11 septembre 2014

Que s’est-il passé à Minsk ?


Alors, que s’est-il passé à Minsk ? Était-ce une reddition ou une victoire ? C’est le genre de question que se pose non seulement le citoyen lambda de notre immense territoire, mais malheureusement aussi une importante partie de la communauté des experts. Il n’y a pas de réponse simple à cette question à propos des sommets de l’Union européenne (UE) et de l’Otan les 4 et 5 septembre à Newport, au Pays de Galles, sans que l’on tienne compte de la réunion de Bruxelles la semaine d’avant.

La Russie a remporté une victoire politique à Bruxelles : l’Union européenne (l’Allemagne et les pays de la vieille Europe)a refusé d’imposer de nouvelles sanctions contre la Russie en dépit des pressions des États-Unis et de leurs loyaux États vassaux (la Grande-Bretagne, la Pologne, les États baltes et l’Ukraine). L’Union européenne, à la veille de l’hiver, a choisi de ne pas aggraver le conflit avec la Russie. De surcroît l’UE a même suggéré une issue au problème de « South Stream » en le retirant des sanctions du Troisième paquet énergétique : à savoir, d’appliquer les mêmes règles que celles s’appliquant aux projets offshore de l’UE ; comme par exemple en Bulgarie, permettre à Gazprom de les acheter et de les connecter à « South Stream ».

Malgré les nombreuses intimidations et menaces venant des caniches des étasuniens à la veille du sommet des pays membres de l’Otan (comme nous l’avons discuté en détail dans l’article « Le sort de la Novorussie : les États-Unis font monter les enjeux », à savoir :

a) une menace de déploiement d’un système européen de défense antimissile contre la Russie ;

b) la création de cinq bases de l’Otan en Pologne, en Roumanie et dans les pays baltes ;

c) la rupture des termes de l’acte fondateur « Russie – Otan »),
le sommet s’est conclu seulement par une déclaration officielle, reflétant l’opinion de l’alliance Atlantique nord à propos des événements en cours sur le territoire d’une Ukraine en voie de désintégration.

Comme il était à prévoir, l’Otan a condamné l’invasion militaire russe de l’Ukraine, invité la Russie à retirer ses forces armées, à mettre un terme à son assistance aux milices et à n’intervenir en Ukraine sous aucun prétexte. Il n’était question de rien d’autre : rien sur la violation des termes de l’acte fondateur « Russie – Otan », rien sur le déploiement de la défense antimissile européenne de l’Otan ou sur les bases dans les cinq pays mentionnés ci-dessus. Selon Rasmussen, il a pris en considération (on ne peut pas dire mieux) le désir des Polonais, des Baltes et des Roumains de placer des « points de transit » de l’Otan sur leur territoire.

Qu’est-ce que cela nous dit ? L’Union européenne, en dépit de toutes les menaces, des cris des États-Unis et du « franc parler » de leurs complaisants caniches, n’est pas prête à aller au-delà du niveau actuel de confrontation avec la Russie. L’Allemagne et les pays, non seulement de la vieille Europe (la Grèce, l’Italie), mais aussi ceux de la nouvelle Europe (la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie) se sont opposés à l’exacerbation de la rhétorique antirusse, à la mise en place de nouvelles sanctions, et en particulier, à l’inclusion de mécanismes et d’instruments de pression par l’OTAN.

En outre, les récents sommets à Bruxelles et à Newport ont montré que l’Europe souhaite mettre fin aussi rapidement que possible à l’actuelle tension dans ses relations avec la Russie, et revenir au niveau de coopération précédent, en dépit – je tiens à le souligner – des événements actuels en Ukraine. En fait, l’Europe est d’accord avec le retour à la Russie des territoires historiques (la Crimée et les régions de l’Ukraine qui lui avaient été données par les bolcheviks) en échange d’un approvisionnement ininterrompu de gaz et du maintien d’un commerce mutuellement bénéfique dans une relation de coopération économique.

La raison en est que l’Europe n’est pas du tout emballée par la forme de l’État ukrainien issu de la révolution de février. Ce régime dangereux, source d’instabilité, doit prendre fin. De la façon manière à laquelle il a été fait allusion aux pourparlers de Minsk, avant le début de l’hiver.

Par conséquent, la réalisation de l’accord de cessez-le entre la junte et les représentants de la Novorussie à Minsk est une victoire majeure pour la Russie, car elle a déjoué la tentative des États-Unis de briser les relations entre la Russie et l’Europe, et de cette manière fourni les arguments nécessaires pour rejeter et bloquer, aussi bien à Bruxelles qu’à Newport, les décisions que les États-Unis étaient prêts à lancer contre la Russie. C’est aujourd’hui, une grande victoire commune pour la Russie et l’UE.

Revenons maintenant à la Novorussie, qui souffre depuis longtemps. Beaucoup, même des experts aussi éminents que Boris Rozhin, considèrent que ce qui s’est passé était une trahison à l’égard de la Novorussie. Voyons cela plus en détail. Tout d’abord, il est apparent que Porochenko et la junte ne respecteront pas les termes de la trêve – les bombardements de Donetsk, de Lougansk et de Gorlovka ainsi que les combats dans le district de Marioupol, continuent de la part des troupes de la junte. Par conséquent, les mains des forces de la résistance ne sont désormais plus liées.

