« Comment décrire la nomenklatura homosexuelle sans évoquer Pierre Bergé, giscardien dans l’année 70, puis barriste, mitterrandien et, enfin, chiraquien ? Cet homme à l’affût de toutes les occasions rêvait dans sa jeunesse de conquérir Paris. »
Anne-Sophie Coignard et Marie-Thérèse Guichard, Les Bonnes fréquentations (1997)
« Je suis un “mafieux”. Et je ne crois qu’à ça. Je ne crois qu’aux amis dont on est sûr, qu’on s’est choisis et c’est fini. C’est pour toujours. Et on les défend, bien sûr. […] Être “clanique”, cela ne veut pas dire faire des mauvais coups ensemble, cela ne veux pas dire passer des armes ici ou du fric là. Cela veut tout simplement dire que les gens se sont retrouvés. Alors, comme toujours dans les “clans”, tout le monde n’est pas blanc-bleu : certains peuvent avoir une bonne influence et d’autres une mauvaise – pas toujours, mais cela peut arriver. »
Pierre Bergé dans François Mitterrand et ses proches (1996)
« Fais en sorte que l’idée d’humanité excède en toi celle de toute autre communauté. Fais-toi citoyen du monde autant qu’il est possible. Les États, en d’autres termes, comptent moins que le destin de l’humanité. Lorsqu’ils deviennent des obstacles au progrès de la paix, les États doivent s’effacer devant la loi commune. […] Ou bien la défense invétérée, obscurantiste des “nations”. Ou bien la décision résolue d’assumer des paris raisonnables dont pourrait sortir le progrès de l’humanité. […] Non à ce qui nous enracine, oui à ce qui nous libère de nos racines ; non à ce qui nous rend tributaire d’une concrète, trop concrète communauté, oui à ce qui nous inscrit dans un espace symbolique plus abstrait. L’Europe est un de ces espaces. Si je suis européen, c’est parce que l’Europe nous éloigne de l’obscure magie des racines, des terroirs et des appartenances trop simples. »
Pierre Bergé, Liberté, j’écris ton nom (1991)
« Les racines, dit Pierre Bergé, ont de l’importance dans son amitié avec l’ancien président [NDA : Mitterrand] : “Il était charentais comme moi, nous étions tous deux du même pays, moi d’Oléron et lui de Jarnac. Nous sommes saintongeais.” »
Stéphane Trano, Mitterrand, les amis d’abord
« Ses colères carabinées sont aussi spectaculaire que les soufflés du Récamier, dont il est client. En 1962 déjà, lorsque William Klein filme les débuts de la maison de couture, il montre un jeune Pierre bourré d’impatience et de tics, croisement de Rascar Capac (la momie du Temple du soleil de Tintin) et de Louis De Funès. »
Libération, 25 février 2009
« Les morsures de ce natif du Scorpion sont très venimeuses. »
Challenges, 2 octobre 2008
« Le dimanche a des relents étranges. Ce fut pendant des siècles le “jour du seigneur”. Il ne fallait pas travailler pour mieux se consacrer à Dieu et mieux prier ? En un mot, la conception même du dimanche est réactionnaire. Aujourd’hui, alors que les églises se vident, il serait sain que les boutiques comme les musées et les cinémas se remplissent. »
Pierre Bergé, Globe Hebdo, 11 août 1993
« Il faut que la gauche cesse d’espérer que l’entreprise soit là pour créer des emplois, elle est là pour générer des bénéfices. »
Pierre Bergé, Libération, 9 mai 2001
« Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant. »
Pierre Bergé, Le Figaro, 16 décembre 2012
« J’ai toujours autant d’indignations. Je suis outré que le prix Nobel chinois Liu Xiaobo n’ait pu recevoir en mains propres sa récompense à Oslo (Norvége). Je suis scandalisé par le régime de Cuba, par l’attitude du leader ivoirien Laurent Gbagbo. »
Pierre Bergé, L’Express, 5 janvier 2011
« Je suis démocrate américain, plus exactement rooseveltien. »
Pierre Bergé, Le Point, 8 mars 2012
« Vous me direz, si une bombe explose sur les Champs à cause de #laManifPourTous c’est pas moi qui vais pleurer. »
« Retweet » de Pierre Bergé, 16 mars 2013, visible sur son compte Tweeter par ses 11 329 « followers »
Il sera encore P-DG du groupe Charles of the Ritz, incluant Yves Saint Laurent Parfums (1986). Président de l’Institut français de la mode depuis 1985, il a également présidé et fondé la Chambre syndicale du prêt à porter des couturiers et des créateurs de mode (1974-1993). Le Nouvel Observateur de décembre 1988 lui attribue la 122e fortune française, soit de 400 à 420 millions de francs. Il est alors le 30e contribuable français (L’Événement du jeudi, 18 août 1988). Aujourd’hui, il ne pèserait plus « que » 120 millions d’euros, ayant placé l’essentiel de sa fortune dans des fondations ou des associations (notamment de lutte contre le sida).
