26 août 2015

Epidémie de maladies auto immunes : des corps qui se détraquent dans un monde déséquilibré


Des scientifiques dans le monde entier sont déconcertés face une augmentation alarmante et inexpliquée de taux de maladies auto immunes. Pourtant les médias restent silencieux sur ce phénomène.

La plupart d’entre nous, à un moment donné de la vie, a imaginé combien ce serait dévastateur si le médecin diagnostiquait un cancer ou vous disait que vous courez le risque de faire une attaque cardiaque ou une embolie. Des articles de magazines, des drames télévisuels, et des titres de journaux font entrer tout cela dans les foyers.

Mais envisagez un scénario de crise sanitaire tout aussi dévastateur, dont vous entendez rarement parler ouvertement, et qui ne reçoit que très peu d’attention médiatique.

Imaginez la lente escalade invalidante de symptômes semblant confus : les picotements dans les bras et les doigts, l’apparition soudaine de petites tâches de rougeur sur le visage, l’étrange faiblesse musculaire dans les jambes en montant les escaliers, les douleurs violentes articulaires qui semblent sorties de nulle part - - l’un de ces symptômes, ou tous, peuvent signaler le début d’une large palette de maladies qui altèrent la vie, des maladies auto immunes souvent invalidantes.

Imaginez, si vous le pouvez : des picotements dans les pieds, les chevilles, qui se révèlent être le début d’une sclérose en plaques (SEP). 400 000 malades (ces chiffres se rapportent à la population des US ndlt). Des douleurs intolérables dans les articulations et des douleurs liés à l’inflammation, des rougeurs sur la peau, et des symptômes grippaux sans fin, qui mènent au diagnostic de Lupus. 1 500 000 personnes de touchées en plus. Des vertiges incessants - - la marque de la Maladie de Méniere. 7 américains sur 1000. De violentes douleurs abdominales, des fissures rectales saignantes, des diarrhées incontrôlables, et une inflammation chronique des intestins, symptômes qui définissent la Maladie de Crohn et une pathologie liée à l’inflammation des intestins. 1 million d’américains en plus. Une bouche sèche qui continue de persister même en buvant 8 verres d’eau par jour, la gorge et la langue desséchées et les mystérieuses difficultés pour avaler qui sont les premiers signes de la maladie de Sjögrens. 4 millions d’américains. Et, dans presque tous les cas de maladies auto immunes, des périodes intolérables d’épuisement qui altèrent la qualité de vie. Si la fatigue se transformait en un son émit par les 23.5 millions de personnes touchées par des maladies auto immunes aux Etats-Unis, le rugissement à travers tout le pays serait plus assourdissant qu’un retour des nuages de sauterelles.

Et pourtant malgré la prévalence des maladies auto immunes, des études montrent que plus de 90% des personnes ne peuvent citer un seul nom de maladie auto immune quand on leur demande d’en citer spécifiquement une.

Réfléchissez y - - en dehors des marathons organisés pour la SEP, combien de marches ou d’accrochage de rubans pour récolter des fonds avez vous vu pour les maladies auto immunes en général ? Près de 24 millions d’américains souffrent d’une maladie auto immune, pourtant 9 américains sur 10 ne peuvent citer un seul nom de ces maladies auto immunes. C’est inconcevable.

Chacune de ces approximativement 100 maladies auto immunes porte atteinte à la qualité de vie. Prises collectivement, ces maladies, qui comprennent aussi le Diabète de type 1, la Maladie de Grave, la Vasculite, la Myasthénie Gravis, les maladies des tissus conjonctifs, la maladie auto immune d’Addison, l’Arthrite Rhumatoïde, l’Anémie Hémolytique, la Maladie Coeliaque, la fibromyalgie et la Sclérodermie, sont actuellement le Numéro 2 des causes de maladies chroniques en Amérique, et la troisième cause de prise en charge par la Sécurité Sociale après les maladies cardiaques et le cancer. Le Syndrome de Déficience Immunitaire Acquis ou SIDA, n’est pas lui une maladie auto immune ; en fait c’est complètement différent. Dans le cas du SIDA, un virus attaque le système immunitaire et le détruit, alors que dans une maladie auto immune, le système immunitaire dirige l’attaque, prenant par erreur les tissus de l’organisme pour un envahisseur et retournant le corps contre lui-même.

