23 décembre 2014

Justice ? Sur les bien étranges procès de l'affaire Outreau

Le procès au cours duquel Daniel Legrand devra répondre des actes qu'on le soupçonne d'avoir commis lorsqu'il était mineur interviendra en mai 2015.

Aujourd'hui, on va revenir sur les conditions pour le moins originales dans lesquelles se sont déroulés les deux procès précédents, en première instance et en appel. Des procès dont l'issue a été quatre condamnations et 12 enfants reconnus comme victimes, ainsi qu'un battage médiatique sans précédent de la part des 13 acquittes.

Je ne vais pas revenir sur l'instruction du juge Burgaud, qui a été menée honnêtement malgré un manque flagrant de temps et de moyens, pour qu'on se concentre sur le déroulement des deux procès, en première instance et en appel.

Car, on se demande comment, dans un Etat de droit, on peut laisser autant d'aberrations se produire dans une affaire aussi grave. Tentons de reprendre l'essentiel de ces couacs par ordre chronologique.

Le procès de Saint-Omer (mai-juin 2004)

> Les 18 enfants présents au procès en première instance, à Saint-Omer, étaient défendus par deux avocats seulement, payés par le conseil général. Il y avait aussi deux avocats payés par des associations, alors qu'en face, les 17 accusés étaient défendus par 19 avocats, dont quelques-un bien connus du monde médiatique, comme Eric Dupont Moretti, qui défendait celle qu'on a appelée "la boulangère", Hubert Delarue qui défendait Alain Marécaux, Franck Berton qui défendait Mme Marécaux, ou encore Blandine Lejeune qui défendait le curé Dominique Wiel... Pour le nouveau procès de Daniel Legrand, il a été question de 10 avocats, dont les trois premiers que je viens de citer. Georges Fenech [1], ex président de la Miviludes, s'est aussi annoncé comme défenseur de l'accusé.

 
> La configuration de la salle d'audience a complètement inversé la symbolique. Faute de place dans la salle vu le nombre d'accusés et d'avocats, les accusés étaient assis dans la salle avec le public, leurs avocats et les journalistes, pendant que les enfants ont défilé dans le box des accusés pour répondre aux question des 19 avocats, des heures durant. En outre, les enfants devaient attendre, des heures durant encore une fois, dans la salle habituellement prévue pour les détenus. Encore aujourd'hui, ils se rappellent de ces heures d'attente, parfois sans boire ou manger pendant de très, très longs moments.

Comme certains des enfants venaient de Belgique où se trouvait leur foyer, ils étaient parfois debout très tôt le matin pour venir témoigner devant cette salle impressionnante, avec ces avocats qui les agressaient quotidiennement.

Certains de ces gamins, âgés de moins de 12 ans pour la plupart, ont été tellement effrayés qu'ils refusaient de venir témoigner, d'autres ont été complètement prostrés, incapables de s'exprimer.

Le juge, S., présent à Saint Omer, a déclaré en 2006 à l'Inspection Générale des Services Judiciaires (IGSJ) [2] que les avocats des enfants "ont fait profil bas", face au cirque organisé par les avocats de la défense. Il a aussi décrit dans quelles conditions ces gamins ont été (mal)traités lors des audiences, l'un d'eux ayant carrément été traité de menteur par un avocat de la défense. .

La juge M. expliquera plus tard à l'Inspection Générale des Services Judiciaires que "Devant la cour d'Assises de Saint-Omer, personne n'était à sa place, les enfants occupaient le box des accusés. Le rapport de forces était déséquilibré puisque 17 avocats étaient constitués pour les accusés alors qu'il n'y en avait que deux pour 18 enfants".

Le procureur M. qui a organisé le procès de Saint-Omer a estimé devant l'IGSJ lui aussi, que les enfants victimes avaient été "malmenés" durant le procès. Il a cité l'exemple d'un enfant d'une dizaine d'années qui a du répondre durant plusieurs heures d'affilée dans le box des accusés.

En plus de cela, on sait aussi, parce que c'est dans le dossier, que les enfants ont été menacés par plusieurs des personnes qu'ils ont désignées comme abuseurs au cas où ils parleraient. Ils ont subi diverses pressions, y compris par les avocats qui défendaient leurs parents. Tout cela montre bien l'ambiance délétère dans laquelle s'est déroulée ce procès, qui a quand-même abouti à 10 condamnations.

