Où en est-on de l'application quotidienne de l'état d'urgence, après un mois d'application? La presse régionale nous apprend que le rythme des perquisitions et des assignations à résidence, les mesures-phares, reste soutenu. Le premier ministre, Manuel Valls, a vendu une nouvelle fois le dispositif par des chiffres, vendredi 11 décembre, sur France Inter:
"Il y a eu 2 575 perquisitions administratives depuis le 14 novembre qui ont donné lieu à 311 interpellations, 273 gardes à vue, 453 procédures judiciaires, la saisie de 403 armes dont 39 armes de guerre et 202 découvertes de produits stupéfiants." Une quarantaine de perquisitions par jour.
Durant les dix premiers jours de l'état d'urgence (14 novembre-23 novembre), la police et la gendarmerie réalisaient environ 120 perquisitions par jour. Désormais, la moyenne est d'une quarantaine (si l'on prend la période du 2 décembre au 10 décembre). Et, enfin, deux enquêtes préliminaires ont été ouvertes par la section antiterroriste du parquet de Paris à la suite de perquisitions administratives, les 4 et 10 décembre, comme l'a révélé Mediapart. Selon une source judiciaire, des découvertes suspectes chez des perquisitionnés, notamment des contenus informatiques, ont déclenché des vérifications policières, puis la judiciarisation des éléments obtenus.
Pour la masse des perquisitions, les bilans se suivent et se ressemblent. Dans la Drôme, vingt-huit perquisitions depuis le 14 novembre. Résultat: de l'argent liquide et une arme d'épaule. Aucune interpellation. "Nous pensons que par ces opérations, nous perturbons les habitudes des délinquants", conclut le préfet, Didier Lauga. Dans le Lot-et-Garonne, douze perquisitions, sans qu'on en connaisse le bilan.
Commentaire : En résumé, le gouvernement cible des innocents. Malgré des centaines de perquisitions, toujours aucun terroriste en vue.
"On s'intéresse aux gens qui ont une pratique particulièrement assidue"
En Eure-et-Loir, au contraire, la préfecture communique. Quarante-deux perquisitions ont eu lieu, nous apprend L'Echo républicain. Et la police a saisi des armes, certes... mais elles étaient détenues légalement. "Treize armes ont été saisies dont neuf fusils, deux armes de poing, deux armes blanches. Même détenues légalement, comme c'était le cas pour les fusils, elles sont saisies, si leur détention est considérée comme dangereuse", explique Frédéric Clowez, le directeur de cabinet du préfet.
"Quant aux personnes visées par ces perquisitions, Frédéric Clowez ne s'en cache pas, il s'agit bien de musulmans pratiquants : 'Ce ne sont pas des gens qui sont inquiétés dans des affaires judiciaires. Nous sommes dans une optique préventive'", écrit le journal, qui conclut étrangement: "Il serait donc presque rassurant de faire l'objet d'une perquisition administrative. Ceux qui sont vraiment dans le collimateur sont plutôt confiés aux enquêteurs parisiens de l'antiterrorisme." Le directeur de cabinet explique enfin la manière dont les cibles sont déterminées:
"Nous n'assimilons pas tous les musulmans aux radicaux. On s'intéresse aux gens qui ont une pratique particulièrement assidue, qui changent de comportement ou d'apparence vestimentaire."
Commentaire : Pour faire simple, si vous êtes musulman, préparez-vous à vous faire réveiller par la police.
Certains ont été "signalés par des voisins, un membre de la famille..."
Pratique assidue, apparence vestimentaire... Dans l'Aisne, c'est ainsi un adepte du Tabligh, un mouvement quiétiste, qui voit son appartement et ses voitures visités par la police, selon L'Union.
"Vous pouvez compter (...) sur ma diligence et celle de mes services"
Quant au contrôle parlementaire, il se met doucement en place. Jeudi soir 10 décembre, dans l'émission de France 2 "Complément d'enquête", le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, a maintenu le discours volontariste qui était le sien lors de la présentation de son dispositif de contrôle, le 2 décembre. Il a même condamné la perquisition administrative de deux maraîchers bio en Dordogne, sans toutefois se prononcer sur l'utilisation de l'état d'urgence contre les militants écologistes (validée, sur le plan de la légalité, par le Conseil d'Etat).
Pour l'instant, la visibilité de ce contrôle, pour le grand public, se résume à la page de données de synthèse sur le site de l'Assemblée nationale et à une liste de courriers au ministère de l'intérieur. Cinquante-et-une demandes d'"éléments détaillés" ont été envoyées "sur la base des informations dont la presse s'est, depuis plusieurs jours, fait l'écho". Seize attendent toujours une réponse. Dans une lettre à M. Urvoas, le 1er décembre, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, avait affirmé:
"Je souhaite contribuer très activement à l'effectivité de ce contrôle [parlementaire] en allant bien au-delà de ce qui était alors prévu en la matière. (...) Vous pouvez compter (...) sur ma diligence et celle de mes services à qui j'ai transmis des consignes de coopération d'une grande clarté."
Mais, alors que certains dénoncent des comportements de cow-boys pendant les perquisitions, peut-être la diligence de M. Cazeneuve a-t-elle été retardée par une attaque des Indiens.
Le premier ministre, a concédé, vendredi sur France Inter, "sans doute deux ou trois cas (...) pas admissibles" parmi les perquisitions. Concernant les assignations à résidence, le ministre de l'intérieur a abrogé l'arrêté visant l'imam de Montpellier, vendredi 11 décembre. Le responsable religieux et son avocat, Me Arié Alimi, avaient attaqué la décision. Le ministre a fini par se rendre à leurs arguments:
"Considérant qu'en application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée, le ministre de l'intérieur a assigné M. Mohamed Khattabi à résidence à compter du 22 novembre 2015 en estimant qu'il existait des raisons sérieuses de penser que l'intéressé constituait une menace pour l'ordre et la sécurité publics ;
Considérant que, notamment à la suite de l'exploitation des éléments résultant de la perquisition opérée le même jour, aucun élément corroborant cette menace n'a été établi ; que par suite, il y a lieu d'abroger la mesure précitée.
Premier contrôle sur place dans le Val-de-Marne
Pour la première fois de la Ve République, la commission des lois s'est dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête, pour pouvoir contrôler en temps réel la mise en œuvre de l'état d'urgence. Les députés ont effectué leur premier contrôle sur place, mercredi 9 décembre, dans le Val-de-Marne.
M. Urvoas a annoncé qu'un premier bilan serait présenté et que des premières recommandations seraient effectuées par la commission des lois, mercredi 16 décembre. Il y joue la crédibilité de ce contrôle parlementaire annoncé comme "inédit".
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