Rassurez-vous mes amis, un taux négatif ce n’est pas vous payer pour emprunter, ce serait un beau cadeau et n’oubliez jamais que les États et encore moins les banques sont là pour vous faire des cadeaux. Non, ce qu’ils vous font ce sont les poches…
L’information du jour c’est donc évidemment les annonces remarquées et remarquables de Mario Draghi, le gouverneur de la Banque centrale européenne, l’institution qui veille consciencieusement à la ruine de tous les États membres.
À ce rythme, notre agonie risque d’être encore un peu plus longue puisque c’est de nature à faire « tenir » ce système moisi un peu plus longtemps encore. Mais au bout du compte, tout cela finira mal et l’estimation donnée par Jacques Attali d’une durée de 18 mois avant la prochaine grande crise me semble fondamentalement l’échéance sur laquelle nous baser pour notre préparation personnelle.
La déflation est bien là !
Mario a beau tourner autour du pot, il est évident que la déflation n’est pas un risque à venir mais un problème avéré. La déflation est là et d’ailleurs Draghi se prépare à ce qu’elle soit là encore longtemps.
La raison est simple. Comme je l’ai expliqué à de multiples reprises, avec l’euro aucun pays ne peut faire ce que l’on appelle une « dévaluation monétaire » pour retrouver de la compétitivité. Pour en retrouver, la seule solution est la dévaluation salariale, c’est-à-dire la baisse généralisée du niveau des salaires comme c’est le cas en Grèce (le pays le plus en avance si l’on peut dire), en Espagne, au Portugal, en Italie et même en France dans une moindre mesure pour l’instant (c’est plus un gel des salaires avec augmentation du chômage et une légère baisse du salaire réel en raison de la hausse des impôts et des prélèvements).
Lorsque les salaires baissent, il est évident qu’un phénomène déflationniste ne peut qu’avoir lieu. C’est une évidence économique.
Il faut donc comprendre que la seule solution pour éviter la déflation ce n’est pas fondamentalement de baisser les taux mais bien d’augmenter les salaires.
Les causes profondes de ce phénomène c’est évidemment l’euro et le carcan qu’il représente mais pas uniquement. Dans une économie mondialisée et sans barrière de protection afin de lutter contre les phénomènes de concurrence déloyale liés à des distorsions de salaires évidentes, nous ne pouvons arriver qu’à un ajustement généralisé vers le moins-disant salarial et social. C’est exactement ce qu’il se passe puisque nous nous refusons à imposer des droits de douane.
Nous ne pouvons donc vivre qu’une déflation majeure, renforcée qui plus est par des aspects démographiques eux-aussi déflationnistes.
Les mesures annoncées par Mario Draghi
Elles sont globalement au nombre de trois.
1/ Le principal taux d’intérêt directeur passe de 0,25 % à 0,15 %. En gros, nous allons pouvoir emprunter un poil moins cher de l’argent que nous ne voulons pas emprunter puisque nous ne sommes pas sûrs de pouvoir le rembourser en particulier pour ceux qui n’ont pas de visibilité sur leur emploi. Cela ne changera donc pas grand-chose. Je n’emprunte pas parce que les taux viennent de baisser de 0,10 %, j’emprunte parce que j’en ai besoin ou parce que je vais réaliser un investissement rentable.
Retenez donc que le taux directeur est celui qui fixe en gros le prix d’emprunt de l’argent.
2/ Le taux de dépôt de la BCE, lui, est devenu carrément négatif et c’est une grande première historique pour la BCE. Il y a bien eu quelques expériences de ce genre il y a quelques années en particulier dans des pays nordiques, mais cela n’a pas réellement fonctionné. Disons que sur ce sujet-là nous n’avons pas de recul suffisant pour être affirmatifs dans nos appréciations. Néanmoins, mon point de vue est que là encore, cela ne va pas fonctionner.
