L’énergie politique dégagée à cette occasion ne sera pas encore dissipée, les engagements individuels, les vocations même, suscitées par le combat contre cette loi seront toujours vivaces, moins de trois ans après leur naissance. Les candidats à la présidentielle, les hommes politiques plus largement, devront en tenir compte. Pour autant, les opposants au « mariage » homosexuel font face, sur le long terme, à plus d’un obstacle redoutable pour faire prévaloir leur cause, dont le plus dangereux est sans doute la lassitude née de la difficulté à percevoir les enjeux de la question.
On peut, sans grand risque de se tromper, affirmer que l’immense majorité de la population ne croit pas et ne croira jamais que le « mariage homosexuel » soit un vrai mariage, bien plus l’immense majorité de la population ne croit pas et ne croira jamais que l’homosexualité est juste une « pratique sexuelle » comme une autre, même si elle aura appris à taire ses convictions profondes en public. Mais, dans le même temps, la plupart de nos contemporains ont sans doute du mal à comprendre pourquoi ce sujet devrait continuer à occuper le devant de la scène dans le débat public, et pourquoi certains ont choisi de consacrer toute leur énergie à supprimer, d’une manière ou d’une autre, la loi Taubira.
Si les homosexuels ne constituent qu’une toute petite partie de la population, 2 à 3% tout au plus, et si, comme il semble presque certain, seule une petite partie de cette petite partie se prévaudra de la possibilité de se « marier » qui leur est désormais offerte par la loi, pourquoi donc faire tant d’histoires ? Qu’on les laisse se « marier » tant qu’ils veulent après tout, si ça leur fait plaisir… En quoi cela nous dérange-t-il, finalement ?
Une telle réaction est compréhensible, mais malavisée. La réalité est que le « mariage » homosexuel nous concerne tous, et ce pour au moins trois raisons.
D’une part permettre aux homosexuels de convoler en justes noces transforme nécessairement la signification du mariage pour tout le monde, homosexuels comme hétérosexuels, et cette transformation revient en réalité à détruire l’institution matrimoniale, qui sera désormais définitivement incapable de remplir les fonctions qui étaient les siennes. Plus largement, le « mariage » homosexuel est la dernière étape de la dissociation entre sexualité et parentalité qui a pour conséquence la destruction progressive de la cellule familiale. Cette destruction a elle-même d’énormes conséquences négatives, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. N’importe qui ayant des yeux pour voir peut le constater aujourd’hui [1].
En second lieu le « mariage » homosexuel est inévitablement lié à une certaine conception de la vie humaine dans son ensemble, et même à une certaine conception de la réalité. On ne peut accepter le « mariage » homosexuel sans accepter en même temps les prémisses métaphysiques sur lesquelles il repose, et ces prémisses sont simplement incompatibles, sur le long terme, avec la démocratie libérale.
Enfin, et peut-être surtout, contrairement à ce que jure la main sur le cœur notre actuel gouvernement, et à ce que pourraient être tentés de croire certains, par fatigue ou par naïveté, le « mariage » homosexuel ne saurait marquer le point final des revendications homosexuelles. Celles-ci sont par nature infinies, incapables d’être jamais satisfaites, car ce dont il s’agit en définitive n’est rien moins que de remplacer la réalité par l’illusion, la vérité par le mensonge. Or, la réalité étant ce qui finit par s’imposer à nous quoique nous fassions, il est inévitable que l’effort pour dissimuler la réalité ne puisse jamais prendre fin, exactement de la même manière qu’il est nécessaire d’exercer une poussée constante pour maintenir un avion en vol. D’autres revendications, toujours plus extravagantes, toujours plus destructrices, suivront le « mariage pour tous » et chaque concession rendra plus difficile de résister aux suivantes. Les revendications du mouvement homosexuel sont, par nature, despotiques.
Bien évidemment, chacune de ces affirmations aurait besoin d’être longuement argumentée pour convaincre ceux qui sont susceptibles d’être convaincus par des arguments rationnels, et c’est aussi en cela que les opposants au « mariage » homosexuel sont désavantagés : ils sont contraints de marcher lentement, la preuve à la main, alors que leurs adversaires peuvent, le plus souvent, se contenter d’employer la rhétorique de l’égalité et de la « discrimination » pour faire avancer leur cause.
Néanmoins, le découragement n’est pas de mise, seulement la persévérance, car les opposants au « mariage » homosexuel ont à leur côté un allié puissant, et en définitive irrésistible : la réalité elle-même. Naturam expellas furca, tamen usque recurret.