Saint Laurent et Bergé revendent en 1992 leur société au groupe d’État Elf-Sanofi. Les conditions, extrêmement avantageuse pour le « couple », auraient alors rapporté 300 millions de francs pour 40,5 % des parts seulement, Bergé et Saint Laurent posant un verrou avec une société par action simplifiée personnelle (SAS). La Commission des opérations de bourse (COB) ouvrira une enquête en 1993, infligeant une sanction de 3 millions de francs en octobre 1993. S’en suivra un feuilleton judiciaire avec une réduction de la peine à 1 million de francs en mars 1994 avant que Pierre Bergé ne soit mis en examen (30 mai 1994) pour « violation de monopole des sociétés de bourse et délit d’initié ». Le juge d’instruction chargé de l’affaire conclura finalement à un non-lieu en 1995. En 1999, Saint Laurent est revendu à Gucci-PPR et François Pinault devra débourser 500 millions de francs pour dénouer le montage d’YSL.
Richissime, Bergé possède (ou possédera) un hôtel particulier à Paris, une île dans le Finistère, la fameuse Villa et le Jardin Majorelle à Marrakech, un mas à Saint-Rémy-de-Provence avec une piscine quasi-olympique pour les invités (il ne se baigne pas) et le Château Gabriel avec 35 hectares à Deauville (vendu en 2007).
La Villa Majorelle à Marrakech
L’activité de haute couture de la Maison Yves Saint Laurent ferme ses portes en 2002 à la suite du retrait du couturier, et Pierre Bergé rachète l’activité pour un euro symbolique. Bien que ne vivant plus avec Yves Saint Laurent depuis 1976, il signe, au domicile de ce dernier, un pacte civil de solidarité, peu de temps avant la mort du couturier, dont il devient ainsi l’héritier légal. Yves Saint Laurent décède le 1er juin 2008. Lors de l’éloge funèbre à l’église Saint-Roch, le prêtre demande, lapsus révélateur, de venir se recueillir sur la tombe de Pierre Bergé. Dès le mois d’octobre, Pierre Bergé annonce la vente de leur collection. Le 23 février 2009 se tiendra donc « la vente du siècle », organisée au Grand Palais par Christie’s, comprenant 730 lots, dont notamment une collection de tableaux impressionnistes. Elle rapportera la bagatelle de 373,5 millions d’euros.
Séparé de Saint-Laurent en 1976, il a alors occupé une suite au Plaza Athénée, avant de s’installer au Lutetia puis de rejoindre la rue Bonaparte dans les années 1990. Il restaure en 1977 le Théâtre de l’Athénée, qu’il dirigera (ainsi que son voisin, le Théâtre Édouard VII) jusqu’en 1982. C’est dans ce contexte qu’il se lie avec Jack Lang, via les « Lundis de l’Athénée ». Il cèdera d’ailleurs le théâtre pour un franc symbolique à l’État, via Jack Lang, devenu ministre de la Culture.
