Syrie, avec conséquences sur la position des Russes. Dans un texte publié hier sur ce site, on cite le scénario de Michael S. Rozeff. L’auteur envisage notamment les mesures de riposte, sinon de préparation à une telle possibilité offensive, et cite les liens nouveaux de la Russie avec la Turquie. Voici le passage, avec le souligné en gras qui nous intéresse puisqu’il implique la Turquie :
« ...Putin will attempt to neutralize or outflank her moves without doubling down in Syria and getting Russia even more involved than it already is. He will parry her with countermoves. He is already doing this by the military action on Aleppo. He will try to rope Erdogan further into his camp and close down Turkey’s support of anti-Assad forces that have moved across the Turkey-Syria border. He’d like to see Turkey kick the U.S. and its nuclear weapons out of the Ircilik air base. He might launch a new peace conference offensive. Putin has already decided that Clinton’s election greatly increases the chances of war, and he has already begun to beef up his forces, satellites and armaments in Eastern Europe. He could counter Clinton with a blunt warning that he’d use the S-400 SAM throughout Syria if any moves to bomb Assad directly were made. He might be able to persuade Turkey to leave NATO and threaten Clinton with that. »
• Un point de vue US plus général est décrit par Alastair Crooke dans son dernier Weekly Comments du 5 août (sur Conflicts Forum). Crooke se place du point de vue de l’establishment US, qui ne veut pas entendre parler d’un autre élu que Clinton, qui ne veut pas entendre parler de certains aspect des projets de politique extérieure de Trump, qui en fait une question de vie ou de mort dans la mesure du maintien absolument nécessaire de la politique extérieure actuelle des USA. De ce point de vue, l’establishment est partisan de l’entretien du chaos syrien, de l’élimination d’Assad c’est-à-dire d’une action en Syrie, notamment parce que cela impliquerait un recul catastrophique des Russes perçus désormais comme l’adversaire fondamental. (On met ici de côté toutes les objections évidentes de risque de conflit majeur, de capacités réduites des armées US face aux Russes, etc., parce que l’establishment, qui est dans un état de complète panique alimentée par le personnage de Trump et le mouvement qui le porte, ne raisonne plus qu’en fonction de sa super-narrative d’hégémonie absolue, de liquidation totale de toute force s’y opposant, etc., – et, dans ce schéma, Erdogan, après le putsch avorté, comprend sans doute qu’il est sur la “liste noire”.) Crooke conclut donc :
« Does he (Trump) not understand, (these ‘ancien régime’[the establishment] figures seem to say,) that ‘rapprochement’ and ‘entente’ with Putin now, could bring the whole structure tumbling down? It could collapse America’s entire foreign policy? Without a clear Russian ‘threat’ (the ‘threat’ being now a constant refrain in the US Beltway), what meaning has NATO? – and without NATO, why should Europe stay “on side, and [do] the right thing”. And if Damascus, Moscow and Tehran succeed in emerging with political credit and esteem from the Syria conflict, what price then, the US-led “rules-based” global order? Especially, if those who reject it, and who opt to stay out of the globalised order, find that they can so do – and emerge empowered and with their influence enhanced? If the political ‘rules-based order’ does erode, what then will be the future for the inter-connected, and presently shaky, US-led, global financial order and governance?
» More Syrians are going to have to die, not because President Assad has not been ousted, but because the US Establishment wants to keep the Syria war going until (they hope) Hillary takes office – and they will do whatever they can, precisely to make sure she does – and that the options to maintain America’s traditional foreign policy the way it is are not foreclosed to her on taking office.