Ainsi, l’effort pour s’armer intellectuellement doit se poursuivre sans relâche, et de ce point de vue le dernier livre de Robert Reilly (auteur du très bon The Closing of the Muslim Mind), Making Gay Okay, s’avère une contribution fort utile, par la clarté de son propos, qui ne s’embarrasse pas de politiquement correct, et par la pertinence de certaines de ses analyses.
Toutefois, avant de détailler ce que le livre de Robert Reilly apporte d’intéressant, peut-être n’est-il pas inutile de dire rapidement quelques mots sur ses limites ou ses défauts.
Robert Reilly comprend très bien que la guerre dite « culturelle » (« The culture war », comme le disent les Américains) est en définitive un affrontement philosophique, en ce que les protagonistes de cette « guerre », par-delà leurs prises de positions sur telle ou telle question pratique, sont en réalité les champions de propositions métaphysiques opposées. Le débat sur le « mariage » homosexuel porte fondamentalement sur la nature de la réalité elle-même, et ce même si, bien sûr, le débat public atteint rarement, voire jamais, ce niveau de profondeur.
La question centrale est de savoir si, après l’avènement de la science physique moderne, la nature peut encore être comprise comme téléologique, au moins dans certaines de ses parties. Plus spécifiquement, la question est de savoir si l’être humain a une certaine nature ou bien si, au contraire, il en est dépourvu. Mais comme cette notion de nature humaine a été considérablement obscurcie par ceux qui s’efforcent de la discréditer, présentons là dans ses grandes lignes.
Dire que l’homme a une nature signifie que l’homme présente certaines caractéristiques immuables, générations après générations. Tous les êtres humains, en tout temps et en tous lieux, ont certaines passions, certaines capacités, certains besoins, qui ne peuvent pas être choisis ou rejetés mais qui sont simplement donnés. De ces caractéristiques immuables, présentes dans tout être humain normalement constitué, découlent certaines finalités naturelles. De la même manière que nos organes sont constitués en vue de certaines fins, qu’ils ont tous une ou plusieurs fonctions particulières, il est possible de dire que l’être humain est ordonné naturellement en vue de certaines fins, en ce sens que sa nature rend certaines activités bonnes pour lui et d’autres mauvaises. Le fait que l’homme ait une nature signifie que pour lui le bien, le mal, le bonheur, le malheur, ont un contenu objectif. L’être humain n’est pas libre de décider ce qui pourra le rendre heureux ou malheureux, et s’il veut être heureux il devra suivre les indications que lui donne sa nature. De la même manière, la moralité a un contenu objectif : il existe un « juste par nature », un « droit naturel » qui découle de cette constitution fondamentale de l’être humain.
Si, à l’inverse, la nature de l’être humain est de ne pas avoir de nature, alors l’homme est libre de devenir, ou d’essayer de devenir, tout ce qu’il veut être. Il n’est soumis qu’à son seul caprice : rien n’est bien ou mal, juste ou injuste, tout est affaire de goût, de désir personnel. Le relativisme le plus complet semble être au bout du chemin si l’homme est dépourvu de nature.
Pour saisir le rapport de ces considérations avec le « mariage » homosexuel, il suffit de se souvenir que, il n’y a encore pas si longtemps, la sodomie pouvait être appelée « le crime contre-nature » et que l’homosexualité était rangée par la psychiatrie parmi les maladies mentales. Le « mouvement gay », qui fit son apparition à la fin des années soixante et qui est parvenu aujourd’hui, en France, à faire adopter au législateur la notion de « mariage » homosexuel, présuppose en définitive rien moins qu’un rejet complet de la notion de nature humaine.
Robert Reilly comprend tout cela, cependant, au-delà de la description des enjeux philosophiques du « mariage » homosexuel, le lecteur sera sans doute bien avisé de ne pas trop se fier aux chapitre deux et trois de son livre dans lesquels il s’essaye à expliquer la conception classique de la téléologie, puis le rejet de cette conception par la philosophie moderne. Cette question de la téléologie est extrêmement compliquée et aurait besoin d’un traitement approfondi et nuancé, que Reilly ne lui accorde pas. S’il ne saurait être question d’offrir ici ce traitement approfondi et nuancé, il est du moins possible d’indiquer succinctement où se situent les problèmes dans l’exposé de Reilly.
