21 février 2015

Seule la commission européenne, composée de fonctionnaires, est consultée. La parlement, composé d'élus, en est exclus...


« Merci à vous, et merci à tous d’être venus. J’espère que vous n’êtes pas trop serrés et que nous allons pouvoir avoir un débat intéressant. Comme l’a dit Pierre-Yves Rougeyron, le sujet de cette petite conférence est évidemment le projet de Traité Transatlantique. Je vais essayer de dire, au fond, de manière simple, ce dont il s’agit, quels sont les enjeux de cette affaire et quels sont les dangers que présente ce traité, ce qui fait et fera qu’on en parle très peu.

On en parle très peu mais si ce projet aboutit – et il il y a bonnes raisons de penser qu’il aboutira – ce sera certainement l’un des plus grands événements de ce siècle. De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que le grand Marché Transatlantique ?

Il s’agit de mettre en place, en procédant à une déréglementation généralisée, la plus grande zone de libre-échange du monde grâce à une union économique et commerciale étroite de l’Europe et des États-Unis. Une Immense zone de libre-échange correspondant à un marché de plus de 800 millions de consommateurs, à la moitié PIB Mondial et à 40 % des échanges mondiaux. C’est vraiment une très vaste entreprise. Cette libéralisation totale des échanges commerciaux est, on le sait, un très vieil objectif des milieux financiers libéraux. Ce projet de grand Marché Transatlantique a discrètement mûri depuis plus de 20 ans dans les coulisses du pouvoir, tant à Washington qu’à Bruxelles. Dès le 22 novembre 1990, soit un an après la chute du mur de Berlin, les États-Unis et l’Europe avaient adopté une première déclaration transatlantique par laquelle ils s’engageaient à promouvoir les principes de l’économie de marché, à rejeter le protectionnisme sous toutes les formes, à renforcer et ouvrir davantage les économies nationales, à un système de commerce multilatéral.

C’était en 1990, il y a pratiquement un quart de siècle…

Le projet a été réactivé en juin 2005 au sommet américano-européen de Washington sous la forme d’une déclaration solennelle en faveur d’un nouveau partenariat économique transatlantique. Deux ans plus tard, le 30 avril 2007, un conseil économique transatlantique a été mis en place par Georges W. Bush, Président des États-Unis, Angela Merkel alors Présidente du Conseil européen et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne. Enfin, en février 2009, le parlement européen adoptait une résolution sur l’état des relations transatlantiques, invitant à la création effective d’un grand marché calqué sur le modèle libéral et impliquant une liberté totale de circulation des hommes, des capitaux, des services, et des marchandises.

Le processus devait dès lors s’engager, la Commission européenne mettant les bouchées doubles à partir de 2011. Enfin, le 14 juin 2013, il n’y a pas très longtemps, les gouvernements des 27 états-membres de l’Union européenne ont officiellement donné mandat à la Commission européenne pour négocier avec le gouvernement américain la création du grand marché commun transatlantique qui a reçu le nom de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. On le nomme tantôt par le TTIP, TISA, le TAFTA il y a plusieurs acronymes. Les premières négociations se sont ouvertes un mois plus tard et se poursuivent encore actuellement à Bruxelles, à Washington. Il y a déjà eu 4 ou 5 réunions de ce type.

Ce qui frappe le plus les observateurs est évidemment l’extraordinaire opacité dans laquelle se sont déroulées et continuent de se dérouler les négociations. Ni l’opinion publique, ni ses représentants, on en fait eu accès au mandat de négociation. La classe politique dans son ensemble s’est réfugiée dans un silence à peu près total. D’autre part, parce que le traité confie à la Commission européenne une compétence exclusive en matière commerciale, le Parlement européen ne sera pas été saisi. Beaucoup n’hésitent pas à parler de négociations commerciales secrètes pour qualifier ces tractations qui se déroulent à huis clos. Les citoyens n’en n’ont en rien été informés et vous avez pu remarquer que peu d’articles de presse sont publiés sur ce sujet. En revanche, les décideurs appartenant aux grands groupes privés, les multinationales et divers groupes de pression sont au contraire régulièrement associés aux discussions.

Voilà pour le cadre général.

