07 novembre 2014

L’homme peut-il vivre sans conscience du passé ?



Film sorti en avril 2013 et réalisé par Joseph Kosinski. C’est un film de science-fiction, produit par le réalisateur de TRON, qui confirme ses capacités d’excellent créateur d’univers. Oblivion, est un film avec des effets spéciaux spectaculaires et un scénario passionnant. Mais ce film est un échec commercial et à été confronté à des critiques sévères. Malgré l’originalité de son scénario, Joseph Kosinski est accusé de mobilisé trop de référencent dans son film qui conduit à le dévaloriser (notamment la « Guerre des étoiles » ou encore « Matrix »). Ce film, par son originalité, veut que le spectateur se remémore ces référence dans un monde qui oublie son passé.


Résumé du film :

L’histoire se déroule en 2077. Après des décennies de guerre contre les « chacals », une puissance extraterrestre qui ont détruit la lune et envahit la terre. Sans Lune, la terre est dévastée. Face à cette menace, les hommes ont utilisés l’arme nucléaire et ont donc gagné la guerre. Mais la terre est inhabitable car radioactive en grande partie. Les survivants de cette guerre ont donc quittés la terre pour Titan, une des nombreuses lunes de Saturne. La survie de l’humanité dépend d’un départ vers Titan. Jack Harper vit dans une station au dessus des nuages et à pour mission de réparer et d’entretenir les drones présent à la surface de la terre afin de protéger les stations hydrauliques. Ces stations hydrauliques transforment l’eau de mer en énergie pour les humains expatriés. Avec Victoria, ils forment une équipe de réparateurs, laissant planer le doute sur leur réelle relation. Jack et sa partenaire, Victoria sont les deux humains, envoyés par le TET (Centre de contrôle des missions) restés sur terre pour achevé leur mission (c’est-à-dire remettre les drones en état pour nettoyer et sécuriser la planète). Mais leur mission se révèle dangereuse et périlleuse en raison des derniers aliens qui se livrent à une guérilla permanente. Cette mission touchant à sa fin, ils sont sur le point de rejoindre le reste des survivants réfugiés sur Titan.

Un jour, témoin du crash d’un vaisseau spatial, Jack décide de se rendre sur les lieux, et découvre les caissons de tout un équipage.

Parmi eux, il trouve un caisson contenant une inconnue, gardé en vie grâce à un fluide respiratoire, en sommeil Delta. À sa grande stupéfaction, il a déjà vu cette inconnue dans ses rêves. À ce moment-là, un drone arrive et tire sur les caissons de l’équipage. Jack réussit malgré tout à sauver cette inconnue, nommée Julia, et à la ramener à la station. Ressentant pour Jack une attirance et une affinité qui défient toute logique, Julia (Olga Kurylenko) déclenche par sa présence une suite d’événements qui pousse Jack à remettre en question tout ce qu’il croyait savoir.

Ce qu’il pensait être la réalité vole en éclats quand il est confronté à certains éléments de son passé qui avaient été effacés de sa mémoire.

Sa rencontre avec les Chacals, représentant l’ennemi de l’espèce humain se révèle être pour Jack une prise de conscience sur l’existence humaine. Les chacals représenteraient-ils les ennemis tels que Jack le croyait ?

Se découvrant une nouvelle mission, Jack est poussé à une forme d’héroïsme dont il ne se serait jamais cru capable. Sa nouvelle mission est désormais de sauver l’humanité et d’accéder à la vérité sur lui-même. Cette prise de conscience est relative à sa rencontre avec son clone et à Julia se révélant être son épouse.

Le sort de l’humanité est entre les mains d’un homme qui croyait que le seul monde qu’il a connu allait bientôt être perdu à tout jamais. Jack Harper est désormais l’élu, celui qui doit libérer l’espèce humaine et sauver la planète.

« Oblivion » : signifie oublier, qui correspond à la quête de Jack Harper : sauver l’humanité d’une part et sauver sa propre existence d’autre part grâce à la mémoire, aux souvenirs.