Les maladies auto immunes sont la huitième cause de mortalité parmi les femmes, réduisant de 15 ans en moyen l’espérance de vie du malade. Ce n’est pas surprenant que le poids économique de la prise en charge en soit faramineux : les maladies auto immunes représentent une dépense de santé annuelle de plus de 120 milliards de dollars, comparé à celle du coût direct des soins pour le cancer de 70 milliards.

Pour illustrer ces chiffres, notez : tandis que 2.2 millions de femmes vivent avec un cancer du sein, et 7.2 millions avec une maladie coronarienne, on estime à 9.8 millions le nombre de femmes souffrant de l’une de ces 7 maladies auto immunes les plus fréquentes : Lupus, Sclérodermie, Arthrite Rhumatoïde, Sclérose en Plaques, maladie inflammatoire des intestins, maladie de Sjögrens, et le Diabète de type 1. Toutes ces maladies peuvent conduire à des complications potentiellement mortelles.

Ou bien découpez ces statistiques d’une autre façon : tandis que 1 femme sur 69 en dessous de 50 ans sera diagnostiquée avec un cancer du sein, selon des estimations, jusqu’à 1 femme sur 9 en âge de procréer sera diagnostiqué atteinte d’une maladie auto immune, qui frappe trois fois plus de femmes que d’hommes - - et souvent frappent des malades dans leur jeunesse. Selon le National Institute of Health (Institut de Santé Publique) les maladies auto immunes touchent un nombre bien plus important de patients que les 9 millions d’américains qui ont un cancer et les 16 millions qui ont une maladie coronarienne.

« La Maladie Occidentale » : une épidémie en recrudescence, peu reconnue et peu traitée

Tandis que les maladies auto immunes sont peu reconnues et peu traitées, le nombre de patients atteints de ces maladies a augmenté régulièrement. Pourtant peu de médecins qui exercent actuellement ont conscience du tsunami qui s’intensifie, avec des preuves épidémiologiques qui maintenant inquiètent des scientifiques de haut niveau dans des instituts partout dans le monde : des preuves que des maladies auto immunes tel le Lupus, la SEP, la Sclérodermie, et bien d’autres sont en augmentation et l’ont été ces 4 dernières décennies dans les pays industrialisés partout dans le monde.

Des chercheurs de la Clinique Mayo ont rapporté que le développement du Lupus a presque triplé aux US ces 4 dernières décennies. Leurs découvertes sont d’autant plus alarmantes quand on considère que leur recherche a été menée principalement parmi une population blanche alors que beaucoup de scientifiques croient que le taux de Lupus augmente de façon plus significative chez les Afro Américains.

Ces 50 dernières années, le taux de Sclérose En Plaques (SEP) a triplé en Finlande. Les taux ont également augmenté en Ecosse, en Grande Bretagne, en Hollande, au Danemark et en Suède, où le nombre se personnes atteintes de SEP a presque augmenté de 3% par an. La SEP en Norvège a augmenté de 30% depuis 1963, faisant écho aux taux relevés en Allemagne, en Italie, et en Grèce, où le taux de SEP a doublé ces trente à quarante dernières années.

Le taux de Diabète de type 1 et peut être le plus parlant. Des données de ces 40 dernières années montrent que le taux du Diabète de type 1, une maladie où les cellules auto immunes attaquent des cellules Beta produisant de l’insuline dans le Pancréas, a été multiplié par 5. L’histoire concernant le Diabète de type 1 pendant l’enfance est encore plus troublant. Des études montrent que le nombre d’enfants ayant un Diabète de type 1 explose, avec des taux augmentant de 6% par an chez les enfants de 4 ans et en dessous, et de 4% chez les enfants âgés de 10 à 14 ans.

Les taux de nombreuses autres maladies auto immunes - - Sclérodermie, Maladie de Crohn, Maladie auto immune d’Addison, la Polymiosite - - montrent le même schéma alarmant.