Maintenant, il faut évidemment essayer de voir un peu plus dans le détail ce projet dont on connaît les grandes lignes grâce à un certain nombre de documents qui ont fuité à la faveur de telles ou telles circonstances. L’objectif, je l’ai indiqué tout de suite, est de déréglementer les échanges entre les deux plus grands projets de la planète, l’objectif étant la suppression totale des droits de douanes, mais surtout d’atteindre les niveaux les plus élevés de libéralisation des investissements. La suppression des droits de douanes disons-le, n’est pas ce qu’il y a de plus important dans ce traité, contrairement à ce que pourrait laisser croire la formule de la grande zone de libre-échange. Leur suppression n’aura pas des effets macroéconomiques très importants dans la mesure où les États-Unis sont d’ores et déjà les premiers clients de l’Union européenne et inversement, l’Union européenne première cliente des États-Unis. A l’heure actuelle pour ne donner qu’un chiffre, quelques 2,7 milliards de dollars de biens et services sont échangés chaque jour entre les deux continents. Les investissements directs représentent quant à eux, 3 700 milliards de dollars et au total, les échanges se sont élevés à 670 milliards de dollars en 2012. Le commerce en filiale d’un même groupe représentant plus de la moitié de ces échanges. Les droits de douanes restent néanmoins relativement importants dans au moins 2 domaines qui sont le secteur du textile et le secteur agricole. Leur suppression entraînera une perte de revenu pour les agriculteurs une chute des exportations agricoles françaises, une industrialisation accrue de l’agriculture européenne, et l’arrivée massive en Europe de soja et de blé américains. Globalement, le démantèlement des droits de douane sera en outre préjudiciable à l’Europe, car le taux moyen de droit de douane est de 5,2 % dans l’Union européenne tandis qu’il n’est que de 3,5 % aux États-Unis. S’ils sont supprimés, les États-Unis en retireront un avantage de 40 % supérieur à celui de l’Union européenne et ces avantages seront spécialement marqués dans un certain nombre de secteurs. Les droits de douane sur les matériels de transport, par exemple, sont de 7, 8 % en Europe contre 0 % aux États-Unis. Cette suppression portera donc directement atteinte à l’industrie automobile européenne.

Je ne m’étends pas plus longtemps sur cette question des droits de douane dont j’ai dit que ce n’était pas le point le plus important. En réalité, il y a deux problèmes beaucoup plus graves que la simple suppression des droits de de douane. Le premier est l’élimination progressive de ce que l’on appelle dans le jargon des administrations publiques les « barrières non tarifaires ». Ces barrières non tarifaires sont l’ensemble des règles et des réglementations que les négociateurs jugent nuisibles parce qu’elles constituent des entraves à la liberté du commerce. En clair, ce sont les normes constitutionnelles, légales et réglementées que garantissent chaque pays qui seraient susceptibles d’entraver une liberté commerciale ; érigée en liberté absolue. Normes de protections sociales, salariales, environnementales, sanitaires, préventives, politiques, économique, etc.

Pour se faire, les accords en cours de négociation se proposent d’aboutir à ce qu’ils appellent une « harmonisation progressive des réglementations et de la reconnaissance mutuelle des normes en vigueur ». Cette phrase permet de comprendre l’enjeu normatif de toute cette affaire. Pour libéraliser l’accès au marché, l’Union européenne et les États-Unis sont, en quelque sorte, censés faire converger leur réglementation dans tous les secteurs. Mais le problème est que les États-Unis sont aujourd’hui en dehors des cas du droit international dans toute une série de domaines en matière écologique, sociale et culturelle, qu’ils refusent d’appliquer les principales conventions sur le travail, sur le Protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique, les conventions de l’Unesco sur la diversité culturelle.

Dans presque tous les cas, et c’est le point qui est évidemment à retenir, leurs règlements sont moins contraignants que ceux qui existent en Europe. Et comme ils n’envisagent évidemment pas un instant de durcir leur législation, et que l’objectif est de s’aligner, je cite « sur le plus au niveau de libéralisation existant », la convergence se fera nécessairement par l’alignement des normes européennes sur les leurs. En fait, « l’harmonisation », ce sera les règles commerciales des États-Unis imposées à l’Europe.

Dans le domaine agricole, par exemple, l’ouverture du marché européen devrait entraîner l’arrivée massive des produits à bas coût de l’agro-business américain, le bien connu bœuf aux hormones, les carcasses de viande aspergées à l’acide lactique, les volailles lavées à l’eau de javel, les viandes additionnées de chlorhydrate, les organismes génétiquement modifiés, les animaux nourris avec des farines animales, les produits confortant des pesticides dont l’utilisation est aujourd’hui interdite, les additif toxiques, etc..