ANALYSE DU FILM

INTRODUCTION :

Oblivion est dans la continuité des films de science-fiction, caractérisé par le libre arbitre, la condition humaine, le poids de l’âme ou encore le sens du réel. Ici, tout se déroule dans une terre dévastée, ensablée, dont la faune et flore sont en grande majorité absente. Ce film fait du future un portrait négatif, ou les hommes doivent lutter pour leur propre survie. Jack Harper incarne l’humanité. En effet, il lutte pour retrouver sa mémoire qui est indispensable à l’être humain sans laquelle un homme ne saurait exister. De plus, il incarne l’espoir en tant qu’il croit en un idéal, c’est-à-dire celui d’un monde libre. Dans cette œuvre, la notion d’esclavage est prépondérante et va de paire avec celle d’un « mauvais génie » qui tromperait les hommes.

Dieu transcende les hommes et Jack Harper se veut l’esclave de l’entité qui l’a crée et qui le contrôle en l’ayant privé de ses souvenirs. Quel est donc le sens de sa création et de sa condition d’être vivant ?

Le libre –arbitre permet à Jack Harper de rechercher la vérité sur lui-même, à tout remettre en question, à douter de sa propre existence et la capacité de choisir une action en fonction des motifs éclairant son choix.

Oblivion est donc le film mettant en avant un homme au destin tracé dans l’oubli mais que le conflit intérieur va libérer.

Dés lors nous pouvons nous demander si l’être humain peut construire une existence sans mémoire ? La vérité permet-elle à l’homme de se libérer de la domination d’une «entité » ?

Tout d’abord, nous verrons si la mémoire en tant qu’elle détermine l’identité de l’homme, puis dans un second temps, nous étudierons la quête de vérité menée par le héro et enfin nous analyserons le caractère religieux à l’œuvre dans ce film.

I- La Mémoire, facteur d’identité de l’homme?

Le film Oblivion pose la question de l’âme et de savoir si l’âme humaine peut –elle être trompée ?

La mémoire est la faculté par laquelle un état de conscience passé se reproduit en nous avec ce caractère que nous le reconnaissons pour passer.

La mémoire peut présenter différentes qualités. Tantôt elle est caractérisés par sa rapidité à conserver les choses qui lui sont confiées; dans ce cas il suffit de voir une chose pour en garder le souvenir; tantôt elle est docile; c’est quand elle reproduit aisément l’état de conscience passé. Elle est exacte quand elle le reproduit avec précision. Elle est tenace quand elle conserve cet état de conscience pendant longtemps.

L’homme pourrait-il vivre sans conscience du passé ?

Dans le film, Jack est en quête de sa mémoire, pour retrouver ses souvenirs. On remarque la présence d’un livre, qui a une portée symbolique puisqu’à travers un livre, il recherche des souvenirs, l’histoire de l’espèce humaine oubliée par la guerre. Le livre représente le souvenir. Jack tente de retrouver son humanité perdu : un homme : puisqu’un homme ne peut vivre sans mémoire. D’où le titre du film qui signifie oubli. Il va rechercher son passé.

Bergson dans son œuvre « Matière et Mémoire », nous parle de la mémoire-souvenir : En effet : La mémoire-souvenir est mémoire pure, involontaire, contemplation, indépendante des exigences de l’action. Le souvenir pur est impérissable. La survivance de tout le passé comme souvenir a pour conséquence de rendre chaque état de conscience unique et strictement non répétable. Il définit donc cette mémoire pure comme « persistant indéfiniment ». Cette définition de la mémoire s’accorde avec la mémoire de Jack : En effet, le seul souvenir qui lui reste est celui d’une femme qui se révèle être son épouse. Les souvenirs sont donc pures et se fixes sur des images (ici celle de Julia). Cela confirme bien que les souvenirs sont impérissables puisqu’on peut effacer la mémoire d’un homme mais on ne peut pas effacée les sentiments. Les souvenirs sont donc « faits de l’amour que nous portons aux autres et éternels face à la mort et au temps » (Oblivion). Il s’agit de la définition du souvenir donner par le représentant des résistants humains. Ce désir de retrouver sa mémoire le pousse à agir : « Comment un homme peut-il mieux mourir qu’en affrontant un destin contraire pour les cendres de ses dieux et les temples de ces aïeux ».

