13 juillet 2016

«La violence n’est pas à l’extrême droite, mais à l’extrême gauche»

Les vraies menaces pour la société française émanent de l'islam radical et de l'extrême gauche, non pas de l'extrême droite ni de l'«ultra droite», estime l'essayiste Ivan Rioufol.

Ivan Rioufol est journaliste, écrivain, auteur de l'essai "La guerre civile qui vient"

RT France : Lors de son audition par la commission parlementaire concernant les attentats de Paris, le chef de la DGSI a mis en garde contre l’ultra droite, redouteant également que Daesh utilise d’autres méthodes et fasse évoluer sa lutte contre la France. Quelle est la responsabilité du gouvernement dans l'augmentation du risque sécuritaire dans le pays ?

Ivan Rioufol(I. R.) : C’est la responsabilité collective de tous les gouvernements depuis maintenant 40 ou 50 ans de n’avoir pas voulu voir les risques que représentait une immigration de masse et défendu une société multiculturelle. C’est au cœur du multiculturalisme que se développe aujourd’hui cette possible guerre civile. Ceci n’est pas une surprise pour moi, qui suis un observateur, mais ce qui est déroutant, c’est de voir que les pouvoirs publics ne le découvrent qu'aujourd’hui.

Vigipirate, opération Sentinelle, tout cela est bien, mais le phénomène d’aujourd’hui nécessite des solutions d’une autre envergure

RT France : Pensez-vous que le plan Sentinelle mis en place depuis les attentats de Charlie Hebdo soit approprié et fonctionne ?

I. R. : Il s'agit d'une réponse sécuritaire réclamée par les Français, mais on comprend bien qu’elle ne peut pas se limiter à un déploiement policier ou militaire dans les rues. Cette réponse sécuritaire nécessite préalablement de deviner quel est l’ennemi. Si le président de la République désigne le terrorisme comme la menace, il ne dit pas de quel terrorisme il s'agit. Il faut dire que la menace, aujourd’hui, c’est bien le terrorisme islamiste radical porté par une idéologie totalitaire et qu’il faut le combattre. Mais ce préalable n’est pas mentionné ou alors pas suffisamment. Seul Manuel Valls qui l’a affirmé récemment, en évoquant la nécessité de combattre l’islamo-fachisme, un terme que j’approuve, mais qui n’a pas été repris et n’a pas été suivi d’actes. Vigipirate, opération Sentinelle, tout cela est bien, mais le phénomène d’aujourd’hui nécessite des solutions d’une autre envergure.

RT France : Le chef de la DGSI a également exprimé une inquiétude concernant une confrontation inévitable entre l’ultra-droite et le monde musulman. Partagez-vous cet avis ?

I. R. : Je ne comprends pas exactement le terme d'«ultra droite». Ce que je vois, en tant qu'observateur, c’est que la violence n’est pas à l’extrême droite, mais à l’extrême gauche. On l’a vu ces trois derniers mois, avec la montée en puissance d’une violence urbaine théorisée par les mouvement d’extrême gauche. On a vu se déployer cet islamo-gauchisme qui trouve des intérêts communs dans le rejet de la société capitaliste, libérale, des démocraties occidentales en règle générale. Pour l’instant, je n’ai pas vu que l’extrême droite constituait une telle menace. Je ne voudrais pas croire que, de la part de M. Calvar [directeur de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)], cette accusation serve à détourner les regards de la menace la plus évidente, qui est portée par l’extrême gauche et l’islam radical.

On n'a pas vu de Français prendre les armes, maltraiter les musulmans ou en faire des boucs émissaires

RT France : Le chef de la sûreté de l’Etat belge a mis en garde contre la montée de l’islamophobie à la suite des attentats à Bruxelles. Il craignait également la réaction de l’extrême droite après les attentats de l’Etat islamique, croyez-vous qu'ils aient fait augmenter l’islamophobie ?

I. R. : Malgré la violence terrible des attentats, il n’y a pas eu de réaction de violence. On a pas vu de Français prendre les armes, maltraiter les musulmans ou en faire boucs émissaires. Il y a eu, ici et là, des actes antimusulmans, mais ils sont d’une gravité bien moindre que les actes anti-chrétiens, anti-juifs ou anti-occidentaux. On peut redouter qu’une incompréhension croissante de l'islam progresse au sein des sociétés occidentales, si les musulmans ne prennent pas conscience de l’urgence pour eux de faire savoir qu’ils n’ont rien à voir avec ceux qui les caricaturent, avec ce totalitarisme islamiste. Or, pour l’instant, j’observe une sorte de zone grise de prudence, de la part de la communauté musulmane française en particulier, qui ne cherche pas à se démarquer de cet islamisme. Il n'y a eu qu’un seul exemple de manifestation organisée contre les horreurs du djihad, c'était il y a quelques semaines à Mantes-la-Jolie. Cette exception mise à part, il n’y a pas suffisamment d’actes qui puissent rassurer l’opinion française sur l’adhésion de la communauté musulmane aux valeurs laïques, démocratiques, républicaines de la société occidentale.

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