Alors tout cela vous donne une petite idée de l’immensité qui sépare les grands de ce monde, fussent ils un peu déchus et légèrement démonétisés, de la multitude amorphe des anonymes impécunieux, tenus de se serrer toujours un peu plus la ceinture en attendant des jours meilleurs qui ne viennent jamais. Les uns connaissent des ennuis mais ne cessent jamais de péter dans la soie, les autres claquent du bec en regardant, terrorisés, leurs petits découverts de fin de mois qui ne suffiraient même pas à assurer le budget vaseline du gros Minou. J’en connais un sacré paquet à qui ça doit faire drôle, toute cette débauche de pognon : par exemple les copains nés après 1957 qui viennent, contre toute attente, de se morfler un an de plus à attendre la retraite. Et avec l’accord des Syndicats, s’il vous plaît…oui enfin, pas la CGT ni FO, non, juste ceux qui possèdent un tout petit peu le sens des responsabilités. Parce qu’évidemment, quand vous commencez à voir le fond de la caisse (sans contrepèterie) vous avez deux solutions, soit vous regardez ailleurs soit vous essayez de sauver ce qui peut encore l’être. Grâce à Dieu, ce qui vaut essentiellement pour la CFTC, cette dernière et ses copines CFDT et CGC ont choisi la seconde accordant ainsi un peu d’air à l’ARRCO et à l’AGIRC, lesquels frisaient l’asphyxie. Je me dois d’ajouter, mais ne le dites à personne, que les deux syndicats non-signataires, bien contents de se tirer ainsi d’un inextricable pétrin, n’ont pas omis de chuchoter en coulisse qu’ils écraseraient le coup en se contentant de petites protestations de principe, juste pour la forme. Il n’y aura pas la moindre grève et personne ne défilera; ni fleurs ni couronnes et même pas de serrements de mains… Ouf, c’est passé, tout le monde est content! Surtout le MEDEF, d’ailleurs qui se félicite de l’avancée historique qu’un tel accord représente, il s’agit bien d’une grande première : les représentants des salariés lâchent sur l’augmentation de l’âge de la retraite! Encore un tabou qui tombe, dites donc…et les tabous, une fois par terre, personne n’en a plus rien a foutre, on les pousse dans le caniveau du bout de la godasse et ça part à l’égout.
Tout de même, rendez vous compte, c’est un gros pilier de l’édifice mitterrandien qui s’écroule. La construction biscornue de 1981, boursouflée de tout un ensemble d’âneries utopisantes visant à l’indispensable obtention des voix communistes, ne tenait pratiquement plus que par le dogme de la retraite intangible. Cette fois nous y sommes, il disparaît en douce, sans bruit, sans tapage, liquidé par ses propres thuriféraires confrontés à d’implacables réalités financières issues d’un demi-siècle marqué par le honteux laxisme des politicards et des « partenaires sociaux ». Le désastre financier que nous héritâmes de Mitterrand et de son « Programme Commun » contraint aujourd’hui ces braves syndicalistes à enclencher la marche arrière…un peu tard, certes, mais cela vaut mieux que jamais, n’est-ce pas? Alors, me direz vous, rien au fond ne mérite qu’on fasse un plat de l’accord signé Vendredi dernier, il s’agit seulement d’une petite décote de dix pour cent sur deux ou trois ans si vous décidez de prendre votre retraite aussitôt que vous remplissez les conditions exigées par le Régime Général. Pour le retraité moyen la perte ne devrait pas excéder les mille Euros par an, presque rien, en somme…oui, pour Minou la Tringlette…mais pour le bénéficiaire lambda de l’ARRCO cela signifierait canigou à tous les repas : il attendra un an de plus! Et puis, vous savez, il n’y a que le premier pas qui coûte : on démarre soft et par la suite on en rajoute une petite couche à chaque réunion négociatoire…du moment que la barrière psychologique a disparu après ça roule tout seul. Et comme ils apparaissent bien loin d’en avoir fini avec le besoin de financement, les Régimes Complémentaires à la Madoff, je puis vous assurer qu’elle se voit promise à un grand avenir, la décote, peut être même que nous tenons-là l’invention du siècle, celle qui nous changera la vie… Il l’avait bien dit, Hollandouille : « je vais réenchanter le rêve français »… hé bien voila, le tour est joué, vive la décote! Rien ne sera donc plus jamais comme avant, il importera désormais se poser encore une question subsidiaire . Ainsi quand votre petite copine atteindra ses soixante-deux printemps (hé oui, n’est pas Minou La tringlette qui veut) il lui faudra bien compter ses trimestres, comme toujours. Mais si d’aventure elle se réjouissait en s’imaginant pouvoir déposer illico son dossier entre les mains présumées compétentes d’une CARSAT tutélaire, n’omettez surtout pas de la rappeler en ces termes à la règle nouvelle : « Oui, bien sûr, mais as tu pensé à calculer ta décote, ma cocote? ». L’étourdie vous en saura gré…et vous foutra la paix pendant un an encore!
A vous revoir la semaine prochaine, conservez vous bien.
Et merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN
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