Dans le film, nous remarquons donc que Jack Harper tente de retrouver son passé. Par la mémoire, je retrouve donc mon passé et je coïncide avec lui : J’ai un passé, je suis lui. C’est justement ce qui est évoquer à la fin du film par la phrase de Jack : « Je suis lui, Je suis Jack Harper ». Plusieurs interprétations sont possibles, mais la plus équivoque est qu’en mettant fin à cette, il retrouve son histoire perdue, d’une part son épouse et d’autre part l’histoire de l’humanité qui représente la mémoire collective.

L’homme ne peut donc pas vivre sans conscience du passé comme il ne pourrait pas vivre sans histoire. L’homme s’humanise grâce à sa mémoire et au souvenir.

II- Quête de vérité.

Le problème de Jack Harper c’est de devoir choisir un futur différent. Il a le choix entre continuer son existence en restant dans l’ignorance ou alors construire un jugement pour redonner un sens à sa vie. Partir vivre sur TITAN, c’est le choix de la facilité qui est représenté dans le film par le personnage de Victoria alors que la recherche de la vérité conduit sur le chemin de la libération. Dès lors une véritable quête de vérité s’impose à Jack pour tenter de répondre à bon nombre de ses interrogations. Es-ce que ce monde existe réellement ? Quel est sa valeur de vérité ?

Dans ce monde dominé par une puissance qui maintient les hommes dans l’illusion, il n’y a pas de possibilités nouvelles mais que la répétition de conduites anciennes. Pour que surgisse le Nouveau, l’ancien modèle doit mourir, et donc être tué, pour que renaisse l’ouverture du possible. Jack se présente donc comme étant l’élu prêt à se sacrifier pour ses idées (c’est a dire accéder à la vérité) et pour le salut du genre humain.

Jack Harper va donc employer le doute pour accéder à la vérité.

DESCARTES : « Mais, aussitôt après, je pris garde que pendant que je voulais ainsi penser, que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : Je pense donc je suis, était si ferme et assurée…je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais ».

Le projet de Descartes consiste à passer en revue toutes les connaissances qui ont été acquises pour pouvoir voir s’il en existe une qui s’impose comme indubitable. Les connaissances venues du sensibles sont soumises au doute. Au terme du doute méthodique, il n’y a qu’un seul énoncé qui résiste à celui-ci, le cogito (« Je pense donc je suis »), vérité évidente renforcé par le doute lui-même. En revanche le doute ne peut remettre en cause la certitude de notre propre existence.

La découverte du Cogito est importante car elle offre à la connaissance un véritable fondement, un moyen d’établir d’autres vérités avec la même. La caractéristique du cogito est donc de se présenter à notre esprit sous la forme d’une vérité absolue.

Le projet Cartésien s’applique parfaitement à Oblivion car Jack utilise le doute pour accéder à une part de vérité. En effet, avec Julia, ils sont confrontés à ce qu’on pourrait appeler la résistance de l’espèce humaine qui à pour objectif de délivrer Jack et de lui faire accéder au vrai. Mais, ils le laisse découvrir la vérité par lui-même car bon nombre de personne ne sont pas prêts à découvrir la vérité. Nous pouvons prendre l’exemple de Victoria, elle refuse d’admettre qu’elle ai pu être trompée et continue de croire en ses convictions c’est-à-dire de partir pour TITAN. En effet, l’esprit humain tient à une part d’illusion (c’est-à-dire que le croyant structure sa vision du monde au travers de représentation). L’illusion est donc porteuse de sens pour Victoria.

On peut faire aussi, une référence intéressante à Platon « L’Allégorie de la Caverne »

Les prisonniers sont enchainés face au mur et les marionnettistes sont en positions de projeter leurs ombres (ils voient donc un effet de ce qui est produit et pense que c’est la réalité). Dans cette analyse, la condition humaine est rendue sous une forme imagée. Dans Oblivion, L’homme est comme un prisonnier qui voit défilé des ombres sur les murs d’une caverne. Dans l’allégorie de la Caverne, Platon nous dit que le spectacle d’ombre est pour le prisonnier l’occasion de former des jugements. Et justement, le personnage principal n’accède à la vérité quant se détachant de l’apparence dont il est le spectateur. Cela s’inscrit bien dans une quête de vérité dans laquelle s’installe Jack et qui s’impose donc à lui comme une qualité du jugement, de l’esprit qui juge le monde. Il parvient à s’échapper de l’illusion dans lequel il est pour accéder à la vérité sur lui-même.