D’une part, l’auteur de Making Gay Okay semble vouloir défendre une téléologie cosmique, c’est-à-dire l’idée que l’univers tout entier serait ordonné à certaines fins, et pas seulement l’être humain ou les êtres vivants en général. Une telle téléologie cosmique a toujours été très problématique, et l’est sans doute devenue encore davantage depuis l’avènement de la science moderne. Pour le dire en peu de mots, et donc de manière forcément lapidaire, une téléologie cosmique parait exposée à des objections insurmontables ; alors qu’il reste parfaitement possible, et même sans doute inévitable, de soutenir rationnellement une téléologie limitée, circonscrite à l’être humain, et aux êtres vivants en général. En fait, Reilly semble très influencé par une certaine tradition de la pensée chrétienne qui voit une continuité sans faille entre la philosophie classique, celle de Platon et d’Aristote, et le christianisme. Ce faisant, le danger est de répéter le chemin suivit par cette tradition qui, en incorporant aux conceptions classiques des conceptions qui dépendent ultimement de la foi en la révélation chrétienne, a rendu la philosophie, à la fois politique et naturelle, beaucoup plus dogmatique qu’elle ne l’était chez Platon et Aristote et l’a ainsi exposé aux objections, très sérieuses, de ce qui allait devenir la philosophie politique et la science moderne.
Dès lors que l’objectif est de défendre la notion de nature humaine contre les assauts du relativisme, il parait beaucoup plus pertinent de viser moins haut pour se donner de meilleures chances d’atteindre son objectif, et de se cantonner précisément à cela : la nature humaine.
D’autre part, Robert Reilly parait vouloir faire porter à Rousseau, pour ainsi dire, tout le poids de la responsabilité de l’abandon de la conception téléologique de la nature humaine. Le problème, qui devient très vite évident, est que Reilly ne connaît pas bien Rousseau, et que la compréhension qu’il en a est très contestable, pour dire le moins. Ainsi, par exemple, quand Robert Reilly décrit la conception que Rousseau aurait de la famille, on ne peut que rester incrédule, car cette description ignore entièrement ce que le Genevois a pu écrire dans l’Emile ou dans La nouvelle Héloïse. En fait, Robert Reilly parait baser son acte d’accusation sur la seule lecture du Discours sur les origines de l’inégalité. Ce qui est certainement très insuffisant lorsqu’il s’agit de comprendre un auteur aussi subtil et complexe que Rousseau.
Résumons ces objections, sur lesquelles il n’est pas nécessaire, ici, de s’attarder plus longtemps : Robert Reilly n’est manifestement pas un guide fiable dès lors qu’il s’agit de s’orienter dans l’histoire de la philosophie et il est préférable de ne pas compter sur lui pour comprendre exactement comment nous en sommes arrivés là, ni comment, philosophiquement, nous pourrions en sortir. Fort heureusement, ces faiblesses théoriques n’affectent pas trop ses analyses pratiques.
Une autre faiblesse du livre de Reilly se situe sans doute dans le fait que son argument contre le « mariage » homosexuel se focalise sur un acte bien particulier, la sodomie. Ainsi, par exemple, dans la deuxième partie de son livre tous les titres des chapitres, sauf un, comportent le mot « sodomie ». Pourtant il serait erroné d’en déduire que Robert Reilly n’a rien à objecter au lesbianisme, ou bien qu’il serait d’accord pour que les homosexuels puissent se marier pourvu seulement qu’ils ne se livrent pas à cette pratique sexuelle. Son argument est bien un argument contre les revendications homosexuelles en tant que telle, mais il parait le plus souvent réduire l’homosexualité à la pénétration anale entre deux hommes.
Il n’est pas évident de comprendre pourquoi. Peut-être Reilly veut-il profiter du fait que cette pratique sexuelle, que l’esprit associe naturellement à la douleur et aux excréments, suscite spontanément une certaine réticence, voire un certain dégoût, chez la plupart des gens pour rendre son argument plus persuasif. Peut-être pense-t-il que le mouvement homosexuel est porté avant tout par les gays et que c’est donc leurs pratiques qu’il s’agit d’exposer et d’attaquer. Dans tous les cas, il n’est pas certain que cette tactique soit entièrement pertinente, car cela donne parfois à son argument une allure étrangement tronquée, qui parait notamment exempter le lesbianisme des objections qu’il élève contre les revendications homosexuelles.
Mais tout ceci étant dit, le livre de Reilly a plusieurs grands mérites, au premier rang desquels celui, justement, d’appeler un chat et chat et de ne pas se tromper sur la portée des enjeux.
