08 mai 2015

Escroquerie : le président de SOS Racisme 80 touchait le jackpot


Le tribunal d’Amiens a condamné ce mardi 5 mai, Jacques Ebosse, le président de SOS Racisme 80, à six mois de prison ferme pour escroquerie aux subventions.

Qu’elle est triste, l’audience qui s’est tenue mardi, comme toujours quand une escroquerie est pratiquée au nom de grands et beaux principes ! Qu’elle est inquiétante, aussi, quand on réalise à quel point les collectivités territoriales distribuent des subsides par dizaine de milliers d’euros sans s’inquiéter de leur utilisation. Qu’elle est dangereuse, enfin, car on en ressort en se demandant combien d’associations constituées sous couvert de l’intérêt général ne sont que coquilles vides, inscrites en préfecture dans le seul but lucratif de nourrir quelques prébendiers…

Des assemblées générales au téléphone

Jacques Ebosse-Modiou Nyambe devient président de SOS Racisme à Amiens en 2002, jusqu’à une scission en 2005, qui l’oblige à créer une nouvelle structure, SOS Racisme 80. Dans les faits, très vite, cette association n’en est pas une au sens légal du terme. Le secrétaire vit au Royaume-Uni, la trésorière est une femme de paille. « Vous ne faisiez pas d’assemblée générale ! », lui reproche le procureur Françoise Dale. « Si, si, se défend-il. Mais c’était par téléphone. » Cette gestion rocambolesque aurait dû condamner l’association à ne vivre que des seules cotisations de ses adhérents. C’est tout le contraire qui se passe : l’argent afflue, du conseil régional mais aussi d’Amiens Métropole. « En fait, la Région ne contrôle absolument pas l’utilisation des fonds qu’elle remet », dénonce la même Mme Dale.
Qui, d’ailleurs, va mettre fin à la combine ? Pas une collectivité, mais l’organisme Tracfin, dépendant du ministère de l’Économie, qui estime en 2014 que beaucoup trop d’argent liquide est retiré régulièrement du compte de SOS Racisme.

Isaac, salarié fantôme

Les policiers iront de découverte en découverte. La plus stupéfiante : entre janvier 2011 et juin 2014, SOS a officiellement versé un salaire mensuel, subventionné par la Région, à un certain Isaac. Ce dernier tombe des nues : « Mais j’ai quitté SOS le 31 janvier 2011 ! » C’est vrai. À partir cette date – il le reconnaît – Jacques Ebosse a émis de fausses fiches de paie pour continuer à toucher les aides publiques.
Il se défend de tout enrichissement personnel. Selon sa thèse, il a travaillé pendant deux ans, de 2009 à 2011, pour SOS Racisme sans que l’association ne puisse honorer son salaire (qu’il a pourtant déclaré aux impôts !) « Je me suis investi. L’association me doit encore de l’argent », insiste-t-il.
Il ne convainc pas, et cette nouvelle peine ferme n’arrangera pas ses affaires, puisqu’il attend le 17 juin un arrêt de la cour d’appel relatif à une condamnation pour exercice illégal de la profession… d’expert-comptable. Dorénavant, il est réfugié dans un village du Santerre, Puzeaux. Le cordon ombilical avec les collectivités territoriales n’est pas coupé : il vit du RSA, que verse le conseil général…

Déjà attaqué sur sa gestion il y a dix ans

Le contentieux avait tourné au règlement de comptes entre potes. En 2005, Jacques Ebosse avait dû résister à une dissidence au sein de SOS Racisme, menée par un groupe d’étudiants. À sa tête, Jamaldine Ben Mebarek, issu des Jeunes socialistes (MJS), avait été désigné par ses soutiens comme nouveau président. L’association amiénoise s’était alors retrouvée dans une situation ubuesque, avec deux bureaux et au milieu un compte bancaire gelé en attendant que la justice tranche sur sa paternité.
Derrière un désaccord d’apparence sur « la ligne politique », chaque camp se taxait surtout d’incompétence voire de falsification administrative. Le groupe dissident accusait Jacques Ebosse de « confondre intérêt personnel et intérêt associatif », par « une gestion des comptes dans le secret » et des « chèques douteux » (4500¤) édités via son compte personnel. « Nous n’avions pas encore de chéquier », s’était défendu Jacques Ebosse, qualifiant à son tour les « putschistes » « de petits télégraphistes bons qu’à aller chercher des documents pour des subventions ».
Le tribunal avait fini par juger que Jacques Ebosse ne pouvait avoir la qualité de président de l’association, en dépit du soutien sans faille apporté par l’association nationale à son représentant local. Pour finir, les ex-potes s’étaient séparés en deux nouvelles entités : SOS Racisme 80 pour Jacques Ebosse et SOS Racisme indépendant (SOSRI) pour les dissidents, mouvement alternatif qui était alors en pleine ascension à travers le pays.

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