III-La Religiosité dans le film.

En effet, nous pouvons constater dans le film que l’homme est entièrement dépendant du TET, qui contrôle tout sur terre, aussi bien les ressources dont elle à besoin pour survivre que de sa capacité à crée des êtres humains. On peut donc comparer le TET à Dieu puisqu’il décide des capacités qu’il va donner à l’homme. Mais on peut s’interroger sur l’hypothèse d’un « mauvais génie », ou d’un Dieu trompeur qui m’induirait en erreur et créerait des illusions. Pour porter le doute à se point extrême, supposons un géni trompeur.

DESCARTES : « Pour être sûr que je demeure fidèle à ma résolution de ne pas accepter comme vrai rien qui ne soit pas absolument certain, j’assumerai délibérément qu’un démon tout-puissant est continuellement en train de me tromper au sujet de l’existence du monde physique, incluant même mon propre corps ».

Pour Descartes dans « Le Mauvais Génie », Les Méditation Métaphysique, Première partie, il suppose l’hypothèse qu’il n’y aurait pas de vrai Dieu, mais un malin géni qui emplois « toute son industrie à me tromper », et que toutes les choses extérieures que nous voyons ne serait que des illusions. Descartes prévôt donc de s’attacher à cette pensée et de suspendre son jugement (le doute hyperbolique, poussé à son extrême limite et rejetant comme ce qui n’est que seulement douteux). Lorsque Jack Harper rencontre son créateur au TET celui-ci se qualifie comme étant son Dieu « Je suis ton Dieu, c’est moi qui t’est crée et tu me dois tout ».

L’hypothèse de Descartes est donc confirmée dans le film pour plusieurs raisons :

Le TET crée des illusions sur l’espèce humaine en leur promettant qu’ils repartiront sur TITAN pour rejoindre les derniers survivants de la guerre. Mais, l’illusion est portée à son extrême quand le TET dissimule à ses agents leur ennemi qui n’est rien d’autre que des hommes dont les dromes sont programmés pour les détruire. Ici, ce malin géni tente à dominer l’espèce humaine en la trompant mais aussi en créant des êtres supposé être parfait, crée à l’image de se Dieu. Des êtres, dont leur souvenirs ont étés effacés pour permettre une domination absolue sur l’espèce humaine. Mais, le malin géni n’atteint pas ma liberté de jugement et les pensées qui sont propres à chaque individu.

Le réalisateur nous montre que le TET souhaite jouer à Dieu en développant des technologies toujours plus poussés et toujours plus parfaites (notamment avec l’image de Sally, un agent de la NASA dont les nouvelles technologies en crée l’illusion parfaite).

Cette hypothèse renforce le doute méthodologique de Descartes : chaque fois qu’une proposition donnée se présentera comme candidate à la certitude, Descartes se demandera si certaine et indubitable.


CONCLUSION :

L’homme ne peut donc pas vivre sans mémoire, sans conscience de son passé. Il a besoin de la mémoire pour avancer et pour s’humaniser. Le personnage principal, Jack Harper s’inscrit dans une véritable quête de vérité sur lui-même et se positionne donc en saveur de l’humanité : en élu. Lui seul, peut sauver le monde. Cela lui permet donc d’accéder à une part de vérité sur lui-même en remettant toutes ces convictions en question. En effet, le doute méthodique de Descartes lui permet d’accéder à une conscience de soi et donc de retrouver son humanité perdue. Ce doute méthodique permet à Jack Harper de se retourner contre l’entité qu’il l’a créé. L’être humain n’est donc pas enclin à la domination d’une entité qui le transcende, il est constamment en lutte pour accéder à vérité dans un monde qui n’est plus qu’une « matrice », c’est-à-dire sous la domination absolue d’une entité qui s’impose comme étant un véritable « Dieu ». Seul, la résistance d’une minorité permet aux hommes de retrouver leur histoire. Ils luttent pour que l’existence perpétue, pour la délivrance de l’homme : ce ne sont donc pas des héros mais des combattants de l’ombre dont la finalité est la liberté de l’homme.


Exposé par Laurianne Giraudeau, CPES Saint-Cyr nov. 2013

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