30 avril 2015

Quatre questions pour comprendre la décision de l'UE d'autoriser 19 OGM

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Le 24 avril, la Commission européenne a autorisé l'importation et la consommation de 19 organismes génétiquement modifiés, une première de cette ampleur. Francetv info fait le point sur cette décision.

"Un leurre" pour Europe Ecologie-Les Verts. "Une décision en faveur des Etats-Unis et de Monsanto" pour Greenpeace. Les réactions négatives s'accumulent après que la Commission européenne a annoncé, vendredi 24 avril, qu'elle autorisait l'importation et la consommation de 19 OGM dans l'Union européenne. Francetv info vous aide à mieux comprendre cette décision.
Qu'a décidé la Commission européenne ?
La Commission européenne a annoncé dans un communiqué qu'elle autorisait 19 OGM. C'est la première fois qu'elle prend une décision de cette ampleur. Au total, 75 organismes génétiquement modifiés sont désormais admis dans l'union.

Mais cela ne signifie pas que ces OGM seront plantés sur le sol européen. De fait, le seul autorisé à la culture en Europe est le maïs MON810 de l'entreprise américaine Monsanto. Il s'agit simplement d'un feu vert à la commercialisation en Europe de produits déjà légalisés aux Etats-Unis. Comme le rappelle le site Inf'OGM, ces industriels avaient commencé à déposer plainte en 2008 pour dénoncer la lenteur du processus d'autorisation de leurs produits, avant qu'un lobby pro-industriel ne prenne le relais en octobre 2014. La Commission leur a donc donné gain de cause.

Ces 19 OGM, c'est quoi ?
On compte sept plantes qui avaient déjà été autorisées par le passé et dont l'autorisation est renouvelée, comme le très controversé NK603. Sont également concernées dix nouvelles plantes, parmi lesquelles une variété de maïs, une de colza, cinq de soja et trois de coton. Les deux derniers feux verts sont destinés à des fleurs transgéniques. La grande majorité de ces OGM est commercialisée par la firme Monsanto, mais on trouve également les noms des laboratoires Bayer et BASF ou de l'entreprise Dupont.

En théorie, ils peuvent être utilisés pour de nombreux usages. L'un d'entre eux en particulier, le soja MON87769 de Monsanto, entre ainsi dans la composition "d'une variété de produits alimentaires, notamment des aliments cuisinés, des céréales et des graines pour petit déjeuner, des fromages, (...) des pâtes et des sauces, des viandes, des jus de fruits transformés, des snacks, des bonbons (...) mais aussi l'aquaculture". D'autres peuvent être utilisés pour de l'huile de friture ou bien des biodiesels, des désinfectants ou des savons. Les trois formes de coton sont employées dans la fabrication de vêtements.
Retrouvera-t-on ces OGM dans nos assiettes ?
Ils "seront soit destinés à la transformation, soit à l'alimentation animale. Les citoyens ne sont pas concernés directement", explique à francetv info Eric Meunier, rédacteur à Inf'OGM, un site indépendant de veille sur ce domaine. "Il n'y aura pas plus d'impact qu'actuellement parce que l'Europe a toujours pratiqué ces autorisations", continue Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS de Grenoble et spécialiste de la question, également contacté par francetv info.

Le soja et le maïs transgéniques autorisés seront donc principalement destinés à l'alimentation animale. "Comme il n'y a pas de label par rapport à la nourriture des animaux, le consommateur ne pourra pas savoir si l'animal qu'il mange a été nourri ou non avec des OGM", complète Pauline Verrière, responsable de la veille juridique chez Inf'OGM. Et d'ajouter : "On ne sait pas si le fait que les animaux consomment de tels organismes a un impact ou non sur la santé."

En France, depuis 2012, les consommateurs sont informés si un produit a été créé avec des plantes génétiquement modifiées, ou s'il comporte des traces d'OGM supérieures à 0,9% par ingrédient utilisé. Face au rejet de l'opinion publique, il y a peu de chances qu'un distributeur se risque à proposer de tels produits dans l'Hexagone.
Comment analyser cette décision ?
En réalité, l'importance de cette décision est liée à des critères autres qu'alimentaires. "L'Europe est engagée dans des négociations avec les Etats-Unis sur un traité de libre-échange [le traité de libre-échange transatlantique ou TTIP], et les OGM sont un point de discorde. En prenant cette décision, l'Union européenne envoie un signal positif aux Etats-Unis", décrypte Eric Meunier.

Sur le plan commercial, la décision de la Commission a également une conséquence pour les groupes américains souhaitant exporter en Europe. Aujourd'hui, une marchandise contenant plus de 0,1% d'OGM non autorisé peut être renvoyée à l'expéditeur. "En autorisant ces produits, la Commission permet aux importateurs de ne plus être exposés à ce risque, alors que ces organismes sont de plus en plus utilisés par les pays de culture comme les Etats-Unis ou le Brésil", décrit Marc Richard-Molard, délégué permanent d'Initiatives biotechnologies végétales (IBV).

Cette décision masque également une proposition que la Commission européenne a formulée le 22 avril et qui permettrait aux Etats-membres d'interdire nationalement l'importation et la consommation d'organismes génétiquement modifiés sur leur territoire. Si cette proposition est encore loin d'être adoptée, elle envoie un message très particulier. Pour Marcel Kuntz, également auteur du livre OGM, la question politique, "le fait même que ce soit la Commission qui propose d'accorder aux Etats la possibilité d'interdire, alors qu'elle pousse en faveur de l'intégration européenne, est un message historique. C'est le premier événement de déconstruction européenne."

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