» The unsubstantiated attempt – coming from the top – to suggest that Putin’s aim is to undermine the West, and that Trump is to be Putin's ‘tool’ in this endeavour, is not some whimsical campaign gig -- it is deadly serious. And it is very dangerous. There are few willing to say so, for fear of being labelled Putin’s ‘useful idiot’, too. Russia will be making its own calculations, but it would not be a surprise, were we to hear that they are battening down the hatches, and readying for a more severe Cold War – or even a hot one. »
Les secrets de Saint-Petersbourg
... Abordons ce problème autrement, à nouveau par le petit bout de la lorgnette opérationnelle qui nous amène par une autre voie sur l’immense partie qui se joue : le putsch de Turquie (s’il avait réussi), monté sous direction et coordination US, ne peut-il être conçu comme ayant été une tentative d’aménager d’une façon plus favorable l’environnement stratégique de la région pour une attaque US de la Syrie, celle qu’on imagine qu’elle pourrait bien être le premier acte d’une présidente Clinton, si Clinton est élue ? Et, dans le cas contraire, même si cette horreur funeste de l’élection de Trump parvenait à se réaliser malgré les montages, corruptions et manipulations diverses, cela (le putsch) n’aurait-il pas créé malgré tout un environnement stratégique qui obligerait, volens nolens, un président Trump à tempérer ses ambitions de repli des forces, surtout si l’on insiste sur l’un des aspects qui fait désordre dans les projets de Trump, par rapport à son profil d’America First, à savoir son hostilité envers l’Iran ? (Question d’autant plus à poser que l’appareil politico-militaire-CIA est déjà en place et travaille dans un mode-turbo, et un président Trump entrant à la Maison-Blanche, avec tout de son nouveau pouvoir à maîtriser, aura bien du mal à maîtriser cet appareil justement, à empêcher des provocations, des falseflag divers, dans la pratique desquelles cet énorme “État parallèle” est le maître incontesté, – une sorte de remake, en infiniment plus grave, de l'invasion de la Baie des Cochons [Cuba] imposée à Kennedy par la CIA en avril 1961, trois mois après son arrivée à la Maison-Blanche.)
Ainsi peuvent raisonner Poutine et Erdogan lorsqu’ils se parleront demain, – ou plutôt, serions-nous tentés de penser, ainsi Poutine pourrait-il parler demain à Erdogan, mais un Erdogan dont les oreilles sont désormais toutes grandes ouvertes à cette sorte de propos : “Quoiqu’il se passe le 8 novembre aux USA, vous et moi sommes directement menacés par un spasme terrible de ce qui reste de la puissance US aux abois, et vous pas moins que moi depuis le putsch avorté qui a montré les véritables intentions US à votre égard”... A côté de cela, les mésententes sur la Syrie qu’il faut régler, la situation régionale de la guerre syrienne, en eux-mêmes, ont un aspect bien secondaire. Il s’agit du pseudo-Grand Jeu à son terme, ou dit plus justement du grand coup de la tentative d’estocade, du tout ou rien terminal, du final du “Grand Chaos”...
Dans ce cas effectivement, le coup d’Ankara (notre “petit bout de la lorgnette”) prend tout son sens puisque, bien entendu, il prévoyait l’installation d’un gouvernement entièrement inscrit dans les normes du Système, c’est-à-dire complètement intégré dans le bras armé que constituent les forces US + supplétifs divers du bloc BAO. Dans ce même cas toujours, l’échec du coup d’Ankara prend un sens et un poids formidables, non pas tant pour la formation d’un bloc stratégique Eurasie où la Turquie aurait sa place mais comme contrepoids immédiat et immédiatement utilisable, nécessairement-immédiatement, contre ce qui devient de plus en plus le coup de dès ultime de la puissance déclinante des USA, que ce soit la formule-Clinton ou la formule-Trump qu’on espérerait paralyser. L’on voit bien alors que le champ des supputations ne se limite en rien à la seule Syrie ; l’on sait bien que la Turquie, c’est un pied au Moyen-Orient, un pied vers la masse continentale européenne, tandis que la Russie, qui a sa stratégie de contournement (Syrie-Turquie), a aussi son problème stratégique frontal (l’Europe, l’OTAN), et tout cela est à l’agenda de l’establishment washingtonien parce que lorsqu’on joue son va-tout, son tout ou rien et qu’on est aux abois, tout, absolument tout est inclus dans la très grande manœuvre ultime...
