"Il s'agit de disqualifier, culpabiliser, lyncher les citoyens enracinés, au nom d'une nouvelle France postidentitaire, posthistorique et postnationale. La France pluricentennaire doit devenir un objet de haine ou de dérision.
L'idéologie multiculturaliste est une broyeuse. Il faut défranciser la France ; l'Hexagone est appelé à devenir un espace cosmique, celui du prétendu "vivre ensemble" qui aménage la juxtaposition de multiples modes de vie et se réduit à un "vire côte à côte" méfiant. Le multiculturalisme, c'est le tombeau de la citoyenneté. Il est interdit d'émettre une préférence culturelle.
Bientôt l'expression "Français de souche" sera chassée du vocabulaire autorisé. Il faudra dire "natif au carré". D'ailleurs le sort des petits blancs est déjà scellé. Il pourrait ressembler demain à celui des Indiens d'Amérique. Nous assistons peut-être au dernier ballet des chapeaux à plumes.
Ce débat me fait mieux comprendre le nouveau totalitarisme de ce militantisme moraliste. Nous sommes surveillés par des kapos. Les mots sont traqués. La prison est proche : à cet effet, une catégorie de citoyens peut, depuis la loi Pleven de 1972, se voir, sur le modèle américain, doter d'un privilège de puissance publique. Comme a le droit de le faire un procureur, telle association, dépositaire de la morale officielle, dûment agréée par le garde des Sceaux, est habilitée, au nom de l'assistance aux victimes de discriminations, à faire les cent pas et à intenter un procès aux déviants. Dans tous les actes de la vie quotidienne, depuis le bistrot jusqu'au sein des entreprises et des administrations, vous serez écoutés, épiés, piégés et peut-être traduits en justice. La moindre parole de travers, même en privé, peut être fatale. Madame Taubira veille.
Nous sommes entrés dans la période de la judiciarisation des pensées, des arrières-pensées. Même dans les conversations intimes, le bras séculier de la nouvelle Inquisition referme le cercle de la parole libre. Bientôt, avec la loi Taubira, il faudra faire attention partout, chez le coiffeur, au restaurant, au stade. Une parole entendue, capturée, peut coûter cher. Chacun avancera à petits pas sur le trottoir, jettera un oeil à gauche, un autre à droite, et finira par se dire: "Je la ferme. A quoi bon appeler un chat un chat, puisque les chiens de garde me surveillent ?"
C'est la fin de nos libertés. Au nom des "valeurs républicaines", menacées selon Manuel Valls. il n'y a plus de ciment affectif, spirituel. Denis Tillinac, mon ami corrézien, a osé mettre les pieds dans le plat* : "Les valeurs républicaines ? Ça n'existe pas. On confond valeurs et principes. L'honneur, l'altruisme, la liberté, l'élévation spirituelle, l'oubli de soi, la pudeur, le panache sont des valeurs. La République est un mode d'organisation sociale et politique. Elle ne recèle en soi aucune valeur morale, aucune vertu pédagogique. Ces "valeurs républicaines" sont invoquées sans être jamais définies. La République, c'est un moment de l'Histoire de France qui a généré à gauche des valeurs symboliques. Elles composent une mythologie tout à fait respectable. La droite a aussi ses symboles et sa mythologie. Malheureusement, les politiques qui s'en réclament ne les connaissent pas."
Requiem pour les hussards de la République. Pour eux, la République avait encore un sens. Ils enseignaient avec fougue et faisaient aimer l'Histoire nationale. Voici venir le temps des nouvelles listes de proscription du "Comité des recherches", le temps des "suspects" et des patrouilles mobiles, des contrôles sémantiques inopinés, des radars planqués qui flashent les déambulations malsaines des cocardiers, franchouillards et binious. Requiem pour la liberté. Bienvenue aux nouveaux dissidents, qui se promènent le samizdat sous le manteau et ne parlent plus qu'en lieu sûr.
La politique, qui est l'art des Causes et du Bien public, devient un protocole compassionnel victimaire. Le courage et la lucidité ont cédé le terrain aux nouvelles liturgies de l'émotion et des pleurs sur commande. Les peuples en viennent à se lamenter sur les effets des maux dont ils chérissent les causes.
J'ai été frappé par ce qui est arrivé au philosophe Michel Onfray. Il était une coqueluche de la bien-pensance, courtisé, encensé, adulé. Une brillante intelligence. Et libre. Le jour où il osa publier un livre critique sur Freud, Le Crépuscule d'une idole, tout bascula. "Une avalanche d'insultes m'est tombée dessus, confie-t-il. J'ai vu des gens qui, au nom de la liberté d'expression, voulaient interdire la diffusion de mon cours sur France Culture. J'ai découvert ainsi les dégâts de l'idéologie dominante."