Comme dans le cas de toute recherche épidémiologique, il serait facile de réfuter ces taux croissants en disant qu’un plus grand nombre de patients sont diagnostiqués avec ses maladies parce que les médecins ont plus conscience de celles-ci plutôt que du fait d’une augmentation réelle du nombre personnes touchées. Pourtant, les chercheurs derrière ces études considèrent qu’il y a derrière ces augmentations autre chose que le simple fait d’un meilleur diagnostic par les médecins.
Des épidémiologistes norvégiens, par exemple, affirment que les taux croissants sont « dus à un réel changement biologique de la maladie » plutôt que causés seulement par de meilleurs diagnostics, et sont préoccupés par la plus grande occurrence des maladies auto immunes en milieu urbain qu’en zones rurales. Des chercheurs suédois et allemands sont d’accord pour affirmer que de meilleurs diagnostics seuls ne peuvent expliquer l’augmentation significative actuellement de la SEP.
Des chercheurs sur le Diabète de Type 1 insistent sur le fait que l’actuel accroissement rapide de cette maladie ne peut pas être expliquée ni par de meilleurs diagnostics, ou par le fait que des personnes deviennent brusquement plus sensibles génétiquement au Diabète de type 1 ; c’est plutôt un changement des facteurs environnementaux qui «est l’explication la plus plausible ». A la clinique Mayo, les chercheurs commencent a se demander si les taux croissants de Lupus sont le résultat d’une exposition accrue à des facteurs environnementaux déclenchants d’une origine inconnue. Parce que les maladies auto immunes se développent dans presque tous les pays industrialisés, des scientifiques du monde entier l’ont dénommé la « maladie de l’Occident ».

Une charge croissante pour les malades atteints de maladie auto immunes, une crise d’épidémie de maladies auto immune en devenir

Tandis que des études épidémiologiques fournissent une image d’ensemble de la crise des maladies auto immunes en devenir, c’est à travers les yeux des malades qu’elle prend un sens plus personnel. Et là où c’est le plus évident ce sont dans les bureaux du DC Michelle Petri, chef de clinique du Centre Johns Hopkins pour le Lupus, au centre de soins de jour Johns Hopkins à Baltimore, Maryland. Le DC Petri est un poids lourd dans le domaine de la rhumatologie et une oratrice nationalement connue en ce qui concerne le Lupus. Un grand nombre des malades qu’elle soignent ont attendu des mois pour obtenir un rendez vous pour confirmer un diagnostic ou obtenir une meilleur traitement pour des maladies rhumatologiques d’origine auto immune comme le Lupus et le Syndrome anti- phospholipide. Certains sont des voisins qui vivent à quelques centaines de mètres de son bureau, tandis que d’autres font des milliers de kilomètres pour venir la voir.
Pendant ses 30 ans de carrière, Petri a été témoin d’une augmentation dramatique de patients atteints de Lupus. Dans les années 60, il n’y avait que 150 à 200 patients enregistrés à la clinique de Rhumatologie Hopkins. Aujourd’hui, il y a 1700 patients atteints de Lupus enregistrés pour le seul voisinage immédiat. « La population de Baltimore diminue, et pourtant le nombre des personnes venant à notre clinique de Baltimore est en augmentation » dit-elle.

Dans un immeuble administratif proche, on trouve les archives de la clinique portant sur le Lupus. Dans un espace de 10 m2 on trouve 4 murs remplis de dossiers de patients, qui, il y a vingt ans, auraient pu contenir dans quelques boîtes métalliques. Bien que Petri n’ait pas les moyens de mener une recherche épidémiologique formelle par le biais de sa clinique, l’augmentation continue du pourcentage de patients atteint dans sa propre petite zone urbaine est, dit-elle «très troublant ».

Un pourcentage de l’augmentation que Petri, et d’autres cliniciens, ont constaté pour le Lupus, est certainement du au traitement amélioré que de nombreux patients reçoivent par le biais de dialyses et de transplantations de rein, ce qui les aide à vivre plus longtemps (plus les patients vivent longtemps, plus leur nombre croit). Et la capacité des médecins à diagnostiquer le Lupus s’est améliorée d’une certaine façon dans un grand nombre d’hôpitaux des centres villes. Cependant, cette augmentation du Lupus « est tellement énorme », dit Petri, qu’une partie ne peut s’expliquer qu’en lien avec le Lupus lui-même.

Le ton empathique de Petri révèle sa préoccupation pour le bien être de ses patients de même que sa frustration du fait que si peu de médecins comprennent pourquoi le système immunitaire d’un si grand nombre de personnes attaquent leurs propres tissus sains. Le fait qu’un grand nombre de médecins sont mal formés au diagnostic de ces maladies peut avoir comme conséquence que les patients affrontent des délais coûteux - - à la fois physiquement et émotionnellement - - pour obtenir l‘aide dont ils ont besoin.