Le point essentiel, le nœud gordien de la rencontre de Saint-Petersbourg, ce qui fait vraiment son “caractère historique”, c’est de voir et de savoir si la perception et la réalisation de cette sorte de “point-Omega” plutôt interprété du point de vue catastrophique, mais aussi dans son sens réel, du point de vue libérateur selon la fortune des engagements, va s’inscrire et s’introduire dans les conversations Poutine-Erdogan, s’ils mettront donc sur la table le véritable enjeu de leur rencontre. Certes, on ne le saura pas nécessairement, ni même sûrement demain soir, mais la supputation est là, elle doit être là, bien présente.
Il s’agit de réaliser, surtout dans le chef d’Erdogan, que toutes les manigances, querelles sans fin, manœuvres chaotiques autour du terrorisme, de l’islamisme, de la malheureuse Syrie, des rêveries de “Califat”, etc., constituent des chimères et des agitations de communication par rapport aux rancunes réelles et à l’enjeu fondamental de la crise. Ce n’est pas sur ces thèmes que se joue le sort de “la civilisation” ni que se noue un affrontement de civilisations qui n’existent pas en tant que telles puisque tout se résume à un Système dont on sait qu’il est global, qu’il a suscité une contre-civilisation et que les USA dans leur forme américaniste en sont les pourvoyeurs essentiels. Au point de fusion où nous en sommes, tout ce qui se passe peut être ramené à la formule fondamentale de la crise qui est le Système contre l’antiSystème, avec toutes les variables qui naviguent, et les querelles sans fin de l’“Orient compliqué” autant que les rêves de reconstitution de tel ou tel empire perdu ne pèsent rien là contre.
Il se pourrait qu’Erdogan le comprenne, sans doute après Poutine et à l’invitation de Poutine, qui est certainement le plus proche de tous les chefs de gouvernement mondiaux (y compris US) à comprendre de quoi il s’agit exactement. Si c’est le cas, il faudra en rendre grâce aux machinations US et à leur putsch avorté, – à ce point que nous importe leur degré de responsabilité, voire leur responsabilité tout court puisque tout, absolument tout se passe comme s’ils étaient responsables à 100%, et ils le sont parce que, principaux pourvoyeurs du Système, et le Système ayant sans aucun doute la responsabilité de toute entreprise de déstructuration-dissolution, ils ne peuvent que l’être. Ainsi détermine-t-on une vérité-de-situation, puisqu’il n’y a plus de réalité, puisqu’ils l’ont détruite.
Il est vrai, à leur décharge, qu’ils sont vraiment aux abois, et qu’ils agissent en conséquence, avec toute la brutalité du monde. Le putsch avorté a montré que c’en est fini des finasseries type regime change en douceur, révolution de couleurs, “guerre de l’information” et soft power. Aux abois, on est à visage découvert, et l’on frappe avec toute sa puissance restante ; dans leur cas, si cela peut être une chose terrible, c’est pourtant la meilleure des choses puisque la confrontation est inévitable et que dans ces occurrences où ils font usage de toute leur puissance leur sottise ne peut pas ne pas se manifester d’une façon ou l’autre, surtout lorsqu’on démarre sur un échec (putsch avorté).
En effet, cela écrit et à cette lumière, on appréciera combien ils ne pouvaient pas mieux tomber, c’est-à-dire plus mal pour eux, avec ce putsch avorté qui pousse Erdogan dans les bras de Poutine. Ils se privent d’un pays indispensable pour leur œuvre de destruction et de néantisation au moment où ils s’approchent du moment crucial. Ils répondent parfaitement à la remarque de Guénon, – que nous amendons d’un seul mot, qu’on nous pardonne, – sur celui-là qui, décidément, ne peut s’empêcher, dans le déchaînement de sa surpuissance, de montrer quelque sottise, qui est comme sa signature, sa marque de fabrique et son erreur fatale... « On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon [géopoliticien] ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s'empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature... »
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