L’atmosphère est tendue. Cuir, jean, capuche, la cinquantaine de jeunes garçons a squatté le fond de la salle d’une école de la rue Cavé, dans la Goutte d’Or. En face d’eux, à portée de main, Daniel Vaillant, maire du 18e arrondissement de Paris, est debout. Doigt levé, l’édile tente d’expliquer sa décision de fermer le dernier square de Paris ouvert la nuit, le square Léon. Cent mille euros de dégâts tous les ans (en particulier sur l’éclairage), 177 agressions ces deux dernières années, certaines à l’encontre du personnel des parcs et jardins de la ville : « Cela ne peut plus durer, dit Daniel Vaillant, inflexible. Vous n’avez rien à faire la nuit dans ce parc. » Le square Léon était l’unique parc parisien ouvert la nuit.
Les mômes, la majorité d’entre eux à moins de 16 ans, ne l’entendent pas de cette oreille. Ce parc de 6200 m2, l’unique espace vert de la Goutte d’Or, est leur territoire. Ils réclament le micro. Mais, peinent à formuler leurs revendications quand ils l’obtiennent. Ils se défendent en hurlant : « Les agressions, c’est pas nous. Les dégradations non plus. » Le commissaire central du 18e arrondissement rejoint Daniel Vaillant en première ligne. Les invectives pleuvent. Les policiers en civil qui l’accompagnent redoublent de vigilance. L’officier veut « engager le dialogue ». « Les flics nous tabassent, » rétorque la petite troupe, dont quelques membres dissimulent leur visage sous une écharpe. Dans la journée, le square Léon accueille les familles du quartier. Le soir, aux beaux jours, les Anciens y disputent des parties de dames acharnées.
Le dialogue de sourds avait commencé quelques minutes auparavant. Georges Sarre, adjoint au maire de Paris, chargé de la sécurité et de la prévention, avait alors essuyé les premiers quolibets en détaillant les nouveaux horaires du square Léon. Fermeture de 23h30 à 8h30 (un régime encore particulier, puisque les autres parcs parisiens bouclent leurs portes à 17h30 l’hiver et 21h30 l’été). « Deux heures avant la fermeture, des inspecteurs de sécurité de la ville patrouilleront dans le parc, explique l’élu. Puis, la police prendra le relais à l’extérieur, afin d’assurer le bon déroulement des opérations. »
Les riverains, eux aussi usagers réguliers du square Léon, rénové pour un montant d’1,5 millions d’euros en 2007, sont satisfaits, mais se taisent. À l’issue de la réunion, à l’abri des regards hostiles, les langues se délient pourtant. « C’est infernal, raconte Brigitte, une mère de famille qui souhaite taire sa véritable identité. Cris, hurlements, courses poursuite avec la police, scooters pétaradants, nous ne fermons pas l’œil de la nuit. Ces mesures étaient attendues par l’ensemble des habitants du quartier. » La parc avait été entièrement rénové, en 2007.
Reste une question, posée par un adolescent virulent : « Où va-t-on aller maintenant ? » « Chez eux, c’est invivable, souligne Sammy, né dans la Goutte d’Or, aujourd’hui éducateur en banlieue parisienne. Absence d’intimité, parents largués, ces gars préfèrent traîner la nuit. Ils n’ont pas de contraintes horaires, les jeunes sèchent l’école, quand les plus âgés n’ont pas de travail. » Livrés à eux-mêmes, une poignée de jeunes habitants de la Goutte d’Or échappe au maillage associatif pourtant serré du quartier et empoisonne la vie des riverains. Cette mesure va-t-elle régler l’affaire ? Georges Sarre, adjoint au maire de Paris, chargé de la sécurité et de la prévention, a détaillé les mesures de fermeture du parc, dans une atmosphère tendue.
Myriam El Khomri, adjointe au maire de Paris (protection de l’enfance et prévention spécialisée) et chargée de la prévention et de la tranquillité publique, auprès de Daniel Vaillant, dans le 18e arrondissement, refuse de baisser les bras. Au cours de la réunion, l’adjointe au maire de Paris a discrètement convié les récalcitrants à la rencontrer rapidement. « La balle est dans leur camp, dit-elle aujourd’hui. Nous devons dialoguer directement et leur proposer des solutions en matière de scolarité et d’emploi, en particulier. Les structures d’accompagnement existent dans l’arrondissement. »
Le temps presse : au terme des débats, quelques irréductibles ont joué à cache-cache avec la police dans les petites rues autour du square Léon. Jets de cocktails molotov, feu de poubelles, vitre de voiture brisées, les incidents ont pris fin vers une heure du matin, sans faire de blessés. Les forces de l’ordre ont procédé à des contrôles d’identité. Sans conséquence pour les émeutiers d’un soir. « On ne souhaitait pas entrer dans un rapport de force, » explique le commissariat central. Pourtant, ce bras de fer avec les pouvoirs publics semble permanent.
Source et commentaires
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.