L’une de ces patientes c’est Kathleen Arntsen, une commerciale de 41 ans de Verone, New York. Après 5 ans de recherche du diagnostic pour ce qui plus tard s’est avérée être une Myasthénie gravis, une maladie au cours de laquelle les malades souffrent de sévère fatigue musculaire et de faiblesse invalidante, Kathleen s’est entendu dire par un médecin qu’elle avait vu 8 fois : « nous vous avons fait passer tous les examens connus de l’home sauf une autopsie, voudriez vous en avoir une aussi ? » Pendant 5 ans dit-elle :« j’ai été traité comme une personne complètement cinglée. Personne ne pouvait me dire ce qui n’allait pas avec moi, et encore moins me proposer un traitement »

L’histoire d’Arntsen n’est pas inhabituelle. Le patient moyen atteint de maladie auto immune voit 6 médecins avant d’obtenir un diagnostic correct. Des études récentes menées par l’ American Autoimmune Related Diseases Association, révèlent que 45% des patients atteints de maladies auto immunes ont été catalogués d’hypocondriaques pendant les stades précoces de leurs maladies. C’est en partie du, sans nul doute, au fait que 75% à 80% des personnes souffrant de maladies auto immunes sont des femmes, qui sont plus facilement écartées par l’institution médicale quand des symptômes difficiles à diagnostiquer se révèlent. Dans la moitié des cas, on dit aux femmes atteintes de maladies auto immunes qu’il n’y a pas de problème avec elles, ceci 5 ans environ avant d’avoir pu bénéficier d’un diagnostic et d’un traitement. On laisse souvent des patients - -plus spécialement des femmes - - avec le sentiment qu’elles sont confuses et marginalisées, ou pire, on les considère comme des tires aux flancs psychosomatiques.

Arntsen a été suffisamment chanceuse pour trouver le chemin jusqu’à la Clinique Neuromusculaire de l’Université Johns Hopkins et plus tard jusqu’à Michelle Petri, pour confirmation, consultation et validation concernant ses atteintes poly auto immunes, qui comprennent le Lupus, Sjögrens, Grave, la maladie de la Thyroïdite, APS, Psoriasis, Maladie de Reynaud et Myasthénie gravis. Ayant ainsi un éventail précis de diagnostics, les maladies auto immunes d’Arntsen l’ont obligée à renoncer à presque tout ce qu’elle considérait comme une vie normale auparavant, pour préserver son énergie pour faire face au quotidien. Autrefois une jeune femme pleine de santé étudiant à l’Université Colgate, où elle était capitaine de l’équipe féminine de rugby, Arntsen doit maintenant s’arrêter et prendre dans la main chacun de ses genoux pour monter les escaliers. I[« Je coexiste »]i dit-elle «avec des douleurs aigues des os ». Sa longue chevelure qui lui descendait autrefois usqu’aux reins, est devenu rare et fine, conséquence de la thyroïdite auto immune, en même temps que les effets secondaires des prises médicamenteuses. Cette dernière décennie elle a passé presque un an et demi à l’hôpital pendant ses poussées les plus aigues de Lupus. Bien quelle soit attentivement surveillée, il y a peu de chose que l’institution médicale puisse offrir à Kathleen contre son Lupus, et sa Myasthénie gravis, en dehors des stéroïdes, une diète saine et plein de repos - - surtout depuis qu’aucun médicament nouveau contre le Lupus n’a été autorisé par la US Food And Drug Administration depuis plus de 40 ans.

Le handicap de Kathleen et son extrême fatigue qui ont eu un impact négatif sur sa vie et sa carrière, ne disparaîtra pas. Alors qu’elle avait la trentaine, elle était une championne des ventes pour sa compagnie d’assurances, et avait l’habitude de courir plusieurs Km par jour. Actuellement elle vit d’une pension d’invalidité - - qui, dit-elle tristement, i( « lui permet d’avoir du temps pour son nouvel emploi a temps plein : consulter des spécialistes »]i. Elle se lève chaque jour vers midi et dé pense le peu d’énergie qu’elle a en volontariat à la Fondation pour le Lupus de New York Nord et Centre, qui est devenu son « bébé » bien qu’elle ne puisse se remettre du fait que «la chance d’avoir un enfant lui a été volée ». Le mieux que Kathleen et son mari, qui partage sa vie depuis 15 ans, puissent espérer c’est que grâce à un contrôle sérieux de sa diète, de son stress et de son sommeil, elle aura plus de bons jours que de mauvais.

