01 octobre 2014

Arnaque : pourquoi les cadres pourraient bien être en train de cotiser pour rien !


Le régime des cadres est de plus en plus en difficulté. En juillet dernier, l'organisme gérant les retraites complémentaires des cadres, l'Agirc avait annoncé un déficit record de 1,4 milliards d'euros pour 2013. Comment expliquer cette situation ? Quelle en est la gravité ?

Philippe Crevel : La situation est d’une simplicité biblique. Le nombre de retraités augmente avec le vieillissement de la population. A cette évolution naturelle, il faut y adjoindre un effet de cohorte. Les retraités des plus anciennes générations avaient des pensions réduites car ils n’avaient peu cotisé, les régimes complémentaires ayant été institué en 1947 pour l’AGIRC et en 1961 pour l’ARRCO. Leur généralisation à tous les salariés est assez récente car elle date du début des années 70. Les retraités des générations 20 et 30 sont au fur et à mesure remplacés par de jeunes retraités issus du baby-boom qui ont, de ce fait, cotisé aux régimes complémentaires durant toute leur vie professionnelle et dont les pensions complémentaires sont donc plus importantes.

Dans les années 50 le nombre de cadres était faible ; leur montée en puissance s’est réalisée à partir de la fin des années 60. Cette transformation démographique de la société française est également une des raisons de la dégradation des comptes de l’AGIRC.

Actuellement, les dépenses de l’AGIRC s’élèvent à plus de 21,7 milliards d’euros quand les recettes ne s’établissent qu’à 19,1 milliards d’euros. Le déficit s’accroit d’autant plus rapidement que le chômage augmente. Logiquement, Pôle Emploi est censé verser les cotisations des demandeurs d’emploi cadres; or ce n’est pas le cas. L’arriéré de paiement est de plusieurs milliards d’euros.

L’aggravation de la situation financière est préoccupante pour les cadres car les pensions complémentaires représentent plus de 50 % du montant de leur pension. C’est donc une grande partie de leurs revenus qui est menacée.
Les réserves de l'organisme seront épuisées dès 2018. Quelles en seraient les conséquences concrètes pour les cadres ?

Les régimes complémentaires ne peuvent pas, en l’état actuel de la réglementation, être en déficit. Jusqu’à maintenant, l’AGIRC comme l’ARRCO ont puisé dans leurs réserves pour effacer leur déficit d’exploitation appelé technique. A partir du moment où il n’y aura plus de réserve, les deux régimes devront prendre des mesures radicales pour revenir à l’équilibre. Deux solutions existent, augmenter les cotisations et réduire les dépenses. Il s’agira plutôt d’amplifier un processus engagé depuis plus de 20 ans. Le rendement des régimes AGIRC et ARCCO a fortement baissé depuis 1993.
Les syndicats et le patronat qui dirigent l'Argic, avaient alors pris une série de mesures, dont le gel des pensions, pour rétablir les comptes. Mais l'Argic plonge toujours dans le rouge. Comment fonctionne ce régime spécifique de retraite ?

Les régimes complémentaires sont des régimes par points avec un prix d’acquisition et un prix de restitution au moment de la liquidation des pensions. Une fois liquidées, les pensions sont actualisées en fonction des règles décidées par les partenaires sociaux qui gèrent les régimes. L’acquisition des points par les salariés s’effectue à partir des cotisations salariales et employeurs sur les salaires. Avec la montée du chômage et avec la stagnation des salaires, les recettes des régimes de retraite complémentaire sont insuffisantes face à la montée inexorable des dépenses. L’absence d’inflation complique un peu plus la donne en réduisant le montant facial des cotisations. Les mesures prises par François Hollande de faciliter le départ à la retraite dès 60 ans n’a pas amélioré la situation. En l’état actuel, le déficit de l’AGIRC et de l’ARCCO est amené à se creuser assez fortement si la conjoncture ne s’améliore pas rapidement.

Dans le cadre du dernier accord datant de 2011, les partenaires sociaux avaient prévu de ne plus actualiser le montant en fonction de l’inflation. Dans les faits, depuis 2013 et jusqu’en 2015, la valeur des points est gelée. Ils avaient prévu également de modifier les valeurs d’acquisition. Les décisions prises en 2011 portaient sur 5 milliards d’euros. Compte tenu de la situation économique, il faudrait doubler la mise.

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