Nous sommes entrés dans le temps de la parole interdite. Que dire à une jeune de vingt ans ? "Le bateau coule, répond Michel Onfray, restez élégant. Mourez debout."
Certes le bateau s'enfonce, quille en l'air. Mais, s'il coule, c'est parce qu'il est à l'envers. L'urgence est donc de le remettre à l'endroit.
L'amour de nos gloires communes ne doit pas continuer d'apparaître ne doit pas continuer d'apparaître comme le signe clinique d'une morbidité présumée.
Apprendre l'Histoire, désormais, c'est apprendre à haïr. La France devient une tache ignominieuse sur la carte métaphysique des points précieux de la planète.
Notre petite demeure invisible, encombrée d'abjection et de flétrissure, n'est plus qu'un long remords. Notre passé est affreux. Nous sommes des affreux.
La liberté d'expression, sans cesse brandie, n'est plus qu'un mensonge. Il n'y a désormais de liberté que pour les expressions dûment accréditées. J'ai lu sur le "Mur des cons", affiché sans le hall d'accueil du Syndicat de la Magistrature, mon nom épinglé par des magistrats, comme un proscrit. Cette chasse à l'homme est insupportable.
Si on dessine des caricatures du Prophète et qu'on parle depuis Charlie, on a le droit à la liberté d'expression ; mais si on pose une question sur l'islam, on est poursuivi pour islamophobie.
Désormais, à tour de rôle, les mandarins de la repentance et les bien-pensants de la médiacaste, qui, ensemble, ont contracté la fièvre cafteuse, veillent nuit et jour. Ils font les cent pas, autour du carré interdit : "homophobe, islamophobe, xénophobe, europhobe". Ces épithètes ne sont plus seulement infamantes, elles désignent des fautes pénales, selon la formule : "L'islamophobie n'est pas une opinion, c'est un délit." Un mot de trop, et c'est le tribunal.
Plus personne n'ose s'approcher de la "cage aux phobes". Si nous avons aujourd'hui une classe politique aseptisée, essorée, dévitalisée, sous vide, c'est que la parole n'est plus libre ; il faut tourner sept fois la langue dans le micro-ondes.
Les circonlocutions qui tiennent à l'abri des poursuites ne sont pas à la portée du député de base. Alors il s'enterre. Il se tait. C'est à partir de 1986 que l'alternance n'est plus qu'un théâtre d'ombres et que la parole politique se vide de tout contenu normatif.
Philippe de Villiers, "LE MOMENT EST VENU DE DIRE CE QUE J'AI VU"
Extrait : chapitre XIII : "BHL et la petite main jaune"
Edition Albin Michel
L'idéologie multiculturaliste est une broyeuse. Il faut défranciser la France ; l'Hexagone est appelé à devenir un espace cosmique, celui du prétendu "vivre ensemble" qui aménage la juxtaposition de multiples modes de vie et se réduit à un "vire côte à côte" méfiant. Le multiculturalisme, c'est le tombeau de la citoyenneté. Il est interdit d'émettre une préférence culturelle.
Bientôt l'expression "Français de souche" sera chassée du vocabulaire autorisé. Il faudra dire "natif au carré". D'ailleurs le sort des petits blancs est déjà scellé. Il pourrait ressembler demain à celui des Indiens d'Amérique. Nous assistons peut-être au dernier ballet des chapeaux à plumes.
Ce débat me fait mieux comprendre le nouveau totalitarisme de ce militantisme moraliste. Nous sommes surveillés par des kapos. Les mots sont traqués. La prison est proche : à cet effet, une catégorie de citoyens peut, depuis la loi Pleven de 1972, se voir, sur le modèle américain, doter d'un privilège de puissance publique. Comme a le droit de le faire un procureur, telle association, dépositaire de la morale officielle, dûment agréée par le garde des Sceaux, est habilitée, au nom de l'assistance aux victimes de discriminations, à faire les cent pas et à intenter un procès aux déviants. Dans tous les actes de la vie quotidienne, depuis le bistrot jusqu'au sein des entreprises et des administrations, vous serez écoutés, épiés, piégés et peut-être traduits en justice. La moindre parole de travers, même en privé, peut être fatale. Madame Taubira veille.
Nous sommes entrés dans la période de la judiciarisation des pensées, des arrières-pensées. Même dans les conversations intimes, le bras séculier de la nouvelle Inquisition referme le cercle de la parole libre. Bientôt, avec la loi Taubira, il faudra faire attention partout, chez le coiffeur, au restaurant, au stade. Une parole entendue, capturée, peut coûter cher. Chacun avancera à petits pas sur le trottoir, jettera un oeil à gauche, un autre à droite, et finira par se dire: "Je la ferme. A quoi bon appeler un chat un chat, puisque les chiens de garde me surveillent ?"