Cependant, en regardant Kathleen vous n’auriez jamais pu deviner ce qu’elle a enduré ou ce qu’elle doit affronter chaque matin au début de sa journée. Comme pour beaucoup de personnes qui souffrent de maladies auto immunes, les symptômes de Katlheen restent pour la plupart invisibles. « Parce que nous passons par des hauts et des bas, vous pourrez nous voir lors d’un bon jour, entre des attaques sévères, quand on semble parfaitement bien, » dit-elle. «Vous ne savez pas qu’on vient juste de passer 6 semaines en enfer ». Peu peuvent imaginer, ajoute-t-elle, que derrière la porte de sa chambre, même l’un de ces bons jours, Kathleen doit prendre 22 médicaments environ une demi heure avant d’essayer de se lever, pour qu’elle puisse supporter la douleur quand ses pieds touchent le sol. «Au moment ou vous me rencontrez à deux heures de l’après midi à l’épicerie, et que vous me dites bonjour, je suis prête à vous saluer et dire « Oh ! Je vais bien, comment allez vous ? »

Copyright 2008 Donna Jackson Nakazawa.

Interview

Série de Questions- Réponses avec Donna Jackson Nakazawa, auteur de The Autoimmune Epidemic: Bodies Gone Haywire in a World out of Balance – et the Cutting Edge Science that Promises Hope (Touchstone/Simon & Schuster, February 2008).

Q : Dans votre livre vous dites que le nombre de personnes souffrant de maladies auto immunes telles que le Lupus, la Sclérose en Plaques, et le Diabète de type 1 a explosé - - plus que doublé ces trois dernières décennies. Pourtant on entend peu parler de cette épidémie. Pourquoi ?

Nakasawa : Le Lupus, la Sclérose en Plaques, le Diabète de type 1 et l’Arthrite Rhumatoïde ne sont que quelques unes des maladies auto immunes les plus communes, mais en fait il y a environ une centaine d’autres maladies auto immunes connues. 1 personne sur 12 – et 1 femme sur 9 - - a une maladie auto immune. C’est environ 24 millions d’Américains. Bien que les maladies auto immunes touchent plus du double de personnes que celles qui ont un cancer, et qu’une femme a 8 fois plus de possibilité d’avoir une maladie auto immune qu’un cancer du sein, 90 % des Américains disent qu’ils ne peuvent nommer une seule maladie auto immune. Parce que les gens ne savent pas que beaucoup de pathologies douloureuses et handicapantes qui touchent de plus en plus de membres de leurs familles et de leurs amis sont de nature auto immune ; le système immunitaire du corps, qui est fait pour nous protéger, attaque par erreur les organes et systèmes de son propre organisme.
Nous n’entendons pas beaucoup parler de ces maladies parce que le processus exact qui fait que notre système immunitaire se transforme d’ami en ennemi a été pendant de nombreuses décennies le trou noir de la science moderne. Avant la fin des années 70, les scientifiques n’étaient même pas d’accord sur le fait que le corps pouvait se retourner contre lui-même, encore moins savoir pourquoi. Ce n’est seulement que ces dix dernières années que les scientifiques ont pu montrer en laboratoire comment exactement le système immunitaire, quand il est débordé par des envahisseurs étrangers tels que des produits chimiques ou des virus, peut se détraquer et détruire ses propres tissus et organes dans des actes que nous pourrions décrire comme des « tirs amis ».

Le fait que ces maladies ont été difficiles à comprendre par la communauté médicale cela veut dire que même aujourd’hui obtenir un diagnostic correct peut être très difficile. La plupart des personnes qui ont une maladie auto immune voir six médecins sur une période de 4 ans avant d’obtenir un diagnostic. Une patiente qui souffrait de fatigue musculaire sévère et de faiblesse handicapante s’est vu dire par son médecin qu’elle avait vu huit fois : « nous vous avons fait passer tous les examens disponibles pour l’homme sauf un seul, une autopsie. Voudriez vous en avoir une ? ». Il lui a fallu 5 ans avant d’être diagnostiquée comme souffrant de Myasthénie gravis. L’institution médicale manque souvent de compréhension complète sur comment diagnostiquer ces maladies, écartent les femmes qui se plaignent de ces symptômes, et ont souvent peu de chose à offrir en matière de traitement efficace. Donc une raison pour laquelle les maladies auto immunes sont hors du champ de nos écrans c’est parce que se sont des maladies qui, pendant des décennies, ont été perçues comme mystérieuses et mal comprises.

