10 avril 2014

Le Venezuela s'enfonce dans la crise

Partie des milieux étudiants (Paul : donc des USA !), la révolte sociale menace aujourd'hui un Etat fragile. Inflation galopante, pénurie de denrées alimentaires et insécurité sont la cause du mécontentement. Une situation qui inquiète les Etats voisins, Brésil en tête.

Des manifestations quotidiennes, une trentaine de morts déjà et plusieurs centaines de blessés. Le Venezuela est en proie, depuis le début de février, à une flambée de violence que le pouvoir politique peine aujourd'hui à juguler.

Pour bien comprendre cette situation, il faut remonter quelque temps en arrière. La fronde, partie des milieux étudiants, s'est peu à peu étendue aux classes les plus défavorisées de la population. Tous protestent contre l'envolée des prix, l'insécurité, mais aussi, et surtout, contre les pénuries. Le Venezuela, pays pétrolier doté de réserves parmi les plus importantes du monde, est en proie à des coupures d'électricité, d'eau et, cerise sur le gâteau, à un manque chronique de denrées alimentaires.

La crise d'aujourd'hui a des origines bien plus anciennes, qui remontent à l'époque où Hugo Chavez était président de la République. Autant dire que Nicolas Maduro, son successeur à la tête du pays depuis moins d'un an, doit aujourd'hui gérer un état de fait dont il n'est pas directement responsable. Encore au large dans son costume de président, Nicolas Maduro, qui se revendique comme le dauphin d'Hugo Chavez, a bien du mal à s'imposer. Question de popularité, bien sûr, de personnalité aussi. Il n'a ni la faconde ni l'aplomb du défunt « Commandante ». Il est même à l'opposé. Ainsi, lorsque Hugo Chavez s'en prenait à l'ennemi américain, au moins le faisait-il avec un certain panache. Dont son successeur semble totalement dépourvu. La rhétorique fondamentale a beau être la même, les arguments de Nicolas Maduro lorsqu'il dénonce des complots fomentés par Washington ne passent pas. Un peu trop répétitifs sans doute.

La colère de la rue l'oblige pourtant à sortir de ce schéma simpliste. Après la répression musclée des premiers jours, il voit son pays s'enfoncer dans le chaos sans que l'on sache, aujourd'hui, quand s'arrêtera la descente.

Loin de rester les bras croisés, Nicolas Maduro a cherché à redonner un peu d'oxygène à la population. Fin février, un nouveau système de change à deux vitesses a été instauré, pour réduire les pressions inflationnistes tout en permettant aux entreprises un meilleur accès aux devises. En important plus facilement, elles peuvent ainsi réduire les pénuries alimentaires. Le risque, en dopant les achats à l'extérieur sans que les exportations reprennent de la hauteur, est de contribuer à la dégradation des soldes extérieurs. Pour être efficace, le remède doit donc être à effet rapide et visible. Car, derrière la détérioration des comptes, le Venezuela est face à une autre menace, le défaut de paiement. S'il survenait, il s'agirait alors d'une vraie rupture par rapport à Hugo Chavez, qui s'est toujours arc-bouté contre une telle éventualité. Cela doit servir de fil conducteur à son successeur. Pays pétrolier, le Venezuela, qui dépend à plus de 90 % de l'or noir, peut être en proie à des troubles sociaux, pas à un défaut de paiement. Or chacun sait que les réserves de change sont en chute depuis 2008, et qu'elles ne vont pas remonter dans les prochains mois compte tenu du nouveau taux de change.

S'il parvient à sortir de cette réalité brutale, Nicolas Maduro peut compenser en crédibilité, en stature présidentielle, une légitimité électorale très ric-rac. Surtout, réduire les tensions calmerait les inquiétudes des voisins, Brésil en tête, très attentifs à l'évolution de la situation. Signe qu'elle est préoccupante pour toute la région, les ministres des Affaires étrangères de l'Union sud-américaine (Unasur) ont décidé de former une commission visant à encourager le dialogue au Venezuela et à éviter par tous les moyens d'atteindre un point de non-retour. Pour beaucoup de pays voisins, le meilleur scénario suppose le maintien au pouvoir de l'équipe actuelle. L'hypothèse paraît d'autant plus logique aujourd'hui que l'armée est toujours du côté du président. L'idéal serait qu'un consensus émerge sur le front social à la faveur de quelques mesures, notamment sur la sécurité, et conduise à un essoufflement des manifestations. Les questions de fond ne seraient pas réglées pour autant, mais le calme apparent revenu. Même s'il paraît peu probable, le scénario du pire pourrait en revanche se dessiner avec le durcissement du mouvement protestataire et les fractures qu'il créerait inévitablement à l'intérieur du parti. Nicolas Maduro serait alors contraint de laisser son fauteuil et de convoquer de nouvelles élections. Avec, à la clef, un risque de récession économique aggravée. Plus dramatique encore, l'hypothèse d'une intensification de la crise et d'un président qui s'accroche au pouvoir. Plutôt que de réprimer les manifestants, l'armée pourrait alors choisir de prendre le pouvoir de force. Plongeant ainsi le pays dans l'incertitude totale.

On est loin du rêve révolutionnaire qu'Hugo Chavez parvenait à vendre en même temps qu'il distribuait son pétrole et réduisait les inégalités. Mais, en ne procédant pas à temps aux réformes structurelles qui s'imposaient et en soutenant l'économie par la dépense publique, Hugo Chavez a laissé un pays empêtré dans le cercle infernal d'une inflation galopante, d'une croissance faible de son économie et, finalement, d'une signature dégradée qui bride toute capacité d'emprunt. C'est de cela que doit pouvoir s'affranchir le nouveau président, sans renoncer au chavisme. Qui reste le socle sur lequel il a été élu.

Michel De Grandi
Journaliste au service International


Les points à retenir :

Le Venezuela, dont 90 % de la richesse dépend du pétrole, n'a pas su mener les réformes structurelles.
Ses réserves de change sont en chute libre et le spectre du défaut de paiement se profile.
Moins flamboyant que son prédécesseur, Hugo Chavez, le président Nicolas Maduro, s'il ne jugule pas la crise, pourrait être contraint d'abandonner son fauteuil et de provoquer de nouvelles élections, voire se faire renverser par l'armée.

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.