> Les avocats de la défense, qui s'étaient engagés à communiquer la liste de leurs témoins quelques jours avant le début du procès, en ont appelé pas moins de 150 seulement 24 heures avant l'ouverture des débats ? Le parquet s'attendait à ne voir venir qu'une quarantaine, ce qui a évidemment perturbé l'organisation du procès, du moins durant les premiers jours.

> Les seules voix qui ont été diffusées dans les médias ont été celles des accusés et de leurs avocats. Les avocats des enfants ne se sont pas exprimés ou presque, le procureur, censé assurer l'accusation, n'a rien dit, les experts, en tant que témoins et professionnels, n'avaient pas le droit de s'exprimer, et les enfants, mineurs, n'avaient pas accès la parole publique.

Du coup, le public n'a pu entendre qu'un seul son de cloche. Certains magistrats ont aussi dénoncé le manque d'objectivité des commentaires de la défense sur la manière dont se sont déroulés les débats.

 
En effet, ils se focalisaient toujours sur de vagues contradictions dans les déclarations des enfants, oubliant volontairement tout le reste. Selon une autre magistrate, interrogée dans le cadre de l'enquête de l'IGSJ, "le dysfonctionnement ne se situe pas où on le cible aujourd'hui. Il réside pour", dit le compte-rendu de son entretien, "avant tout dans une défense organisée par voie de presse et d'intimidation. Le dossier change d'ailleurs de physionomie avec l'intervention de certains avocats".

> L'avocat des enfants, Me Normand, a déclaré dans la presse le 18 mai 2004, au tout début du procès, que "Par rapport à l'évolution du procès, nous avons le sentiment que certains accusés ont donné une impression extrêmement favorable. Ces gens se sont très bien présentés. Ce procès est celui de l'horreur et il existe un décalage entre le profil des accusés et l'acte d'accusation. Il y a eu un courant d'émotion et il n'est pas bon que l'émotion entre dans un prétoire". Des propos incroyables pour l'avocat des parties civiles. Et s'il y avait une stratégie, elle reste obscure. On peut aussi noter que Dominique Wiel, lors de sa garde à vue, avait réclamé Me Normand comme avocat.

> Le directeur des affaires criminelles et des grâces, Jean-Claude Marin, a souligné dans un courrier envoyé au ministère de la Justice la connivence entre les avocats de la défense et certains journalistes. De fait, il a clairement été question de "tuer le juge d'instruction", ce qui était à l'époque un des grands chantiers de sarkoléon, et on comprend aujourd'hui pourquoi faire mousser les pseudos erreurs du juge d'instruction Burgaud a pu lui être utile.

> Le président du tribunal de Saint-Omer, Jean-Claude Monier, n'a pas fait acter dans les minutes du procès les paroles d'Alain Marécaux, qui a déclaré son fils "je suis coupable, mais à cette époque je ne savais plus où j'en étais"? Cela, parce que M. Monier a considéré qu'il ne s'agissait pas d'une reconnaissance de culpabilité. D'ailleurs, dans son "documentaire" qui n'est qu'une fiction totalement partiale, ce passage est complètement transformé.

En effet, la version de Marécaux sur cette même scène telle qu'il la raconte dans son livre est très différente : "Interrogé avec respect par les avocats divers, tout comme par le président et l'avocat général -ce dont je leur suis reconnaissant-, Sébastien (c'est ainsi qu'il appelle son fils dans son livre) se montre on ne peut plus clair. A Maître Delarue il indique que j'ai certes une fois touché son 'zizi' mais que c'était à travers son pantalon et en aucun cas intentionnel... Je me réjouis: mon petit reconnait, devant le tribunal,qu'il a mal interprété mon geste, pouvant prendre mon jeu pour des attouchements. Enfin je suis soulagé: la vérité est désormais établie et moi innocenté... A la fin de son audition, je prends du reste la parole, et en larmes, lui lance: Sébastien je t'aime, j'ai trop travaiollé, je te promets de ne plus travailler autant et m'occuper de toi".

