10 mars 2015

Pékin veut asseoir son statut de puissance diplomatique face à l'Occident

En exprimant son soutien appuyé à la Russie face aux sanctions occidentales, tout en fustigeant le Japon et en invoquant une relation sur un pied d'égalité avec les Etats-Unis, Pékin s'efforçait dimanche de réaffirmer ses ambitions de puissance diplomatique.

Pour sa conférence de presse annuelle, en marge d'une session de l'Assemblée nationale populaire (ANP), chambre d'enregistrement législative, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a recouru à toutes les formules rhétoriques habituelles du régime.

Et de dresser au fil de ses réponses un tableau bien découpé de la diplomatie chinoise actuelle, telle qu'elle s'échafaude sous l'égide du conseiller Yang Jiechi, membre du gouvernement.

D'un côté, M. Wang a insisté sur le soutien indéfectible de Pékin à ses vieux amis et alliés --qu'il s'agisse de la Russie en dépit de l'opprobre lié à la crise ukrainienne, ou de Pyongyang malgré un fort agacement envers ses velléités belliqueuses.

De l'autre, la Chine tient à s'affirmer ostensiblement comme l'égal des Etats-Unis, où le président Xi Jinping doit se rendre cette année.

"Les deux dirigeants (américain et chinois) impulseront un nouvel élan aux efforts pour construire un modèle inédit de relations entre grandes puissances", a déclaré Wang Yi.

Dialogue indispensable mais clairement délimité: "La Chine et les Etats-Unis sont deux grands pays. Il est impossible qu'il n'y ait pas de désaccord entre nous", a-t-il aussitôt ajouté.

- 'Nécessité mutuelle' -

Alors que les Etats-Unis sont en pointe pour durcir les sanctions économiques contre la Russie sur fond d'aggravation de la situation en Ukraine, la Chine, elle, se dit prête à renforcer toujours davantage son soutien à Moscou.

Une aide bienvenue à un moment où, plombée par les sanctions occidentales et l'effondrement des cours du pétrole, l'économie russe vacille.

"La coopération pragmatique entre Chine et Russie est une nécessité mutuelle, visant des résultats mutuellement bénéfiques. Il existe une marge importante pour l'élargir", a insisté Wang Yi.

Pékin y trouve aussi son intérêt, notamment pour sécuriser ses approvisionnements énergétiques: il avait décroché l'an dernier, après dix ans de négociations, un mégacontrat sur des livraisons de gaz russe à la Chine, pour un montant évalué à 400 milliards de dollars sur 30 ans.

Les deux pays "vont travailler dur" pour dépasser 100 milliards de dollars d'échanges commerciaux bilatéraux annuels (après avoir atteint 95,3 milliards USD en 2014), a ajouté le ministre.

Par ailleurs, "nous poursuivrons notre coordination stratégique pour la paix et la sécurité", a-t-il souligné. La Chine apporte traditionnellement son soutien à son voisin au Conseil de sécurité de l'ONU (dont tous deux sont membres permanents), notamment sur la question syrienne.

- Contentieux territoriaux -

Comme à son habitude, Wang Yi a réservé ses piques les plus acerbes au Japon, bête noire du discours diplomatique pékinois --sur fond de vive querelle de souveraineté sur un archipel et de contentieux historiques remontant à la Deuxième guerre mondiale.

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe ne sera invité aux cérémonies du 70e anniversaire de la fin du conflit cet automne à Pékin que "s'il fait preuve de sincérité" sur les responsabilités historiques nippones, a martelé le ministre.

"Ce problème empoisonne toujours les relations sino-japonaises. Ceux qui sont au pouvoir à Tokyo doivent se demander ce qu'ils font à ce sujet", a-t-il prévenu, l'index dressé en l'air.

Quant aux contentieux territoriaux sur des îles et récifs en mer de Chine méridionale, qui opposent la Chine au Vietnam ou aux Philippines, Wang Yi s'en est tenu au discours officiel fermant la porte à toute négociation.

"La Chine mène les constructions qu'elle juge nécessaires sur les îles et récifs qui lui appartiennent", des "actions légales et justifiées", s'est-il agacé.

Enfin, le ministre a rappelé "l'amitié traditionnelle" liant la Chine à la Corée du nord, qui "ne saurait être affectée par des turbulences passagères" --mais ce soutien n'est pas sans réserves.

Pékin est le plus proche allié du régime de Pyongyang, mais, soucieux de stabilité dans la péninsule, il s'irrite vivement des provocations belliqueuses et imprévisibles du pays ermite

Signe de cette défiance: interrogé sur l'éventualité d'une première rencontre entre Xi Jinping et le jeune dirigeant Kim Jong-Un, Wang Yi a botté en touche... en invoquant simplement la nécessité de trouver "un moment compatible avec l'agenda des deux parties".

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