Il avait pourtant voté en faveur de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 : « Il voulait partir s’installer à l’étranger. Au bureau, il insultait tout ceux qui n’avaient pas voté Giscard. En guise de recours, il a même pensé écrire à l’amiral De Gaulle », rapporte Christophe Girard dans L’Express (21 janvier 2010). Mais l’homme d’affaires avisé se redécouvre une sensibilité de gauche après le tournant de la rigueur et la nomination de Laurent Fabius comme Premier ministre, en juillet 1984. Jack Lang le présente cette année-là à François Mitterrand. Rapidement, Bergé devient une personnalité incontournable de la « gauche caviar » et un compagnon de promenade du président de la République, d’autant que les deux hommes partagent les mêmes origines provinciales.
Ayant cautionné Le Matin en juin 1987, il en fut le principal actionnaire (34 %) et sera le mécène du « magazine de combat » anti-Front national « tonto-maniaque » Globe de Georges-Marc Benamou (novembre 1985-avril 1992). En parfait « mitterrandolâtre », Bergé lance dans les colonnes de son périodique la fameuse pétition « Tonton, ne nous quitte pas » (décembre 1987), avant de prendre la tête du comité des patrons pro-socialistes. Il adressera même une lettre à cinq mille patrons français (mars 1988), les invitant à soutenir publiquement une nouvelle candidature de François Mitterrand, « le seul à pouvoir nous emmener sans risque aux portes de l’an 2000 ». Quand Globe cesse de paraître, Pierre Bergé est encore de l’aventure de Globe Hebdo (février 1993-juillet 1994), intervenant fort discrètement pour son financement via une société de droit israélien domiciliée à Tel Aviv (selon Jean Montaldo, Carnets secrets, les voyous de la République).
Bergé a également été l’un des plus gros, voire le principal financier de SOS Racisme. Il acheta même la moitié des parts de la société d’exploitation lorsque SOS Racisme lança une radio en 1986. Fidèle parmi les fidèles au « dîner des parrains » organisé chaque année par l’association (soit un financement sur le modèle du charity business américain), il justifiera ainsi son engagement :
« J’aimais ce mélange de Beurs, de juifs, d’Arabes, de métis comme moi. J’aimais ces métèques [...]. J’ai toujours su que le meilleur de la France était fait de races diverses, brassées au cours de siècles, et que le métissage lui apportait le sang neuf dont elle avait besoin. J’ai parfois même regretté d’être à ce point franco-français et de n’avoir pu trouver chez mes ancêtres la moindre origine étrangère. »
(Liberté, j’écris ton nom)
Ce défenseur de la laïcité prit une première fois ses distances avec l’association suite à la position d’Harlem Désir pour le « droit à la différence » quant à l’ « affaire des foulards ». En janvier 1991, Désir adopte une position pacifiste sur la guerre du Golfe alors que Bernard-Henri Lévy et Pierre Bergé y sont favorables. Il se sépareront donc publiquement de SOS Racisme, ce qui provoquera une crise financière dans l’association. On notera que quelques mois avant, Bergé voulait changer les paroles de La Marseillaise, « trop martiale » à son goût. Plus tard, il participera de nouveau au dîner annuel de SOS Racisme (comme en 1998 au Théâtre du Rond-Point).
À partir de 1986, Pierre Bergé subventionnera également généreusement France-Libertés, de Danielle Mitterrand, qui apporte son soutien aux populations qui luttent contre « l’oppression », les Kurdes en particulier. C’est d’ailleurs la même année qu’il devient conseiller supérieur du gouvernement communiste de Chine populaire dans les domaines de la culture et des industries textiles. Il ne quittera sa fonction qu’après l’épisode de la place Tian’anmen de 1989.
Entretemps, un défilé Yves Saint Laurent avait été organisé à la Fête de l’Humanité de septembre 1988. Cette année-là, il finance également Dialogue 2000 d’Olivier Stirn. En octobre 1990, il sera l’un des principaux promoteurs des Assises de la laïcité avec le Grand Orient de France et proposera de créer en France des Comités Émile-Combes pour éviter « que la fin du siècle (soit) encombrée par le retour des églises ». Ce pur laïc, très hostile à l’Église, gardera une stricte constance sur cette idée, déclarant par exemple sur RTL (26 septembre 2013) :
« Moi je suis pour la suppression intégrale de toutes les fêtes chrétiennes. »
En janvier 2011, il intervenait encore au Grand Orient de France pour une tenue blanche fermée de la loge Demain.