> Paul Bensussan, qui n'est pas pédopsychiatre et qui n'a vu aucun des enfants d'Outreau, a été appelé à témoigner par les avocats des accusés. Qu'a-t-il dit? Que les enfants traumatisés fantasmaient qu'il ne fallait pas trop les croire. Ensuite, ce même expert, qui est inscrit à la cour de cassation, a continué à se répandre au sujet de ces enfants pris trop au sérieux par des experts à la démarche "pathétique". Il avait dénoncé "la dictature de l'émotion", même si en réalité ce sont les avocats de la défense qui ont tous mis sur le registre de l'émotion. Et que les conclusions des premiers experts, violemment mis en cause par la défense et par le Dr Bensussan, ont été confirmées par un collège d'autres experts [3]. Le Dr Bensussan et Me Dupont Moretti auraient-ils raison envers et contre tous les spécialistes qui, eux, ont pris le temps de rencontrer les enfants?

Des juges pour enfants en ont profité pour dénoncer la "pénalisation" des affaires de viols d'enfants, qui se régleraient très bien dans une juridiction des mineurs. Ces mêmes juges ont aussi souligné une "instrumentalisation [des enfants victimes] par des associations plus militantes que réellement protectrices". Et dix ans après, alors que le nombre de plaintes pour viols et agressions sexuelles sur mineurs n'a jamais été aussi important, le débat en est toujours au même niveau que celui de ces attaques.

> Pourquoi les enfants de l'un des accusés, qui est mort en prison durant sa préventive (François M., qui selon Daniel Legrand était présent lors du meurtre d'une petite fille chez le couple Delay), n'ont-ils été entendus par la police qu'au moment où se déroulait ce premier procès, alors qu'une de ses filles avait quand-même désigné 16 agresseurs dans son milieu familial, et évoqué le meurtre d'une petite fille dont lui aurait parlé son père un jour où ils rentraient du quartier de la Tour du Renard [4]. Pourquoi est-ce que le parquet n'a pas tenu compte de ces éléments pour le procès d'Outreau ?

> Quand l'une des accusées, jugée coupable en appel, Aurélie G., implique 16 autres accusés dans le réseau pédophile, mais on ne l'écoute pas. Les avocats de la défense font totalement l'impasse là-dessus dans leurs comptes-rendus biaisés des audiences devant les caméras.

Par contre, dès que Myriam Badaoui, qui est pourtant passée pour une menteuse patentée, est revenue sur ses accusations, on a vu des titres dans les médias tels que: "Innocentés!". Pour le coup en effet, tout le monde l'a crue sur parole. Tous les médias ont embrayé, expliquant que "la principale accusatrice" avait innocenté les accusés. Suite à ces rétractations, on a eu un Marécaux en larmes disant qu'il avait "tout perdu" et qu'on lui avait "volé ses enfants" à cause d'elle.

Au sujet des soudaines rétractations de Badaoui, un magistrat a tenté d'alerter le ministre de la Justice en mettant en doute leur "spontanéité". DF'autres magistrats se sont posé des questions sur ce revirment aussi incongru que brutal.

> Suite à leur acquittement, sept anciens accusés ont réclamé des indemnisation hallucinantes, exigeant des montants de 1 million d'euros et plus. En outre, ces indemnisations ont été négociées via une procédure inhabituelle, directement aux cabinets du ministre de la Justice et du premier ministre. Après le procès en appel, les 12 enfants reconnus victimes ont touché pour leur part 25.000€ chacun.

> On peut aussi trouver étrange le hasard du calendrier qui a fait que le curé Dominique Wiel, condamné à 7 ans de prison à l'issue de ce premier procès, a été libéré sous contrôle judiciaire le 20 juillet 2004, moins de trois semaines après le verdict. Idem pour Franck Lavier, condamné à 6 ans fermes mais libéré le 22 juillet 2004... Comment, dans ce contexte, comprendre des condamnations (il y en a eu 10 au total en première instance) si elles aboutissent directement à la libération des coupables? Même si, il est vrai, la durée de leur détention préventive a été importante, cela n'aide pas le public à comprendre la décision du tribunal.

> En septembre 2004, AVANT le procès en appel, le ministre de la justice Dominique Perben reçoit les sept premiers acquittés en grande pompe et demande publiquement qu'ils reçoivent une avance sur leurs indemnisations. Ils reçoivent donc 100.000€ comme acompte, ce qui entraîne une confusion dans l'esprit du public entre ces acquittés indemnisés de manière ultra médiatique et les dix autres, qui ont été condamnés mais dont la plupart clame leur innocence.

En avril 2005, on reçoit donc les propositions chiffrées du ministère de la justice pour les indemnisations individualisées, qui comprennent, nous dit-on, "l’indemnisation du préjudice moral et de la faute lourde de l’Etat, l’indemnisation de la détention provisoire et celle du préjudice matériel".

