Des indices qui ne trompent pas
Les évènements économiques récents manifestent un rapprochement de la Russie et de la Chine, en particulier ce fameux accord gazier de 400 milliards de dollars. Comme le souligne Fabrice Drouin Ristori, fondateur de Goldbroker.com : « La valeur totale a été exprimée dans la presse en dollars, mais la monnaie de règlement de ce partenariat gigantesque n’a pas encore été précisée officiellement. Or, la défiance de la Russie et de la Chine quant à l’utilisation du dollar est manifeste depuis plusieurs mois. On peut donc très fortement douter de l’utilisation du dollar en règlement de cet échange énergétique colossal. »
Parallèlement à ce désir d’émancipation du dollar dans les échanges commerciaux, James Rickards, analyste financier et auteur de « Death of Money » (la mort de la monnaie), soulignait dernièrement à la télévision russe : « La Chine a 3000 milliards de dollars, mais elle est en train d’acheter de l’or aussi rapidement que possible. La Chine, s’inquiétant du fait que les Etats-Unis vont dévaluer le dollar avec l’inflation, souhaite se protéger en cas de chute du billet vert, donc l’or va grimper ». La Russie et l’Inde importent également massivement de l’or, ce métal qui pourra jouer à nouveau, en cas d’effondrement du dollar, un rôle d’actif de référence qu’il a toujours joué avant la suspension de la convertibilité du dollar en or par Nixon en 1971.
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Observer les tendances long-terme me paraît intéressant dans un monde qui ne voit plus qu’à trois mois – et encore, s’agissant des chiffres du chômage, on est incapable d’évaluer le mois suivant, c’est la loterie. Notons sur le graphique ci-dessus que l’augmentation du cours de l’or dérive de l’instabilité économique, c’est une valeur refuge. Les pics du cours de l’or sont intervenus après le déclenchement des grandes crises : 1929, 1973, 1979, 2000, 2008.
C’est la grosse crise qui monte, qui monte…
On peut dès lors se demander quand la prochaine crise surviendra, car elle sera selon toute vraisemblance le signe annonciateur d’une hausse fulgurante du prix du métal jaune et donc, d’une victoire importante des BRICS qui se seront approvisionnés suffisamment en la matière. Le dollar sera en quelque sorte une victime collatérale d’un phénomène relevant avant tout de l’économie réelle, et basé sur la concurrence de pays à bas salaires ne souhaitant plus seulement jouer des rôles de figurants.
Peu de personnes osent envisager à voix haute, c’est-à-dire dans les médias grand public, une crise prochaine, à part peut-être Jacques Attali qui la prédit pour 2015. Je ne rejoins pas le catastrophisme de M. Attali qui évoque ailleurs le risque d’une troisième guerre mondiale, et je ne partage pas non plus son optimisme faisant miroiter qu’il existerait des solutions pour relancer une croissance supérieure ou égale à 2%.
Cependant, il me paraît clair que l’heure d’une crise majeure approche – je ne me prononce pas sur une date car tous les moyens sont mis en œuvre pour la retarder au maximum – aux États-Unis et en Europe à cause de l’accumulation d’un certain nombre de bulles depuis 2008 : surproduction chinoise masquée par de faux chiffres (notre croissance dépend de celle de la Chine), gaz de schiste étasunien, crédits étudiants étasuniens, actifs pourris résiduels de 2008… Si l’une éclate, il y a un risque de réaction en chaîne.
Cette crise sera majeure dans le sens où les États occidentaux sont déjà surendettés, comment pourront-ils augmenter encore leurs plafonds respectifs ? Et quand bien même ils le feraient, avec une nouvelle récession, ils se retrouveraient bien vite en défaut de paiement, sans même évoquer l’implosion de l’UE. Comme toute crise majeure, elle sera difficile à vivre (ou à survivre) à cause de l’aveuglement d’une minorité pensante et agissante, de droite comme de gauche, s’accrochant cette fois-ci désespérément à l’espoir d’une innovation salvatrice.
Chacun sa définition de la réalité
Les innovations techniques ont permis au cours du XIXème et du XXème siècle d’augmenter considérablement la productivité. Cependant, elles ne furent pas, avec l’énergie pas chère ou l’investissement, les seuls facteurs d’augmentation de la richesse. Les inégalités entre monnaies et les divers protectionnismes facilitant l’exploitation des pays « sous-développés », le développement des complexes militaro-industriels, ou l’accumulation du capital financier via les inégalités salariales, ont également été de puissants vecteurs de croissance, mais passés sous silence dans les manuels d’histoire et d’économie.
On s’imagine que les progrès du XXème siècle sont reproductibles au XXIème siècle. Mais sur quelle base ? Celle de croire que les robots vont remplacer l’homme et être à son service ? Celle d’espérer que l’homme pourra bientôt se tourner les pouces et vivre grâce à un revenu universel ? De telles utopies s’appuient sur l’abstraction du fait que les innovations ou l’énergie pas chère n’ont pas été les seules causes de la croissance occidentale des deux derniers siècles. L’oubli du passé se répercute dans la cécité présente.
Lorsque l’on regarde la réalité sans détour, on constate que l’innovation du XXIème siècle produit des licenciements jusque dans les pays en développement (cf. exemple de Nike dernièrement) où les salaires sont pourtant cinq à dix fois moindres qu’en Occident ! On constate que le secteur des TIC délocalise beaucoup plus qu’il n’a besoin de compétences françaises comme l’affirment à tort et à travers les nouveaux entrepreneurs bardés de bonnes intentions. Et si des robots sont fabriqués, ils auront surtout besoin de machines pour être produits, pas d’hommes. Mais de toute façon, les robots sont d’abord ces hommes qui répètent inlassablement les mêmes calculs, empêtrés jusqu’au cou dans leurs jeux de pouvoir, et dont la notion de réalité n’est en fait qu’un idéal leur permettant d’asseoir leur domination.
Joaquim Defghi
Blog : actudupouvoir.fr
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