C'est la fin de nos libertés. Au nom des "valeurs républicaines", menacées selon Manuel Valls. il n'y a plus de ciment affectif, spirituel. Denis Tillinac, mon ami corrézien, a osé mettre les pieds dans le plat* : "Les valeurs républicaines ? Ça n'existe pas. On confond valeurs et principes. L'honneur, l'altruisme, la liberté, l'élévation spirituelle, l'oubli de soi, la pudeur, le panache sont des valeurs. La République est un mode d'organisation sociale et politique. Elle ne recèle en soi aucune valeur morale, aucune vertu pédagogique. Ces "valeurs républicaines" sont invoquées sans être jamais définies. La République, c'est un moment de l'Histoire de France qui a généré à gauche des valeurs symboliques. Elles composent une mythologie tout à fait respectable. La droite a aussi ses symboles et sa mythologie. Malheureusement, les politiques qui s'en réclament ne les connaissent pas."
Requiem pour les hussards de la République. Pour eux, la République avait encore un sens. Ils enseignaient avec fougue et faisaient aimer l'Histoire nationale. Voici venir le temps des nouvelles listes de proscription du "Comité des recherches", le temps des "suspects" et des patrouilles mobiles, des contrôles sémantiques inopinés, des radars planqués qui flashent les déambulations malsaines des cocardiers, franchouillards et binious. Requiem pour la liberté. Bienvenue aux nouveaux dissidents, qui se promènent le samizdat sous le manteau et ne parlent plus qu'en lieu sûr.
La politique, qui est l'art des Causes et du Bien public, devient un protocole compassionnel victimaire. Le courage et la lucidité ont cédé le terrain aux nouvelles liturgies de l'émotion et des pleurs sur commande. Les peuples en viennent à se lamenter sur les effets des maux dont ils chérissent les causes.
J'ai été frappé par ce qui est arrivé au philosophe Michel Onfray. Il était une coqueluche de la bien-pensance, courtisé, encensé, adulé. Une brillante intelligence. Et libre. Le jour où il osa publier un livre critique sur Freud, Le Crépuscule d'une idole, tout bascula. "Une avalanche d'insultes m'est tombée dessus, confie-t-il. J'ai vu des gens qui, au nom de la liberté d'expression, voulaient interdire la diffusion de mon cours sur France Culture. J'ai découvert ainsi les dégâts de l'idéologie dominante."
Nous sommes entrés dans le temps de la parole interdite. Que dire à une jeune de vingt ans ? "Le bateau coule, répond Michel Onfray, restez élégant. Mourez debout."
Certes le bateau s'enfonce, quille en l'air. Mais, s'il coule, c'est parce qu'il est à l'envers. L'urgence est donc de le remettre à l'endroit.
L'amour de nos gloires communes ne doit pas continuer d'apparaître ne doit pas continuer d'apparaître comme le signe clinique d'une morbidité présumée.
Apprendre l'Histoire, désormais, c'est apprendre à haïr. La France devient une tache ignominieuse sur la carte métaphysique des points précieux de la planète.
Notre petite demeure invisible, encombrée d'abjection et de flétrissure, n'est plus qu'un long remords. Notre passé est affreux. Nous sommes des affreux.
La liberté d'expression, sans cesse brandie, n'est plus qu'un mensonge. Il n'y a désormais de liberté que pour les expressions dûment accréditées. J'ai lu sur le "Mur des cons", affiché sans le hall d'accueil du Syndicat de la Magistrature, mon nom épinglé par des magistrats, comme un proscrit. Cette chasse à l'homme est insupportable.
Si on dessine des caricatures du Prophète et qu'on parle depuis Charlie, on a le droit à la liberté d'expression ; mais si on pose une question sur l'islam, on est poursuivi pour islamophobie.
Désormais, à tour de rôle, les mandarins de la repentance et les bien-pensants de la médiacaste, qui, ensemble, ont contracté la fièvre cafteuse, veillent nuit et jour. Ils font les cent pas, autour du carré interdit : "homophobe, islamophobe, xénophobe, europhobe". Ces épithètes ne sont plus seulement infamantes, elles désignent des fautes pénales, selon la formule : "L'islamophobie n'est pas une opinion, c'est un délit." Un mot de trop, et c'est le tribunal.
Plus personne n'ose s'approcher de la "cage aux phobes". Si nous avons aujourd'hui une classe politique aseptisée, essorée, dévitalisée, sous vide, c'est que la parole n'est plus libre ; il faut tourner sept fois la langue dans le micro-ondes.
Les circonlocutions qui tiennent à l'abri des poursuites ne sont pas à la portée du député de base. Alors il s'enterre. Il se tait. C'est à partir de 1986 que l'alternance n'est plus qu'un théâtre d'ombres et que la parole politique se vide de tout contenu normatif.
Philippe de Villiers, "LE MOMENT EST VENU DE DIRE CE QUE J'AI VU"
Extrait : chapitre XIII : "BHL et la petite main jaune"
Edition Albin Michel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.