Le 11 avril, cinq de ces acquittés refusaient le montant proposé au terme des "transactions". Dans ce montant, il y avait 100.000€ rien que pour la faute lourde de l'Etat, une somme très élevée par rapport à ce qui se fait habituellement [5]. Et on se demande bien de quelle "faute lourde" il peut s'agir puisque l'IGSJ a considéré qu'aucune magistrat n'avait commis de faute.

Le procès en appel à Paris (novembre 2005)

> Les cassettes vidéos des témoignages à la barre des enfants ont mystérieusement disparu du dossier: "Dans les minutes des débats retranscrits par le greffier pendant les assises de Saint-Omer (2004), on apprend dans le tome 1 (page 261) que le président Monnier avait exigé l’enregistrement audiovisuel des témoignages à la barre des enfants victimes de viols à la tour du Renard, ce qui fut fait chaque jour pendant toutes les audiences. Ces K7 ont été jointes au dossier lors des assises en appel à Paris en 2005. Le résultat : les K7 ont disparu ! Ni le ministère de la Justice, ni le tribunal de Paris, ni ceux de Boulogne et de Saint-Omer, tous contactés par mes soins, n’ont pu me dire où se trouvaient ces scellés", explique le journaliste Jacques Thomet sur son blog.

> Peu avant ce procès, en mai 2005, Thierry Delay avoue les viols commis sur ces enfants. Mais d'après une autre magistrate, conseiller à la chambre d'instruction de Saint-Omer interrogée par l'IGSJ, "l'affaire a basculé lorsque Thierry Delay a reconnu les faits, certainement le 7 mai 2005. Ce revirement lui a donné l'impression d'un coup monté, ces aveux paraissant faits pour mettre hors de cause les autres accusés. Elle a aussi appris que les journalistes n'assistaient pas aux débats, ils se tenaient dans la cour où ils étaient informés par les avocats. Le débat ne se tenait plus dans la salle d'audience, mais dans les bars de la ville ou dans la cour du tribunal, où les avocats s'exprimaient. À partir de là, les choses ont complètement dérapé"

> Le livre de Florence Aubenas [6], "La méprise: l'affaire Outreau", dans lequel elle soutient la défense des accusés et des acquittés, est publié début octobre, un mois avant l'ouverture du procès: "Ce livre était presque achevé lorsqu'il m'est arrivé, à moi aussi, une histoire. Je suis partie en Irak le 15 décembre 2004. Je devais y rester un mois et terminer la rédaction à mon retour, pour le procès en appel prévu en mai 2005 aux assises de Paris. J'ai été enlevée le 5 janvier à l'université de Bagdad. En captivité, là-bas, je ne pensais pas que je finirais le livre (...)

Je suis rentrée le 12 juin 2005. Les Assises avaient été reportées, le manuscrit interrompu était dans mon ordinateur et moi, j'avais réussi ce que je voulais : j'avais tout oublié d'Outreau. J'ai été surprise en relisant ce que j'avais écrit. Comment un accusé avoue ce qu'il n'a pas commis ou pourquoi un magistrat acte des déclarations si farfelues qu'elles feraient rire les enfants, ces choses qui me semblaient compréhensibles mais obscures, ces ténèbres-là m'étaient devenues étrangement familières. J'ai recommencé le livre". Entre-temps, elle a peut-être reçu des morceaux choisi du dossier d'instruction, d'autant qu'on sait bien que lors de ces procès, les avocats de la défense ont largement utilisé le levier médiatique.

> L'épouse d'Alain Marécaux et mère d'une victime présumée dans cette affaire, adresse un courrier à Me Pantaloni, avocat de 9 enfants, au sujet de son fils, et cela à quelques jours de l'ouverture du procès en appel. On n'a pas vraiment tenu compte de cela non plus. " F. m'a clairement exprimé qu'il continuait à avoir peur des réactions de son père et qu'il dissimulait la vérité afin d'être tranquille, de façon à pouvoir profiter des choses qui lui sont offertes. Cela me laisse perplexe mais me conforte dans ma position de croire que mon fils est "acheté", ce sentiment étant renforcé par la différence qui est faite entre les enfants". Dans ce courrier, elle explique que son fils a vu son père trois fois, lors des vacances scolaires de Noël 2004, février et avril 2005 ; à cela s'ajoute un droit de visite et d'hébergement un week-end sur deux.