Je suspecte une autre raison, c’est qu’à un certain niveau nous ne voulons pas affronter les faits. Les taux de ces maladies ont doublé et triplé dans les pays industrialisés dans le monde entier, ces trois dernières décennies. Les scientifiques les plus éminents que j’ai interviewé pour mon livre sont d’accord que quelque chose dans notre environnement - - quelque chose bien au-delà d’une meilleure capacité à diagnostiquer ces maladies - - est à l’origine de cette crise sanitaire. Ils sont convaincus que la cause de cette épidémie - - qui est en fait mondiale - - se trouve principalement dans notre environnement et dans toutes les toxines, pesticides, métaux lourds et produits chimiques qui font désormais partie de notre quotidien. Nous portons tous un « problème corporel » de toxines dans notre circulation sanguine, même les bébés. Plusieurs études montrent que les produits chimiques couramment contenus dans les produits d’entretien ménagers, les cosmétiques et les meubles sont présents dans le sang du cordon ombilical du fœtus. Cela ne sonne pas sain, n’est ce pas ? Mais si nous sommes d’accord pour dire que cette soupe de produits chimiques est nocive, que faisons nous contre cela ? Parler d’une épidémie mondiale c’est un peu comme parler du réchauffement climatique avant la sortie du film «An Inconvenient Truth » Une Vérité Dérangeante . Pendant longtemps nous n’avons pas vu, ou voulu voir, que la plus petite augmentation de température ferait fondre les glaces polaires. De même nous ne voulons pas savoir que les façons dont nous polluons notre environnement font également du mal à nos corps et nos cellules immunitaires. Dans le monde médical international, les scientifiques qui étudient les maladies auto immunes l’appellent cette épidémie le «réchauffement climatique de la santé de la femme ». Pourtant la réalité sur le fait que l’environnement joue un rôle majeur dans le déclanchement de ces maladies n’a pas encore atteint le reste de la population.

Q : Vous utilisez le terme « autogène » pour décrire les agents qui déclanchent les maladies auto immunes. Quels sont certains de ces autogènes ?

Nakazawa : Il y a probablement des milliers de ces autogènes que nous n’avons pas encore étudiés. 18 000 produits chimiques ont été approuvés pour utilisation dans notre environnement. Chaque année 1700 nouveaux produits chimiques sont approuvés - - c’est en moyenne 5 par jour. Est-ce que les scientifiques ont étudié les effets sur nos organismes de tous ces produits chimiques ? Non. Cependant, on a montré que ces produits chimiques - - sur lesquels on a fait des expérimentations sur des animaux de laboratoire - - jouaient un rôle dans le déclanchement de réactions auto immunes. Par exemple, des souris exposées aux pesticides - - à des niveaux 4 fois inférieurs à ceux considérés comme acceptables pour les humains par l’EPA - - sont plus susceptibles de développer un Lupus que les souris servant d’animaux témoins. Des souris qui absorbent de faibles doses de trichloroéthylene (TCE) - - un produit chimique utilisé comme dégraissant—à des niveaux considérés comme sûrs par l’EPA, et correspondant à la dose à laquelle peut être soumise un ouvrier d’usine, développent rapidement une hépatite auto immune. Et on peut trouver de faibles doses d’acide perfluorooctanoïque, un composant chimique de Teflon, dans 96% des humains testés à cet effet, qui affaiblit le développement d’un système immunitaire correct chez les rats.

Nous savons d’après des études sur des humains que ces produits chimiques ont un impact dangereux sur notre système immunitaire. En 2007, des scientifiques des Instituts Nationaux de la Santé ont annoncé - - après avoir étudié 300 000 certificats de décès dans 26 états sur une période de 14 ans - - qu’il existait une plus forte probabilité que ceux qui avaient travaillé avec des pesticides, des textiles, de la peinture à main, des solvants (tel que le TCE), du benzene, de l’amiante, et d’autres composants soient morts de maladies auto immunes que ceux qui n’avaient pas été exposés. D’autres études récentes montrent des liens entre le travail avec des solvants, la poussière de sicile, l’amiante, les PCV et le chroride de Vinyl, et la grande probabilité de développer une maladie auto immune.