Avant de vous expliquer pourquoi, expliquons ce qu’est le taux de dépôt. Lorsqu’une banque commerciale comme la Société Générale ou la BNP dispose d’un excédent de trésorerie, elle peut prêter ces fonds par exemple à d’autres banques qui, elles, seraient en manque ponctuel de liquidités. Le problème c’est que depuis 2007 plus personne n’a confiance en personne, donc les banques en excédent déposent leur argent directement à la BCE qui, jusqu’à présent, rémunérait ses fonds (bien que de moins en moins).
Désormais, une banque qui placera son argent à la BCE aura moins à la sortie de son placement qu’à son entrée. En clair, les banques vont devoir payer pour placer leur épargne à la BCE !!
L’idée c’est de forcer les banques en excédent à prêter et à financer l’économie… enfin officiellement !
Pourquoi cela ne va sans doute pas marcher ?
Les raisons sont multiples. Tout d’abord, le problème de fond est la confiance. Certaines banques préféreront perdre très légèrement plutôt que d’aller prendre des risques inutiles.
La réalité c’est que les banques vont préférer prêter à des États surendettés et en situation d’insolvabilité théorique pour la raison simple que la BCE devrait intervenir en cas de pépin grave (en tout cas c’est le pari), donc plutôt que de financer l’économie réelle, moi banquier, je préfère prêter mes sous à l’Espagne à moins de 3 % !! Et c’est d’ailleurs exactement ce qu’il se passe depuis quelques semaines où nous constatons un effondrement des taux d’emprunts des États, ce qui constitue une énorme bulle obligataire.
Évidemment, 3 % cela rapporte plus que de payer 0,10 % !! Le calcul est donc vite fait pour nos rapaces de banquiers.
Enfin, certes les banques se montrent réticentes à financer l’économie réelle, en revanche ce n’est qu’une partie de ce problème. Il y a l’offre de crédit (côté banque) mais il y a aussi une demande de crédit (côté client). Or la demande de crédit est orientée dramatiquement à la baisse depuis plus de deux ans. La raison est simple. Les particuliers, qui ont peur pour leur emploi, ne veulent pas emprunter. Logique. Les entreprises, qui n’ont pas de visibilité, ne veulent pas investir… donc elles n’empruntent pas. Logique aussi.
Enfin, et c’est le dernier élément, les banques garderont tout simplement leur argent sur leur propre compte et préféreront plutôt ne rien faire que d’en perdre !
3/ Comme nous l’apprend la dépêche dont je vous mets le lien source, « selon les analystes, il pourrait annoncer entre autres un nouveau crédit à long terme (LTRO) aux banques, soumis cette fois à la condition qu’elles prêtent à leur tour contrairement à deux LTRO à trois ans lancés précédemment par la BCE ». C’est le fameux « crédit easing » européen que j’avais déjà évoqué à plusieurs reprises et qui se précise. Cependant, Mario Draghi garde des « cartouches » et des munitions pour plus tard et continue sa politique qui, essentiellement, vise simplement à gagner du temps. Pour quoi faire ? Nul ne le sait. Disons que nous gagnons du temps ou plus précisément nous achetons du temps non pas tant pour ce que cela nous permettra de faire que pour ce que cela nous évitera de vivre.
Nous n’en sommes plus, et depuis longtemps, à vouloir améliorer la situation puisque nous n’avons rien fait depuis 7 ans pour changer véritablement les modes de fonctionnement de notre système. Nous en sommes juste à vouloir éviter les conséquences désastreuses d’un effondrement et les autorités tentent désespérément d’organiser une lente descente plutôt qu’une chute violente.
Je laisse donc le mot de la fin qui m’a fait beaucoup rigolé à Carsten Bzreski, économiste de la banque ING, qui a déclaré à propos des annonces de Mario Draghi que :
« Mais cela aidera-t-il à faire repartir l’économie ? Probablement pas mais la BCE a montré sa détermination et sa capacité à agir » !
Ce qui peut être traduit par un lapidaire « ce que fait la BCE ne servira à rien mais tout le monde fait semblant de croire que ce que l’on fait sera efficace » ! Si la situation n’était pas aussi dramatique, ce serait drôle.
Préparez-vous et restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
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