Même s’il n’obtint pas le poste de ministre de la Culture, ses largesses furent néanmoins récompensées : chevalier de la Légion d’honneur (1985), officier de l’Ordre national du mérite (1991), officier de la Légion d’honneur (1993), commandeur des Arts et des Lettres (1992), etc. Il sera surtout propulsé président du conseil d’administration de l’Opéra de Paris après la réélection de François Mitterrand. Le 31 août 1988, Bergé se retrouve donc à la tête de l’opéra Bastille, du palais Garnier, et de la salle Favart, connaissant dès lors de nombreux déboires, notamment lors du lancement de l’opéra Bastille (inauguré symboliquement à guichets fermés le 13 juillet 1989 dans les fastes du Bicentenaire, avant d’être refermé jusqu’au 17 mars 1990) :
« À peine en fonction. Pierre Bergé s’est comporté comme une grenade offensive dans un milieu déjà fragilisé et naturellement hypersensible (sic). Des déclarations péremptoires quand il aurait fallu un peu d’humilité, un manque total de sens de la communication, une confusion entre le management d’une entreprise privée et le fonctionnement autrement plus délicat d’un établissement public, une pratique de la langue de bois et de la méthode Coué plutôt qu’une évaluation réaliste des problèmes... Tout cela n’a pas contribué à détendre l’atmosphère. »
(L’Événement du jeudi, 6 février 1992)
Il sera même mis en examen pour « homicide et blessures involontaires et défaut de constitution d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail » après un accident mortel lors d’une répétition de l’Opéra national de Paris le 16 juillet 1992 à Séville. L’expérience prendra fin avec des déficits abyssaux (524 millions en 1992) en février 1994 après un rapport sanglant de la Cour des comptes (il sera encore entendu par la cour administrative en janvier 2001).
On a souvent oublié qu’en 1995, il appellera à voter en faveur de Jacques Chirac, « le seul à exprimer une volonté politique novatrice » (Le Monde, 11 mars 1995) et non pour Lionel Jospin, certes protestant comme lui mais s’étant rendu coupable de « droit d’inventaire ». Ce qui sera l’occasion d’un moment de vérité de la part de Claude Allègre :
« Pierre Bergé symbolise à lui seul cette “gauche caviar” que les Français ne peuvent plus voir, celles des courtisans utilisant les faveurs du Prince pour obtenir prébendes et honneurs. En l’occurrence un poste de président de l’Opéra dont la gestion s’est caractérisée par des salaires exorbitants aux vedettes et la dureté à l’encontre du personnel. Celle où l’on même les affaires et les médias, fabriquant un journal non pour informer mais pour satisfaire ses humeurs, pulsions et répulsions, allant jusqu’à utiliser certaines méthodes dignes de Gringoire. Celle de l’affairisme enfin… »
(Le Monde, 15 mars 1995)
On apprendra surtout beaucoup plus tardivement que Pierre Bergé avait servi d’intermédiaire quand François Mitterrand décida que Jacques Chirac serait son successeur (rapporté par Georges-Marc Benhamou dans Le Dernier Mitterrand). Mandaté par le président socialiste, il rencontra François Baroin le 2 novembre 1994, pour lui indiquer que Mitterrand conseillait à Chirac d’annoncer le plus rapidement possible sa candidature. Le conseil fut suivi : Jacques Chirac se déclarera candidat le surlendemain dans La Voix du Nord. Pour brouiller les pistes, Pierre Bergé, aussi habile en affaires qu’en politique, avait feinté souhaiter une candidature de Raymond Barre (L’Événement du jeudi, 2 février 1995). D’abord administrateur de l’Institut François Mitterrand, le « milliardaire rose » a créé et pris la présidence en 1999 de l’Association des amis de l’Institut François Mitterrand, qui regroupe les « courtisans éconduits » (Libération, 10 mai 2001) de l’IFM (Jack Lang, Laurent Fabius, Pierre Joxe, Julien Dray, Fodé Sylla).
