Il manquait à l’état d’esprit de niaiserie généralisée un bon gros pavé, un aboutissement, une apothéose. C’est chose faite avec, pour ce vendredi 20 mars (notons sur nos agendas), « la Journée internationale du bonheur ». Souriez, vous êtes filmé…
Vendredi, chantons tous ensemble : Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier de nous deux qui rira PAS aura une tapette… Quoique… La fin de la comptine n’est-elle pas un tantinet homophobe ? Ne serait-t-il pas nécessaire, après ce chant ambigu, d’instaurer dare-dare la Journée anti-homophobie, mettons samedi, pour réparer les dégâts causés par « la Journée du bonheur » de la veille ? L’affaire se complexifie à vue d’œil. Ce qui devait procurer délices et sérénité s’avère casse-tête, source d’emmerdements sans fin. Enfin bon… Allons-y quand même.
Pour parvenir à ce nirvana mondial, l’ONU ne pouvait pas rester les bras croisés. Après avoir envisagé de répandre des gaz euphorisants au-dessus des pays récalcitrants, la vénérable institution a finalement opté pour l’établissement d’une playlist de chansons qui « font augmenter le taux d’endorphine ». Testé en laboratoire. Édith Piaf : 12 suicides. Patrick Sébastien : 32 « Tagada tsoin tsoin ». Les résultats sont sans appel.
Les rieurs feraient bien de se raviser et surtout d’attendre vendredi pour libérer leur taux d’endorphine, car Ban Ki-moon, vêtu de sa plus belle cravate, a déclaré, et c’est là que l’affaire prend toute son ampleur : « Ce jour-là, nous utiliserons le langage universel de la musique pour exprimer notre solidarité avec les millions de personnes partout dans le monde qui souffrent de la pauvreté, des violations des droits de l’homme, des crises humanitaires et des effets de la dégradation de l’environnement et du changement climatique. » Un café, l’addition… Prévert peut aller se rhabiller.
Depuis cette déclaration qui nous émeut aux larmes, inutile de préciser qu’au Bangladesh, c’est la liesse. Partout où l’on souffre de la faim, de la misère, de la guerre et plus si affinités, on attend les chansons. On trépigne dans les rizières, on piaffe dans les bidonvilles. Qui exige du Michael Jackson, qui du David Guetta, du Pharrell Williams… Pas de Patrick Sébastien pour l’instant. Les foules ne sont pas prêtes. On craint l’overdose.
Le petit royaume bouddhiste himalayen du Bhoutan serait à l’initiative de cette opération. De Bouthan à boute-en-train, il n’y avait qu’un pas que les technocrates de la bonne humeur ont franchi sans aucun état d’âme. De ce pays où le « bonheur national brut » a remplacé le produit national brut et autres PIB, PAB et POUM, nous n’auront droit qu’à un échantillon. Mal compris, de surcroît.
Ban Ki-moon, gai-luron d’un jour, a choisi un titre de Stevie Wonder qui aurait l’art de lui mettre la cravate en vrille. Heureux homme qui diffusera de son bureau des chansons aux peuples affamés. La Journée de l’inconscience est pour demain.
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