Q : Mais tous ceux qui sont exposés à ces autogènes ne sont pas atteints par ces maladies. Alors pourquoi certains sont touchés et pas d’autres ?

Nakazawa : C’est à cause d’un phénomène que j’appelle l’’ effet poudrière ». chaque personne, avec sa composition génétique unique est exposé à une myriade de combinaisons et de taux d’autogènes dépendant de ce qu’elle rencontre dans son quotidien à travers l’air qu’elle respire et ce avec quoi elle entre en contact par la peau. Ce mélange toxique ne consiste pas seulement en produits chimiques et métaux lourds, mais aussi en additifs dans des plats pré cuisinés et des virus et des agents bactériens auxquels nous sommes exposés - - tout ceci mélangé a un impact sur notre système immunitaire. Le stress chronique, qui produit du cortisol dans notre organisme joue aussi un rôle dans le déclanchement de ces maladies de même que la production d’hormones chez les femmes - - c’est pourquoi les femmes sont trois fois plus touchées que les hommes en ce qui concerne les maladies auto immunes. Tant que votre poudrière n’est pas encore remplie, votre système immunitaire est encore capable de faire face au quotidien. Mais une fois que votre système immunitaire est surchargé il peut envoyer des signaux mal interprétés provoquant des erreurs coûteuses et attaquant l’organisme lui-même. Malheureusement dans la vie moderne nous avons crée une parfaite tempête de facteurs - - une pléthore de produits chimiques, de métaux lourds, d’additifs alimentaires, d’épidémies virales et de facteurs stressants - - pour permette à l’épidémie auto immune de s’enraciner. Par conséquent, ce que nous rencontrons dans notre vie du XXI ème siècle fait que notre poudrière est remplie à ras bord - - et déborde. C’est à ce moment là que la maladie frappe.

Q : Est-ce seulement les personnes avec des dispositions génétiques qui sont sensibles à cet « effet poudrière « ?

Nakazawa : Non. Des chercheurs ont trouvé que n’importe qui peut être sensible. Que vous soyez touché ou non par une maladie auto immune, dépend du nombre de ces déclencheurs auxquels vous avez été exposés durant votre vie - - ou du niveau de remplissage de votre poudrière. Des personnes qui ont une pré disposition génétique -- par exemple, si vous avez un proche qui a une maladie auto immune, vous pouvez avoir une prédisposition génétique - - sont peut être plus vulnérables, mais quiconque dont le système immunitaire est surchargé ou sur stimulé peut être malade.

Q : vous parlez d’ »agglomérats » de maladies auto immunes dans votre livre. Par exemple, à Buffalo, New York, dans un petit quartier entouré de sites de déchets toxiques connus, un nombre inhabituellement élevé de personnes ont développé un Lupus. Et pourtant, le Département US de la Protection Environnementale doute qu’il y ait un lien. Pourquoi cela ?

Nakazawa : les agglomérats sont très controversés parce que nos critères scientifiques pour prouver qu’une exposition à A provoque une maladie B dans une communauté sont extrêmement difficiles à satisfaire. Les maladies auto immunes prennent des années à apparaître après l’exposition, et les communautés changent constamment. Les gens déménagent, ou meurent, ou leurs maladies ne sont jamais correctement diagnostiquées. Comment pouvons nous prouver, avec toutes ces variables, qu’une exposition à un produit toxique dans une zone est la cause de maladies développées dans un groupe de personnes données ? De plus, de telles zones de déchets toxiques existent partout, comment pouvons nous comparer quel taux de maladies auto immunes on pourrait avoir dans une zone libre de tout produit chimique avec celui dans des zones hautement contaminées, quand de telles lignes de séparation existent rarement dans les villes et périphéries où nous vivons ? Donc c’est très difficile.