Mais c’est la véritable OPA qu’il va lancer sur les milieux homosexuels parisiens qui détermine son engagement politique et financier depuis le milieu des années 1990-2000. Alors que son militantisme homosexuel s’était cantonné à un rôle d’intermédiaire dans les milieux homosexuels parisien (il avait aidé le dessinateur Copi en 1964 par exemple) ou encore l’achat d’encarts publicitaires par Yves Saint Laurent dans Gai-Pied, « l’hebdo des homos » (cf. Yann Moncomble, La Politique, le sexe et la finance, 1989), il prend dès 1986 la présidence d’Arcat-Sida, avec pour secrétaire général Christophe Girard, à l’époque numéro deux d’Yves Saint Laurent (aujourd’hui maire du IVe arrondissement de Paris et adjoint à la Culture de la capitale). Il se portera caution du bail du Centre gay et lesbien (CGL) de Paris en 1994, et lancera, avec Didier Lestrade et Pascal Loubet, les fondateurs d’Act Up, le premier véritable mensuel homosexuel « branché » et luxueux, Têtu (qu’il avait dans un premier temps pensé à appeler Gay Pride) : « Ces valeurs républicaines n’aboutissent qu’à la reproduction des élites à vie […]. On est trop en retard sur les pays anglo-saxons […]. Nous voulons créer un vrai lobby gay » explique alors Didier Lestrade (Le Nouvel Observateur, juin 1995). La première mouture (juillet 1995) cessa de paraître après trois numéros. Mais Pierre Bergé relança aussitôt (et bien évidemment à perte) Têtu (Christophe Girard en sera le directeur de rédaction jusqu’à leur brouille en 1999), où il fut très impliqué (président du comité de rédaction) et qu’il financera à perte jusqu’en janvier 2013. Il fut ponctuellement l’un des actionnaires de Pink TV.
Dès 1996, il avance :
« Un jour il y aura un vote homosexuel. En 2002, on ne pourra pas échapper à une prise de position sur les questions homosexuelles des candidats à la présidence de la République. »
Pour que sa prophétie se réalise, tous les moyens seront mis en œuvre. Toujours en 1996, il prend la tête d’Ensemble contre le sida (ECS), structure qui coordonne une pléiade d’associations et qui, surtout, gère les fonds du « Sidaction ». Bref, les bonnes œuvres de Pierre Bergé bénéficient depuis 1994 (sauf entre 1997 et 2003) d’un gigantesque raout télévisé annuel diffusé sur toutes les chaînes, publiques comme privées, avec appel aux dons à la clef. Mais les rentrés d’argent restent infiniment inférieures à celles du Téléthon, qui sera l’une des cibles de Pierre Bergé, avec propos reconnus comme diffamatoires (« Aujourd’hui, quelqu’un qui croit donner 1 euro au Téléthon, donne en réalité 1 euro aux banques », « Cent millions d’euros pour le Téléthon ne sert à rien. Je dis clairement que ce ça sert d’autant moins à rien, que les organisateurs du Téléthon (…) ont trop d’argent, ils achètent des immeubles », etc.) qui entraîneront un procès retentissant.