Robert Reilly, parce qu’il sait que la question fondamentale derrière les revendications homosexuelles est celle de la nature humaine, ne va pas par quatre chemins pour rappeler ce qui, dans le fond, devrait être évident mais que plus personne n’ose dire publiquement : l’homosexualité est nécessairement, en un certain sens, contre-nature.
Elle l’est parce que nos organes ont tous une fonction naturelle à remplir, fonction en vue de laquelle ils sont manifestement structurés et qui dicte leurs caractéristiques essentielles. Ainsi, par exemple, la fonction naturelle des poumons est de contribuer à la respiration, et celle des yeux est de nous permettre de voir. Ces fonctions sont naturelles en ce sens que ce n’est pas l’homme qui a décidé de la configuration de ses organes : son corps d’être humain est pour lui un donné. Nous ne choisissons pas, par exemple, de naitre avec deux yeux et deux poumons, et nous ne sommes pas libres d’user de nos yeux pour respirer ou de nos poumons pour voir.
Que nos organes aient certaines fonctions naturelles, que notre corps tout entier soit structuré d’une certaine façon et respecte dans son fonctionnement certaines constantes naturelles est précisément ce qui nous permet de distinguer la maladie de la santé, et ce qui fonde la médecine. Ainsi, il nous est impossible de nier qu’il existe un fonctionnement naturel du corps humain : ceux qui pourraient être tentés de le faire, soit vont chez le médecin lorsqu’ils sont malades, et se contredisent ainsi en acte, soit n’y vont pas et ne tardent pas à être réfutés par la nature elle-même (ce qui est sans doute le sort qu’a connu Michel Foucault, l’un des maitres à penser du « mouvement LGTB », mort d’une maladie opportuniste liée au SIDA et qui, jusqu’à la fin de sa vie, répétait à propos de cette épidémie : « Je n’y crois pas. »).
Ainsi, lorsque nous usons de nos organes d’une manière qui les empêche de remplir leurs fonctions naturelles, voire même qui conduit à leur détérioration, nous avons bien, à strictement parler, un comportement contre-nature. Comme le dit Robert Reilly, la fonction (naturelle) d’une chose ne peut être accomplie par une action qui conduit à sa destruction.
Nos organes génitaux n’échappent pas à cette règle : eux aussi ont une fonction naturelle évidente, qui est la reproduction (en l’occurrence deux fonctions naturelles, puisqu’ils servent aussi à la miction, mais cela ne modifie en rien l’argument). Dans cette perspective, il est inévitable que l’homosexualité soit considérée comme contre nature, car être sexuellement attiré exclusivement par des personnes du même sexe que soi est incontestablement un obstacle considérable à la reproduction. L’homosexualité apparaît naturellement comme une sorte de dysfonctionnement de la sexualité.
De la même manière, il apparaît inévitable que la sodomie soit considérée comme un acte contre-nature, car cette pratique revient à utiliser deux organes, le pénis et l’anus, à rebours de leurs fonctions naturelles. L’anus est un organe excréteur : il est manifestement conçu pour être une sortie, pas une entrée, et lorsqu’il est utilisé comme une sorte de substitut du vagin, il est soumis à une activité à laquelle il n’est pas du tout adapté. Un signe de cela est la douleur que provoque la pénétration anale. Les conséquences sur la santé de ceux qui pratiquent régulièrement la sodomie en sont un autre signe. Ainsi cette pratique augmente très significativement les risques de cancer de l’anus mais aussi de prolapsus rectal, de perforation, d’infections génitales diverses et potentiellement très graves. Clairement, le corps se rebelle contre une pratique pour laquelle il n’a pas été conçu.
L’homosexualité et les pratiques homosexuelles comme la sodomie sont donc, au sens strict, contre-nature. Dire cela revient simplement à porter un jugement factuel. Cela n’implique nullement, à ce stade, de condamnation morale de l’homosexualité et encore moins d’appel à la discrimination envers les homosexuels, c’est-à-dire ceux qui sont attirés par des personnes du même sexe qu’eux. Songerait-on à reprocher leur pied-bot à ceux qui en sont affligés, à leur en faire un crime ?