Jugées depuis longtemps trop contraignantes par les Américains, toutes les normes sanitaires européennes pourraient ainsi être condamnées comme barrières commerciales illégales. En matière environnementale, la réglementation encadrant l’industrie agroalimentaire serait également démantelées. Les groupes pharmaceutiques pourraient être bloqués dans la distribution des médicaments génétiques, les secteurs publics seraient privatisés. Il pourrait en aller de même de l’eau et de l’énergie. Concernant le gaz de schiste la fracturation hydraulique deviendrait un droit tangible. En outre, comme aux États-Unis les indications géographiques protégés ne sont pas reconnues, ce qu’on appelle en France les appellations d’origine contrôlées, les AOC françaises seraient directement menacées.

Un secteur est évidemment particulièrement visé : le secteur audiovisuel et culturel. La création culturelle et audiovisuelle est protégée en Europe, et a divers mécanismes d’aides publiques, mais aussi de réglementation de la diffusion, les quotas, que les américains veulent depuis longtemps faire sauter pour inonder plus massivement encore l’Europe de leurs produits. Une libéralisation du secteur audiovisuel se ferait évidemment au profit des géants américains du numérique. C’est la raison pour laquelle sur ce point, la France a fait admettre que l’audiovisuel soit pour l’instant exclu. Position qui a reçu l’appui de 13 autres pays européens.

Évidemment, la question qui se pose est combien de temps cette exclusion pourra être maintenue ?

Les négociateurs américains, dans les déclarations à droite et à gauche ne se cachent nullement de leurs intentions d’obtenir que l’audiovisuel cesse d’être une exception. D’autre part, il est admis pour l’instant, que l’audiovisuel fera exception, mais pas le reste du secteur culturel au sens large, ce qui recouvre quand même les théâtres, les opéras, les musées, les archives, les bibliothèques, le patrimoine.

En matière sociale, ce sont toutes les protections liées au droit du travail qui pourraient être et remises en cause. Concernant les règlements relatifs à la main-d’œuvre et au travail, il est dit dans l’un des rapports publiés qu’ils devront être respecter « pourvu que ce faisant, ils n’annulent ni ne compromettent pas les avantages découlant de l’accord » ce qui revient évidemment à proclamer un principe en le vidant de son contenu. Bien entendu, les délocalisations seront protégées. En ce qui concerne les services publics, il est indiqué que l’accord concernera les monopoles publics, les entreprises publiques, les entreprises à droit spécifique ou exclusif afin de parvenir à l’ouverture du marché public à tous les niveaux, administratif, national, régional et local. Les hôpitaux, les écoles, les universités, la Sécurité sociale sont bien entendu concernés eux aussi. À terme, le régime des aides d’État existant en Europe devra s’aligner sur le modèle américain. Les États-Unis, sont bien décidés à protéger leur marché public, dons seuls 30 % sont aujourd’hui ouverts aux entreprises étrangères contre 95 % pour les marchés publics européens.

Sur le plan financier, l’accord se prononce pour la libéralisation totale des paiements courants et des mouvements de capitaux alors même qu’il ne concerne pas moins de 60 % des activités bancaires mondiales. Voyez que l’enjeu est énorme. Il est par ailleurs prévu une coopération transatlantique dans le domaine sensible du contrôle des population, la surveillance des données personnelles sur Facebook, des carte de crédits, des caméras, biométrie et toutes ces joyeuses choses aujourd’hui en plein développement. Le premier grand problème de ce projet de Traité Transatlantique est l’alignement probable de toutes les réglementations européennes sur les réglementations américaines telle qu’elles existent aujourd’hui. J’en viens au grand problème posé qui est, à certains égards, pire encore.

L’un des dossiers les plus explosifs de la négociation concerne en effet la mise en place d’un mécanisme d’arbitrage des différends entre États et investisseurs privés, essentiellement les multinationales. Ce mécanisme dit de « protection des investissements » doit permettre aux entreprises multinationales et aux sociétés privées de traiter devant un tribunal ad hoc. Les États ou les collectivités territoriales qui feraient évoluer leur législation dans un sens jugé nuisible à leurs intérêts ou de nature à restreindre leur bénéfice, c’est-à-dire qu’à chaque fois que leur politique d’investissements serait mise en cause par les politiques publics, afin d’obtenir des dommages et intérêts, le différend serait arbitré de façon discrète par des juges ou des experts privés selon le seul droit américain en dehors des juridictions publiques nationales et régionales. Le montant des dommages et intérêts seraient illimités, c’est-à-dire qu’il serait mis au libre arbitre d’un tribunal qui pourrait , en effet, permettre à un État de donner des bénéfices aux multinationales et le jugement rendu ne serait susceptible d’aucun appel. Cette idée surprenante n’est en réalité pas nouvelle. Elle figurait en effet déjà dans le projet abandonné aujourd’hui d’accord multilatéral sur l’investissement, l’AMI négocié secrètement en 1995 et 1997 par les États-membres de l’OCDE et fut justement l’une des causes essentielles de son rejet suite à la décision prise par le Gouvernement de Lionel Jospin de lui retirer le soutien de la France. De ce point de vue, le Traité Transatlantique peut être considéré comme la reprise de la version de l’AMI. Or, il semble maintenant que l’offensive soit en passe de réussir.

Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Cela signifie que les firmes multinationales se verraient conférer un statut juridique égal à celui des États ou des nations. Tandis que les investisseurs étrangers obtiendraient le pouvoir de contourner la législation et les tribunaux nationaux pour obtenir des compensations payées par les contribuables pour des actions politiques gouvernementales visant par exemple à garder la qualité de l’air, la sécurité alimentaire, le travail, le niveau de charges sociales, des salaires ou la stabilité du système bancaire. Dans les mêmes faits, le recours à des arbitres privés pour régler un différend entre un État et un investisseur ne pourrait évidemment que dissuader les États de maintenir des services publics de continuer à protéger les droits sociaux et à garantir la protection sociale ou contrôler l’activité des multinationales. La justice serait rendue au profit de la banque de la Banque Mondiale et de son trésor international pour le règlement des différends relatifs aux investissements sans que ne soient pris en compte les intérêts des pays et des peuples.

La capacité des États à légiférer étant ainsi remises en question, les normes sociales fiscales sanitaires et environnementale ne résulteraient plus de la loi, c’est-à-dire des décisions prises par les représentants élus, mais d’un accord entre groupes privées de multinationales et leurs avocats consacrant la primauté définitive du droit américain. On assisterait ainsi à une privatisation totale de la justice et du droit, tandis que l’Union européenne s’exposerait à un déluge de demande d’indemnités provenant des 14 000 multinationales qui possèdent aujourd’hui plus de 50 000 filiales en Europe. Grâce à des mécanismes de ce genre, les entreprises étrangères ont d’ailleurs déjà engagé des poursuites par exemple contre l’augmentation du salaire minimum en Égypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou. La multinationale Lone Pine a obtenu du Gouvernement canadien de lui accorder 250 millions de dollars de réparation pour un profit qu’elle n’a pu réaliser à cause du moratoire sur l’extraction du gaz de schiste mis en place dans la vallée du Saint-Laurent.

En 2012, l’Organisation mondiale du commerce avait déjà infligé à Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros pour son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés. Plus de 450 procédures de ce genre sont en cours actuellement dans le monde. Ce n’est pas seulement un projet, mais si cela aboutit ce sera plutôt la consécration d’une tendance aujourd’hui largement à l’œuvre.

Quelle conclusion peut-on en tirer et quel jugement porter sur cette affaire ? Le Wall Street Journal, a reconnu avec beaucoup d’ingénuité que le partenariat transatlantique est simplement une opportunité de de réaffirmer le leadership global de l’Ouest dans un monde multipolaire. L’un des objectifs étant notamment qu’en soudant l’Union européenne aux États-Unis de couper celle-ci de toute tentation d’un partenariat avec la Russie. La mise en place d’un grand Marché Transatlantique est pour les États-Unis un moyen d’écraser en cela la résistance des pays tiers, ce à quoi ils ne sont pas parvenus par le biais de l’Organisation mondiale du commerce où les pays tiers étaient intervenus dans un sens différent, tout en enrôlant l’Europe dans un ensemble dont le poids économique serait tel qu’il s’imposerait de Washington au monde entier. Il s’agit bien pour les États-Unis de tenter de maintenir le régime mondial en enlevant aux autres nations la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par leurs élites financières.

