17 mai 2015

Des taches devant les yeux


Il vous arrive probablement de voir de petites taches grises et floues qui semblent flotter juste devant vos yeux. On les remarque particulièrement lorsqu’on lit ou que l’on regarde un mur de couleur pastel ou un ciel sans nuage.

SI VOUS avez déjà essayé de fixer votre regard sur l’une de ces taches, vous n’y êtes pas parvenu. Au moindre mouvement de l’œil, elles s’enfuient. Même lorsqu’elles passent dans votre champ de vision, vous ne distinguez pas ce que c’est.

Que sont ces taches ? Sont-elles sur le globe oculaire ? À l’intérieur ? Clignez des yeux en maintenant le regard fixe : si les taches se déplacent ou disparaissent, c’est qu’elles sont sur l’œil, auquel cas elles sortent du cadre de cet article.

Si en revanche il ne se produit (presque) aucun changement, les taches se trouvent à l’intérieur de l’œil, en suspension dans le vitré, la substance gélatineuse qui remplit la chambre intérieure de l’œil. Étant derrière le cristallin, elles restent toujours floues. De plus, comme le vitré n’est pas beaucoup plus dense que l’eau, elles se déplacent, s’échappant de la vision quand vous essayez d’en fixer une. D’où leur nom médical : myodesopsies, du grec muiôdès, “ semblable à une mouche ”, et opsis, “ vue ”. On les appelle couramment des “ mouches volantes ”.

D’où viennent-elles ?

D’où viennent ces taches ? Certaines sont des résidus de processus qui ont eu lieu avant la naissance. Au cours des premiers stades du développement de l’enfant, l’intérieur de l’œil est constitué en majorité de fibres. Puis ces fibres et d’autres cellules subissent des modifications qui aboutissent à la formation du vitré. Mais il arrive que des cellules et des portions de fibres restent en suspension dans le vitré. Chez le fœtus, un canal qui abrite une artère relie le nerf optique au cristallin, qui peut ainsi être nourri. Peu à peu, l’artère s’atrophie et, généralement avant la naissance, elle disparaît. Mais de petits débris subsistent parfois.

Les corps flottants peuvent avoir d’autres origines. Même chez l’adulte, le vitré n’est pas entièrement constitué de substance gélatineuse. Il est enfermé dans la hyaloïde, une membrane délicate pressée contre la rétine, la couche de cellules photosensibles qui tapisse une grande partie de la paroi interne du globe oculaire et capte les images reçues par l’œil. De la membrane partent des fibrilles minuscules qui s’étendent dans tout le vitré.

Avec l’âge, ces fibrilles dégénèrent et certaines se cassent. Comme le vitré devient aussi plus liquide, les débris s’y déplacent plus librement. En outre, le vitré se rétracte peu à peu et se détache de la rétine, ce qui peut provoquer l’apparition de nouveaux débris. Avec le temps, vous verrez probablement de plus en plus souvent des “ mouches volantes ” danser dans votre champ de vision.

Autre origine possible des corps flottants : les vaisseaux sanguins de la rétine. Un choc à la tête ou une pression trop importante sur le globe oculaire peuvent provoquer la libération d’un chapelet de globules rouges par un vaisseau capillaire. Il arrive qu’un globule ou un groupe de globules (en raison de leur adhésivité, ces derniers forment souvent un amas ou une chaîne) migrent vers le vitré et restent près de la rétine. Ils sont alors visibles. Une fois réabsorbés par l’organisme, ils disparaissent. Ils se distinguent des “ mouches volantes ” proprement dites en ce qu’ils résultent d’un traumatisme mineur.

La présence de “ mouches volantes ” est-elle le symptôme d’un trouble de la vision ? Généralement, non. De nombreuses personnes, même jeunes, dont la vue est excellente, en voient régulièrement et finissent par s’y habituer.

Dans certains cas, cependant, ces taches sont un symptôme à ne pas négliger.

Quand il y a danger

Si le nombre de taches augmente brusquement, cela peut indiquer que quelque chose d’anormal est en train de se produire, surtout si vous voyez aussi des éclairs lumineux. Les éclairs sont provoqués par la rétine, dont la fonction est de convertir la lumière en impulsions électriques. Des “ mouches volantes ” nombreuses associées à des éclairs lumineux indiquent souvent un décollement de la rétine. Comment ce phénomène se produit-il ?

La rétine a la consistance et l’épaisseur d’une feuille de papier de soie mouillée. Elle en a aussi la fragilité. Sa couche de cellules photosensibles n’est attachée à la couche sous-jacente et au vitré qu’au niveau de sa périphérie, du nerf optique et (plus faiblement) de la fovéa. C’est le vitré qui maintient en place le reste de la rétine. L’œil est suffisamment solide pour qu’un traumatisme simple ne suffise généralement pas à déchirer ou à décoller la rétine.

Néanmoins, un choc peut affaiblir la rétine à un endroit donné, voire y provoquer une déchirure ou un trou. Il arrive aussi qu’un trou soit dû à une adhésion entre le vitré et la rétine. Lors d’un mouvement brusque ou d’un traumatisme, il arrive que le vitré tire sur la rétine et la déchire. Du liquide passe alors sous la rétine et la soulève, ce qui entraîne une excitation du nerf optique et la perception d’éclairs lumineux.

Comme la surface interne de la rétine possède son propre réseau de vaisseaux sanguins, la séparation s’accompagne parfois d’une hémorragie plus ou moins importante. Des cellules sanguines s’échappent dans le vitré et déclenchent une brusque apparition de corps flottants. Peu après, lorsque la rétine se détache, un voile tombe devant le champ de vision, comme un rideau devant une fenêtre.

Si vous remarquez une augmentation soudaine du nombre de taches, surtout accompagnée d’éclairs lumineux, allez aussitôt consulter un ophtalmologiste ! Il pourrait s’agir d’un décollement de la rétine. Une fois la rétine fortement décollée, une intervention chirurgicale est souvent nécessaire.

Avez-vous des taches devant les yeux depuis des années, mais sans éclairs lumineux ? Dans ce cas, vous n’avez probablement aucune raison de vous inquiéter. De nombreuses personnes sont dans ce cas. Si vous n’y faites pas attention, elles ne disparaîtront pas, mais votre cerveau apprendra à les ignorer. Le fait que ces taches ne perturbent pas la vision témoigne de la résistance de l’œil et de l’adaptabilité du cerveau.

Néanmoins, avant de pouvoir affirmer avec certitude qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, il est nécessaire de se faire examiner par un ophtalmologiste ou par un optométriste.

À l’origine de la correction réfractive moderne

Si vous portez des lunettes ou des lentilles correctrices, remerciez les “ mouches volantes ” ! C’est en effet le désir de mieux comprendre ce phénomène qui conduisit Frans Cornelis Donders, célèbre médecin hollandais du XIXe siècle, à étudier la physiologie et la pathologie de l’œil. Non seulement Donders identifia l’origine de certaines taches, mais il découvrit également que l’hypermétropie était le fait d’un globe oculaire trop court et que l’astigmatisme était dû à des irrégularités de la cornée et du cristallin. Ses recherches ont permis le développement des lunettes modernes.

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