Deuxièmement, si les attaques des troupes de la junte s’arrêtaient et si le processus de paix et les ennuyeuses négociations reprenaient, sur quoi les habitants de l’Ukraine, maintenant sous l’autorité d’une junte fasciste néo-banderite, reporteraient-ils principalement leur attention ? Justement, leur attention se reporterait sur les problèmes internes : les prix de la nourriture, de l’essence, l’inflation, le chômage, la chute du taux de change de la hryvnia, le gangstérisme etc. Porochenko se donnera l’air de prendre des décisions parce qu’il a besoin de gagner les élections législatives.

Que feront les Kolomoïski, les Lyashko, les bataillons de la garde nationale et tous ceux qui ont intérêt à attiser les feux de la guerre ? Que sont-ils censés faire ? Il n’y a rien qu’ils puissent faire dans de telles circonstances. En conséquence, les tensions au sein de la junte s’aggraveront. Même si la Russie et l’Allemagne arrivent à empêcher Porochenko d’utiliser la force dans l’est, tôt ou tard, l’abcès interne à la junte éclatera.

Concernant la « nouvelle Transnistrie ». Le fait est que le phénomène de la Transnistrie n’en est devenu un qu’en raison de l’absence d’une frontière commune avec la Russie. Il n’y a aucune autre raison, ce qui n’a pas été le cas avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Oui, techniquement, ce sont tous des États non reconnus. Mais en réalité, et je le souligne, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, à la différence de la Transnistrie, sont sous la protection de l’armée russe, et nulle personne de bon sens n’oserait y mettre son nez.

Par conséquent, en ce qui concerne la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lugansk, le scénario d’une « nouvelle Transnistrie » est hors de question – la frontière commune avec la Russie exclut un tel scénario. Oui, ces régions auraient un statut incertain pour un certain temps. Toutefois, après l’éclatement de l’abcès à Kiev ou un autre scénario, les deux régions de Novorussie seront rejointes par les cinq autres qui avaient été remises à l’Ukraine par les Bolcheviks. Et ce sera la fin de l’Ukraine dans sa forme actuelle.

En conclusion, sur la question principale: Pourquoi la Russie aurait-elle choisi de ne pas accélérer le cours des événements en Novorussie? La première raison a déjà été évoquée: Il était nécessaire de donner à l’Allemagne et à l’Europe les arguments requis pour ne pas laisser les États-Unis réussir à mettre en œuvre leurs propositions lors des sommets de Bruxelles et Newport.

Deuxièmement, il est nécessaire pour l’Europe de s’assurer un hiver calme et de ne pas laisser geler les pays d’Europe orientale qui dépendent des livraisons de gaz provenant de l’Ukraine. Parce que si le chaos s’installe sur le territoire de l’ouest de l’Ukraine et que les gazoducs commencent à sauter, l’Europe de l’Est gèlera, et les États-Unis auront alors de très solides arguments pour faire pression sur l’UE, ce qui affectera négativement la position de la Russie dans cette crise.

Par conséquent, une des questions les plus importantes pour l’Europe est l’approvisionnement ininterrompu de gaz pendant l’hiver. C’est une raison suffisante en elle seule pour l’accord de cessez-le-feu, sans parler du bien-être des habitants pacifiques de Novorussie.

Au demeurant, un hiver passé à avoir froid et à être affamé se chargera de ramener à la raison les Ukrainiens qui sont pour le moment sous le contrôle de la junte. Junte qui sera de toute façon éjectée après l’hiver.

Troisièmement, la capture rapide des sept régions de Novorussie donnerait aux États-Unis un prétexte pour ériger un nouveau rideau de fer. Non pas quelque part en Allemagne, mais juste à la frontière avec la Russie et sous la forme de ces fameuses bases de l’Otan dans les États baltes, la Pologne et la Roumanie. En même temps, nous perdrions de manière permanente le reste de l’Ukraine, ce qui est inacceptable. Voilà pourquoi tout partage immédiat de l’Ukraine nous donnerait une victoire tactique limitée, nous permettant seulement de nous vanter « d’avoir tant capturé et si rapidement». Alors que du point de vue stratégique et à long terme, une telle situation serait en fin de compte une défaite, parce que nous perdrions le reste de l’Ukraine, et que de surcroît cela permettrait aux États-Unis de prendre pleinement et entièrement le contrôle de l’Europe.

* * *

Voilà pourquoi nous avons besoin de toute l’Ukraine, une Ukraine qui, comme la Biélorussie, sera amicale avec la Russie et rejoindra (à l’exception peut-être des trois régions de l’Ukraine occidentale) l’Union économique eurasienne. Ensemble, nous formerons une zone de commerce avec l’UE qui unira l’ensemble du continent eurasiatique, de la France et de la Hollande à la Chine, l’Iran et l’Inde, en une seule zone économique et commerciale.

Yuri Baranchik
Traduit par Alexandre Moumbaris pour vineyardsaker.fr
Corrigé par Marie José Moumbaris


Source : Novorussia – Surrender or victory? (vineyardsaker, anglais, 08-09-2014)

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