> Les auditions des enfants ont eu lieu à huis clos. Les seuls échos disponibles de ces auditions sont donc les comptes-rendus des avocats de la défense dans les médias. L'un d'eux a dit par exemple que la première audition (celle de Chérif) "n’a rien apporté". La presse dit que Chérif est revenu sur ses accusations concernant Thierry Dausque, alors que selon son avocat il a maintenu que Dausque a été violent avec lui et lui a "fait des manières". En fait, si son audition n'a "rien apporté", c'est juste parce que Chérif avait maintenu ses déclarations, et cela n'arrangeait pas les affaires de la défense.

> Au cours de ce procès en appel, on a passé plusieurs jours à évoquer les malheurs des acquittés et des futurs acquittés. Ils ont pu détailler à quel point on les a maltraités, à quel point le juge Burgaud a été horrible avec eux, quel point ils étaient tous accusés injustement.

> Les trois enfants qui accusaient le curé Wiel, en plus de certains frères Delay, se sont rétractés. L'un d'eux n'a même pas voulu se déplacer au procès, ce qui reste compréhensible au vu du déroulement de la première instance.

> D'un autre côté, trois enfants ont maintenu leurs déclarations sur le meurtre d'une fillette et sur les orgies en Belgique, comme ils l'avaient dit depuis les premiers mois de la procédure. Mais cela n'a pas été évoqué, ou presque, dans les médias.

> Les experts ont à nouveau été attaqués de tous les côtés, leurs expertises ont été ridiculisées, tout a encore une fois été caricaturé jusqu'à l'absurde par les avocats de la défense.

> On apprend aussi que Me Berton avait sorti à l'audience cinq lettres écrites par deux soeurs à leurs assistantes maternelles chez qui elles avaient été placées lors de l'incarcération de leurs paren,ts, dans lesquelles elles parlent du meurtre d'une petite fille et d'autres abus commis par plusieurs personnes.

Une des petites a dit avoir témoin du meurtre d'une fillette, et ces lettres figuraient dans le dossier des juges chargés du placement mais qui depuis 2002 n'ont jamais été versées au dossier pénal pour une raison mystérieuse.

Quant au meurtre dont le Nouvel Obs nous dit qu'il s'est "avéré imaginaire", ce qui est faux. Les recherches n'ont rien donné, et le dossier a été classé sans suite, ce qui est différent. "Ces lettres mettaient en lumière l'aspect délirant des déclarations des enfants. Elles montraient aussi un phénomène de 'contamination' entre les enfants d'Outreau, les uns répétant les affabulations des autres ", estime Me Franck Berton.

> L'avocat général finit par requérir l'acquittement général, le 30 novembre, expliquant: "Je ne suis pas là pour faire condamner des innocents". Rappelons qu'en fance, l'avocat général est là pour représenter les intérêts de la société, et qu'il est censé poursuivre l'accusation. Son réquisitoire a été tellement favorable aux accusés que leurs avocats n'ont même pas plaidé. Chose encore plus étonnante: les avocats des parties civiles, les enfants, n'ont pas jugé utile de plaider eux non plus.

> Le plus incroyable dans ce procès véritablement ubuesque ont été les excuses publiques, tenues dans la salle d'audience par le procureur général Yves Bot qui a parlé des "dysfonctionnements de l'institution judiciaire", et cela avant même que les jurés n'aient rendu leur verdict. A ce sujet, Mme M., juge à la cour d'appel de Douai, a expliqué à l'IGSJ qu'elle a été "choquée" par ces excuses totalement prématurées. La juge M. a aussi expliqué que contrairement à ce que la défense a cherché à faire croire, "le dossier était loin d'être vide".

> Le 1er décembre, jour du verdict, le nouveau ministre de la justice Pascal Clément annonce le lancement d'une triple enquête sur le "désastre" de l'affaire d'Outreau. Un communiqué de presse du ministre de la justice, doté des fameux trois points à divers endroits, a été publié par le ministre de la justice. Dans l'année qui suivait, deux réformes de la justice étaient proposées par le gouvernement.

> Puis c'est Villepin alors 1er ministre qui reçoit tous les acquittés à Matignon le 2 décembre. On parle de lancer une commission d’enquête parlementaire.