De longue date parmi les principaux membres du comité de parrainage du Collectif pour le contrat d’union civile, il figure très en pointe sur les principaux sujets « sociétaux », visant à saper les fondements de la société classique, comme le PACS, le mariage « pour tous » (« Je ne suis pas pour le mariage des hétéros, et je ne suis pas pour le mariage des homos. C’est clair ça, je suis pour une grand union civile », Canal+, 22 juin 2013), l’adoption par les homosexuels, la gestation pour autrui, la procréation médicale assistée pour les lesbiennes, etc. Le 25 janvier 2013, sur BFM TV, à propos de La Manif pour tous, il commente :
« Évidemment qu’ils sont homophobes, en tout cas pour la plupart d’entre eux. […] Chacun a son bon pédé, comme chacun avait son bon juif. […] Cet humus antisémite, anti-gay et anti tellement de chose est là. »
Dans les faits, Bergé agit en parfait communautariste. Ce qui explique qu’il ait par exemple signé (Libération, 18 mai 2000) la pétition de soutien à l’écrivain Renaud Camus, homosexuel, qui écrivait :
« Les collaborateurs juifs du Panorama de France Culture exagèrent un peu tout de même : d’une part ils sont à peu près quatre sur cinq à chaque émission, ou quatre sur six ou cinq sur sept, ce qui, sur un poste national ou presque officiel, constitue une nette surreprésentation d’un groupe ethnique ou religieux donné ; d’autre part, ils font en sorte qu’une émission par semaine au moins soit consacrée à la culture juive, à la religion juive, à des écrivains juifs, à l’État d’Israël et à sa politique, à la vie des juifs en France et de par le monde, aujourd’hui ou à travers les siècles. »
En juin 2013, après le décès de Clément Méric, il s’en prend encore à La Manif pour tous :
« L’immonde Barjot avait promis du sang, le voila qui éclabousse la démocratie et la République. Cette manif pour tous se rend-elle-compte ? »
Politiquement, il peut compter sur ses relais à gauche. D’abord chez les communistes. Il contribue à la Société des amis de l’Humanité en 1997. Avec Bernard-Henri Lévy, il cornaque le « pote » Fodé Sylla vers le PCF aux élections européennes de 1999. Élections européennes où il a appelé à voter Robert Hue, qui, pour services rendus, demandera à la section PCF du VIe arrondissement de soutenir Pierre Bergé, qui pensa un temps conduire la liste de la Gauche plurielle à Saint-Germain-des-Prés aux élections municipales de 2001.
Mais, en règle générale, Bergé est un proche du Parti socialiste. Il a d’ailleurs soutenu publiquement Bertrand Delanoë en 2001 et 2008. Il a cofondé un club, Le Pari citoyen, avec le maire PS du XXe arrondissement Michel Charzat. Ce fut surtout l’un des plus importants soutiens financiers de Ségolène Royal lors de l’élection présidentielle de 2007. Après le défaite de 2007, il prit même en charge le loyer du siège de Désirs d’avenir (un appartement de 150 m² boulevard Raspail, dans le VIe arrondissement de Paris) :
« Chaque dimanche à 10h pile, il téléphone à Alain Minc. L’un raconte Ségolène, l’autre Sarkozy. »
(Libération, 25 février 2009)
Il connaît en effet Alain Minc depuis 1986, à l’époque où ce dernier était directeur général de Cerus, la société de Carlo De Benedetti. Bergé a également créé et financé l’Association des Amis de Ségolène Royal en février 2008. En 2009, il soutient Vincent Peillon (association L’Espoir à gauche), alors en brouille avec l’ex-candidate et son courant. Pendant la campagne présidentielle il contactera sans succès Xavier Niel pour qu’il soutienne publiquement François Hollande.
Pierre Bergé, pour appuyer sa vision mondialiste, a toujours investi la presse grand public. Il détiendra, à ses débuts, via la société d’investissement Berlys, un tiers des actions de Courrier international, créé par des militants de gauche (animateurs de Priorité à gauche) qui lui ont été présentés par Éric Ghebali, ancien président de l’Union des étudiants juifs de France et tête pensante, avec Julien Dray, de SOS Racisme. C’est sous la direction de Jacques Rosselin (qui travaillera avec Bergé dans tout ce qui touche aux médias) que paraît l’hebdomadaire à partir de novembre 1990. Il financera sur le même modèle Vu du net, hebdomadaire papier à base de sources web. Il échouera en 1996 à reprendre Le Nouvel Économiste face à George Ghosn.