Malgré tout, on a montré qu’il existe des agglomérats auto - immunes près de sites de déchets toxiques à Buffalo, New York ; El Paso, Texas ; et Morrison dans l’Illinois. On enquête sur de nombreux autres sites dont Anniston en Alabama, où des enquêteurs financés par l’Agence des Produits Toxiques et l’Enregistrement de Maladies mènent des études pour déterminer si des taux élevés de maladies auto immunes dans la zone sont liés aux sites de productions industrielles où la plupart des produits en PVC aux US ont été autrefois fabriqués et jetés. D’Anniston à Buffalo, nous vivons dans une mer de plus en plus complexe d’agents antigènes.

Malgré tout nous ne pouvons pas « prouver » que les produits chimiques détériorent le système immunitaire humain. Pendant ce temps, la politique européenne utilise le principe de précaution -- une approche de la santé publique qui tient compte de la prévention de la mise en danger de la santé humaine avant que cela n’arrive. En juin 2007, l’UE a voté une loi connue sous le nom de REACH (the Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemical Substances – Enregistrement, Evaluation, Autorisation et Restriction des Substances Chimiques), qui exigent des entreprises de développer des données sûres sur 30 000 produits chimiques pour la prochaine décennie et place la responsabilité sur les industries chimiques pour prouver que leurs produits sont sûrs. L’Amérique est loin derrière, sans guide de précaution en matière d’utilisation de produits chimiques.

C’est évident que des considérations politiques et économiques entrent en jeu. Il y a plus de 1200 sites « super financés » aux US - - des zones où on sait que des toxines mortels contaminent l’environnement - - et elles doivent encore être nettoyées. Dans environ 10% de ces sites, les personnes entrent librement dans ces zones et sont exposées directement aux déchets dangereux. Malheureusement, l’Agence de Protection Environnementale ne publie pas d’information sur les sommes qu’elle compte dépenser pour décontaminer ces sites, où combien de temps cela prendra.

Q : Vous avez été deux fois paralysée par la maladie auto immune dite de Syndrome de Guillan Barre pendant la rédaction de ce livre. Comment vous en êtes vous remise ?

Nakazawa : La plupart des malades avec une maladie auto immune traversent de moments terribles - - ou des poussées - - qui peuvent être très sérieuses. Se sortir d’une crise implique une combinaison de facteurs. Si vous savez ce qui peut contribuer à la maladie c’est plus facile de savoir comment vous pouvez vous prendre en charge. Des mois de thérapie exténuantes couplés à des traitements IVIG, m’ont aidé à m’en sortir à chaque fois que j’ai été paralysée. Je dois aussi être vigilante sur ce qui se passe à l’intérieur de mon corps et éviter de rentrer en contact avec des objets qui pourraient sur stimuler mon système immunitaire. Des facteurs diététiques, l’utilisation de nettoyants ménagers, le stress émotionnel - - tout ceci doit être observé et géré. De même, nous faisons beaucoup de lavage à la main dans ma maison, spécialement quand il y a des rhumes et des refroidissements dans les parages - - pour minimiser toute attaque virale de mon système immunitaire. Des études montrent que des patients avec une maladie auto immune s’en sortent mieux si ils établissent un plan de bien être qui implique de réduire la production d’hormones de stress en pratiquant quotidiennement la méditation, et toute forme d’exercice qu’ils peuvent tolérer.

Des études montent également que les patients atteints de maladies auto immunes se sentent aussi bien mieux s’ils adoptent une « diététique auto immune » c'est-à-dire consommer de la nourriture qui est anti inflammatoire. Par exemple, la plupart des spécialistes des maladies auto immunes sont d’accord pour dire que les patients devraient éviter le blé et les produits contenant du gluten, et des aliments tout prêts qui peuvent être inflammatoires ou provoquer une réponse immunitaire disproportionnée. Donc on doit travailler avec le docteur ouvert à vous soigner non seulement avec des médicaments, mais aussi par le biais de changements diététiques, donc faire en sorte que vous receviez les quantités adéquates des principaux suppléments dont des études cliniques ont prouvé qu’ils aidaient les patients atteints de maladies auto immunes tels que les Omega, Vitamine D, antioxydants, Probiotiques, et Glucosamine.

Extraits de The Autoimmune Epidemic : Bodies Gone Haywire in a World Out of Balance--and the Cutting-Edge Science that Promises Hope (Touchstone/Simon & Schuster). Suit une interview de l’auteure Donna Jacson Nakasawa
 
Source www.alertnet.org 19/03/08 Donna Jackson Nakazawa Touchstone/Simon & Schuster

Traduction Mireile Delamarre pour www.planetenonviolence.org

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