Parallèlement, il faut savoir aussi que les États-Unis veulent aussi contenir la montée en puissance de la Chine devenue aujourd’hui première puissance exportatrice mondiale. Parallèlement au projet de Traité Transatlantique, il existe en effet un autre projet qui est un projet dit de Partenariat Transpacifique lancé en 2011 par les États-Unis. Ce projet qui comptait au départ 8 pays rejoint depuis décembre 2012 par le Japon, vise principalement, je l’ai dit, à contrecarrer l’expansion économique et commerciale de la Chine, ce qui revient à dire que le Partenariat Transpacifique et le Traité Transatlantique auquel il faut encore ajouter la nomenclature qui réunit les États-Unis, le Canada est le Mexique couvriraient à eux trois 90 % du PIB mondial et 75 % des échanges commerciaux. Barack Obama avec la même ingénuité n’a pour sa part pas hésité à comparer le Partenariat Transatlantique à une alliance économique « aussi forte que l’alliance diplomatique et militaire représentée par l’Otan ». Dans cette cette formule assez juste c’est bien une « Otan » économique placée comme son modèle militaire sous tutelle américaine que cherche à créer le Traité Transatlantique afin de diluer la construction européenne dans le vaste ensemble interocéanique sans aucun soubassement géopolitique de faire de l’Europe l’arrière-cour des États-Unis, consacrant ainsi définitivement « l’Europe marché » au détriment de « l’Europe puissance ».

Enfin, il faut souligner que l’enjeu final comme toujours est un enjeu politique. Par une intégration économique imposée à marche forcée, l’espoir est de mettre en place une nouvelle gouvernance commune aux deux continents. À Washington comme à Bruxelles, on ne dissimule pas que le grand Marché Transatlantique n’est qu’une étape vers la création d’une structure politique mondiale qui prendrait le nom d’Union transatlantique.

Beaucoup plus lointaine. Il est néanmoins très significatif que cette perspective soit déjà envisagée très sérieusement par des décideurs des deux côtés de l’Atlantique. De même que l’intégration économique de l’Europe était censée déboucher sur son unification politique, il s’agirait de créer à terme un grand bloc politico-économique unifié allant de San-Francisco jusqu’aux frontières de la Russie. Le continent eurasiatique étant ainsi coupé en deux, une véritable fédération transatlantique pourvue d’une assemblée parlementaire regroupant des membres du Congrès américain et du Parlement européen et représentant 78 états, 28 état européen, 50 états américains pourrait ainsi être créée. Les souverainetés ayant déjà été annexées par la commission de Bruxelles, c’est la souveraineté européenne ou ce qu’il en reste ce qui serait purement et simplement transférées aux États-Unis. Les nations européennes resteraient dirigées par des directives européennes, celles-ci seraient dictées par les Américains. Il s’agit, d’un projet d’une immense ambition dont la réalisation marquerait un tournant historique sur l’opportunité duquel aucun peuple n’a jamais été consulté.

Reste à savoir évidemment si les négociations qui se poursuivent actuellement iront à leur terme et si le grand le grand Marché Transatlantique verra vraiment le jour. Force est de dire néanmoins, comme le signalait Pierre-Yves Rougeyron tout à l’heure, que l’on voit mal à l’heure actuelle ce qui pourrait empêcher sa réalisation puisque personne ne s’y oppose et l’on a d’autant moins de raisons d’espérer qu’il n’aura pas pour résultat de soumettre l’euro aux États-Unis, que les élites dirigeantes européennes sont de toute évidence victimes consentantes de cette annexion. L’incroyable mollesse des réactions européennes au scandale de l’espionnage américain en Europe dans le cadre du programme PRISM de la NASA révélée à la faveur de l’affaire Snowden, pour ne prendre que cette exemple, est révélatrice du degré de soumission de l’Europe aux États-Unis. Le gouvernement français actuel s’est pour sa part officiellement ralliée à la finance de marché, il a aussi hérité de l’atlantisme traditionnellement professée par le Parti socialiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ce qui explique que François Hollande et son gouvernement se soient bien gardés de communiquer sur la réintégration de la France dans l’appareil de l’Otan.

On ne doit pas oublier le nombre de dirigeants politiques actuels faisant partis dès Young Leaders de la French-American Foundation. Comment s’étonner de la déclaration de Nicole Bricq ancienne ministre du Commerce extérieur présentant le projet de Traité Transatlantique comme une chance pour la France à laquelle on ne peut qu’être favorable ? Ce gouvernement étant, on le sait, spécialiste de l’évaluation des « chances pour la France ». Je conclurai par une citation de l’économiste François Perroux, qui le 28 juin 1978 déclarait dans Le Monde : « l’Europe sans rivages pourrait avoir deux sens. Ou bien l’Europe libre redevient un foyer d’influence économique, politique, intellectuelle, propageant ses activités intenses vers l’extérieur sans risques d’impérialisme désormais, ou bien l’Europe est envahie. Sans rivages elle subit les forces extérieures auxquelles elle ne désire même plus résister ». Force est de dire que c’est plus que jamais vers la seconde hypothèse que malheureusement, on semble aujourd’hui s’orienter.

Je vous remercie ».

Alain de Benoist
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