En 2010, il a surtout pris le contrôle du quotidien Le Monde, conjointement avec l’industriel de la téléphonie Xavier Niel et le banquier-vedette de Lazard Matthieu Pigasse (vice-président pour l’Europe), au travers d’une recapitalisation du groupe. Le 15 décembre 2010, Pierre Bergé devient président du conseil de surveillance du Monde SA et de la SEM (Société éditrice du Monde), en remplacement de Louis Schweitzer. Mais l’homme a du mal à réfréner ses ardeurs, n’hésitant pas à intervenir directement dans la rédaction. Ainsi, début mars 2011, dans un courrier électronique adressé au directeur du Monde d’alors, Erik Izraelewicz, il dénonce un article consacré à François Mitterrand, comme « immonde, à charge, digne d’un brûlot d’extrême droite », « une honte, qui n’aurait jamais dû être publié ». Il ajoute :
« Je regrette de m’être embarqué dans cette aventure. Payer sans avoir de pouvoirs est une drôle de formule à laquelle j’aurais dû réfléchir ! Je considère que contrairement à ce que j’ai VOULU et à ce qu’ils prétendent, les journalistes du Monde ne sont pas libres mais prisonniers de leurs idéologies, de leurs règlements de comptes et de leur mauvaise foi. Tout cela est très grave. »
(Rapporté par Le Nouvel observateur, 3 mars 2010)
La publication d’une tribune légèrement critique vis-à-vis du mariage homosexuel entraînera encore une réaction via son compte Twitter (18 août 2012) :
« Quelle drôle d’idée Le Monde à eu de publier l’article d’un certain Kéchichian qui soutient l’Église avec des arguments réacs ! »
Il récidivera quand Le Monde publiera une publicité payante pour La Manif pour tous (11 avril 2013) :
« Cette pub dans Le Monde est tout simplement une honte et ceux qui l’ont acceptée ne sont pas dignes de travailler dans ce journal. À suivre. »
En juillet, devant le conseil de surveillance, qu’il préside, et le directeur de la rédaction de La Vie (ex-catholique), au sujet d’un éditorial défavorable à cette loi, Pierre Bergé est à nouveau menaçant :
« Je ne suis pas obligé de supporter [l’éthique] de La Vie que je combats tous les jours. Oui, je serais heureux que ce journal ne fasse plus partie du groupe. »
Ce qui ne pourrait se faire sans l’aval des deux autres actionnaires majoritaires. Au sein du groupe de presse, les réactions sont vives. Le « pôle d’indépendance », qui regroupe les autres actionnaires, les sociétés des rédacteurs et les sociétés du personnel, « rappelle », dans un communiqué de presse diffusé le lendemain, « que la définition de la ligne éditoriale des titres et sites du groupe est du ressort exclusif des directeurs des rédactions et de leurs équipes rédactionnelles ». Le 3 octobre 2013, Pierre Bergé critique encore sévèrement le supplément littéraire du Monde, estimant qu’on n’y parle pas de livres et avouant préférer celui du Figaro. Le conseil de gérance de la Société des rédacteurs du Monde a alors déploré que Pierre Bergé « tente d’intervenir dans la ligne rédactionnelle du journal par des propos blessants à l’encontre du Monde des livres et de l’ensemble de ses collaborateurs ».
En 1997, ce digne représentant de la « gauche caviar » a racheté la société France Caviar, avant de prendre 49 % des parts dans le capital d’Estudor, caviar qu’il écoule chez Prunier. Il est donc le copropriétaire de Caviar House & Prunier (domicilié à Genève bien que toutes ses activités soient en France), le premier producteur français de caviar. Il a fondé une société de vente d’art à Bruxelles, Pierre Bergé & Associés (2001).
Il a signé quelques essais comme Liberté, j’écris ton nom (Grasset, 1991), publié avec l’aide de son ami Bernard-Henri Lévy, directeur de collection chez Grasset, ou encore L’Affaire Clovis (Plon, 1996), où il assure que Clovis ne s’appelait pas Clovis et qu’il n’a pas été baptisé en 496, L’Inventaire Mitterrand (Stock, 2001), Les Jours s’en vont, je demeure (Gallimard, 2003), Lettres à Yves (Gallimard, 2010), Yves Saint Laurent, une passion marocaine (La Martinière, 2010), etc. Autant d’œuvres impérissables qui ne lui ont pas permis de reprendre, au printemps 2008, le fauteuil de Bertrand Poirot-Delpech à l’Académie française (c’est Jean Clair qui l’emporta).
Pierre Bergé fait du révisionnisme
dans Le Figaro en septembre 1996
dans Le Figaro en septembre 1996
Cet article a été écrit en exclusivité pour Égalité & Réconciliation par la revue Faits & Documents d’Emmanuel Ratier.
Visiter le site de la revue : faitsetdocuments.com.
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