> Le même jour, on apprend qu’une autre affaire concernant des gens du même quartier sera jugée à St Omer du 29 mars au 14 avril 2006 devant la cour d’assises. Sept accusés de la même famille, seront jugés pour des viols, corruption et agressions sexuelles de mineurs de leur famille, de 1994 à 2001. Les avocats de la défense sont les mêmes qu’à Outreau I. Me Bertona dit : " Là aussi nous avons des innocents qui ont fait trois ans de prison, pour rien".

> Aucun média ou presque ne parle des 12 enfants qui ont été reconnus victimes à l'issue du procès en appel, et qui avaient, malgré toutes les intimidations, maintenu leurs accusations. Et quand ces enfants reconnus victimes ont été évoqués, cela a été noyé dans le bouhaha médiatique organisé par la défense.

> Très vite, le 5 décembre, ce sont les "regrets et excuses" de Chirac auxquelles les acquittés ont eu droit. Il veut qu'une telle affaire "ne puisse pas se reproduire" et réclame des "sanctions" ainsi que des "réformes".

> Quelques mois après le procès en appel, on a pu lire que "La présidente de la cour d'assises de Paris a vivement critiqué hier le procureur général de la cour d'appel de Paris, Yves Bot, pour avoir tenu une conférence de presse dans la salle d'audience avant le verdict. Entendue par la commission d'enquête parlementaire, Odile Mondineu-Hederer a raconté avoir été "abasourdie" par la présence d'Yves Bot et de la presse dans le prétoire, le 30 novembre 2005, quelques minutes après la fin du réquisitoire. Après avoir réclamé l'acquittement des six derniers accusés et exprimé ses "regrets" pour cette "véritable catastrophe", le procureur général avait accordé des interviews aux médias audiovisuels, mettant en scène une institution judiciaire qui cherche à montrer qu'elle a tiré les leçons de cette "catastrophe". Et ce avant même le verdict attendu le lendemain".

Documentaire complet "Outreau, l'autre vérité":


[1] Peu avant le procès en appel de l'affaire Outreau, Georges Fenech, député UMP et ancien juge, a co écrit (notamment avec un autre avocat nommé Thierry Levy, dont on a vu la déclaration sur les pédophiles selon lui injustement attaqués) une lettre au président de la République en vue d'engager "une vraie réforme de la justice". En décembre 2006, Georges Fenech a mis en place l'Observatoire d'Outreau, pour "promouvoir une réforme profonde de la justice". Il a présenté cet observatoire lors d'une conférence de presse, entouré de Dupond-Moretti, et de deux acquittés, Roselyne Godard et l'abbé Dominique Wiel.




[2] Rapport de l'IGSJ sur le traitement judiciaire de l'affaire Outeau, qui a été réclamé par le ministère de la justice. Finalement, le rapport a exempté le juge Burgaud et les autres magistrats de toute faute disciplinaire, ce qui n'a pas du tout plu à sarkoléon. Comme le rapport n'a pas satisfait, des poursuites disciplinaires ont été engagées contre le juge Burgaud et le procureur Lesigne.

[3] Même Jean-Claude Monier, président du tribunal à Saint-Omer, qui, face aux accusations et incidents de la défense des accusés, avait demandé à de nouveaux experts d'examiner les enfants, a expliqué que ces nouvelles expertises "étaient totalement convergentes avec les premières", c'est-à-dire que les enfants avaient bien été "victimes d'atteintes corporelles".

[4] Une enquête préliminaire est ouverte suite aux déclarations des enfants, mais en mars 2006 le parquet de Boulogne veut classer l’affaire. Le procureur général de Douai a refusé le classement, mais un an après aucun juge d’instruction n’avait été nommé. On n’en a reparlé dans la presse que quand il a fallu déterminer les causes de la mort de cet accusé, en 2007.

[5] Normalement, c’est la Commission nationale de réparation des détentions qui statue souverainement. Sur les années 2001-2001, le montant moyen des 30 réparations accordées par la cour d’Appel de Paris s’élevait à 6.315 € pour le préjudice total, et 4.933€ pour le préjudice moral. Et à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le montant moyen était de 11.062 € pour le préjudice total, et 7.99€ pour le préjudice moral.

[6] Florence Aubenas a expliqué qu'au départ elle a cru les enfants. Puis, en revant de sa prise en otage en Irak, en trois mois de temps elle a changé d'avis et publié ce livre.


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