En revanche, cela implique évidemment que le mariage homosexuel est une absurdité, car cela revient à mettre sur le même plan une union potentiellement féconde avec une union nécessairement inféconde. Le mariage, en tant qu’institution, existant précisément essentiellement en vue de la famille, c’est-à-dire des enfants qui, normalement, résultent de l’union sexuelle d’un homme et d’une femme, prétendre accorder aux homosexuels le « droit » de se marier entre eux est simplement dépourvu de sens, aussi dépourvu de sens que d’accorder aux aveugles le « droit » de conduire un véhicule automobile. On ne peut avoir de droit à ce que l’on est constitutionnellement incapable d’accomplir.
Mais l’argument ne peut s’arrêter là, car la sexualité humaine n’est pas une simple affaire de mécanique. A la différence de la plupart des animaux, qui ont leurs saisons et pour qui la reproduction est juste une activité parmi tant autres, gouvernée par l’instinct, la sexualité de l’être humain exerce une influence puissante sur l’ensemble de son existence et est largement sous le contrôle de sa volonté, elle a donc nécessairement un aspect moral. Autrement dit, il existe pour l’être humain un bon et un mauvais usage des plaisirs en matière de sexualité : certaines pratiques et certains comportements peuvent être qualifiés de vertueux et d’autres de vicieux. Dès lors il est à peu près inévitable que les pratiques homosexuelles soient, en tant que telles, considérées comme vicieuses, d’une part car, d’un point de vue « mécanique » elles sont évidemment contre-nature, comme nous l’avons vu, et d’autre part car, étant totalement dissociées de la reproduction et des responsabilités parentales, elles semblent ne pouvoir viser que le seul plaisir sexuel et sont donc contraires à la chasteté.
Pour des raisons qu’il n’est pas possible d’approfondir ici mais qui sont en même temps suffisamment évidentes pour que n’importe quelle personne dotée d’un minimum de bonne foi et d’intelligence puisse les retrouver par elle-même, l’être humain est le seul animal qui a besoin d’apprendre à maitriser ses pulsions sexuelles. Il est le seul animal qui a besoin de devenir chaste, et les pratiques homosexuelles, comme d’autres pratiques sexuelles, vont à l’encontre de cette vertu nécessaire. Elles feront donc, la plupart du temps, l’objet d’une désapprobation à la fois privée et publique, au même titre a priori que d’autres comportements nocifs et traduisant un manque de maîtrise de soi, comme par exemple l’alcoolisme.
Cela ne signifie pas, il importe bien de le noter, que les pratiques homosexuelles devraient être punies par la loi. Un sage législateur ne jugera sans doute pas à propos d’employer les rigueurs de la loi contre tous les vices de ses contemporains. Il pourra se souvenir que nous sommes tous faibles, à un degré ou à un autre et dire, comme Hamlet : « Traitez chacun selon son mérite, et qui échappera au fouet ? ». Il pourra aussi estimer que le vice est suffisamment inventif pour pervertir, parfois, même les lois destinées à le combattre. Il pourra ainsi se rappeler de ce qu’écrivait Montesquieu à propos du « crime contre nature » : « Comme la nature de ce crime est d’être caché, il est souvent arrivé que les législateurs l’ont puni sur la déposition d’un enfant. C’était ouvrir une porte bien large à la calomnie. « Justinien, dit Procope, publia une loi contre ce crime ; il fit rechercher ceux qui en étaient coupables, non seulement depuis la loi, mais avant. La déposition d’un témoin, quelquefois d’un enfant, quelquefois d’un esclave, suffisait ; surtout contre les riches, et contre ceux qui étaient de la faction des verds. » » Bref, un sage législateur pourra se montrer prudent et ne pas chercher à punir ce qui reste dans l’ombre, tant qu’il reste dans l’ombre.
Quant aux penchants homosexuels, sommes-nous responsables de nos penchants ? Et surtout, comment la loi pourrait-elle connaître des penchants qui ne se traduisent pas par des actes et qui restent uniquement cela, des penchants ?
Mais, et nous arrivons là au cœur du problème, si un sage législateur peut choisir de fermer les yeux sur certains vices, de peur que le remède ne soit finalement pire que le mal, il n’en restera pas moins que ces conduites seront tout au plus tolérées, supportées, et qu’elles devront continuer à rester cachées pour continuer à être tolérées. Elles seront marquées du sceau de la désapprobation.
[1] Ce point ne sera pas traité ici. Les lecteurs désireux de l’approfondir pourront se reporter avec profit à Mitch Pearlstein, Broken bonds, Rowman and Littlefield, 2014, et Girgis, Anderson, George, What is marriage ?, Encounter Books, 2012.
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