Il y a un peu plus d'un an pourtant, pleines d'espoir, une poignée d'anciennes Lejaby menées par Muriel Pernin, une professionnelle de la communication émue par le sort de ces corsetières, ouvraient leur atelier en embauchant et en formant de jeunes talents. Une ouverture avec le sourire : la perspective du retour de la fabrication française dans un secteur qui avait dû en faire le deuil avait très vite rempli leur carnet de commande. La réponse financière du public à la souscription lancée sur les réseaux sociaux leur avait assuré un bon départ. Et Arnaud Montebourg, à leurs côtés, vantait les vertus du "made in France".
Guillotine
Treize mois plus tard, c'est le désenchantement. Le marché est pourtant là, les commandes tombent. Mais Les Atelières ont épuisé leurs fonds propres sans pouvoir compter sur les aides extérieures promises. Muriel Pernin n'a aujourd'hui pas de mots assez durs pour dénoncer tour à tour la position des banques, celle de la Banque publique d'investissement (BPI) et l'hypocrisie du "made in France" porté en étendard par le gouvernement.
"Dans notre pays, les banques sont plus fortes que la République", crie aujourd'hui haut et fort la présidente des Atelières. "Avec notre argent, elles exécutent chaque jour des dizaines de PME et aujourd'hui, ce sont Les Atelières qui montent à la guillotine."
Si elle est contrainte de demander la liquidation de sa société, c'est qu'il lui manque les 585 000 euros du fonds de revitalisation proposé et soutenu par le préfet du Rhône, mais également par plusieurs grandes entreprises. "Hélas, deux banques s'y opposent, ce qui remet en cause l'ensemble de notre montage financier, regrette-t-elle. C'est d'autant plus rageant que cet argent n'est pas celui des banques, mais celui d'entreprises."
La BPI en prend également pour son grade. Les Atelières pensaient là encore obtenir une aide qui n'est pas venue. "La BPI n'aide que les entreprises qui n'ont pas consommé leurs fonds propres alors que c'est justement quand on a besoin d'aide qu'on se tourne vers elle", relève la chef d'entreprise, "cette clause exclut nombre de PME à potentiel qui ont besoin de temps, la BPI est l'instrument des grands groupes et ne rend pas service aux PME alors que ce sont les PME qui créent l'emploi en France. Ceux qui, comme moi, ont espéré en la BPI ont été leurrés."
"Les personnes valent moins que les robots"
Elle regrette également que la BPI ne reconnaisse que l'innovation technologique et l'intervention d'ingénieurs, alors que Les Atelières travaillent avec les chercheurs de l'Insa sur de l'innovation organisationnelle portée par des ouvrières : "Nous étions en train de mettre au point un modèle à mi-chemin entre la production à la chaîne et l'artisanat, mais ce mode d'innovation n'est pas reconnu par la BPI. Dans notre pays, les personnes valent moins que les robots."
Dans le collimateur de Muriel Pernin pour finir, le discours du made in France porté par le gouvernement et particulièrement le ministre du Redressement productif, qu'elle considère aujourd'hui comme une vaste hypocrisie. Elle a ainsi réalisé que le "made in France" n'était qu'une norme "a minima" qui n'exige pas que le produit ait été entièrement réalisé en France. "Aujourd'hui, les consommateurs sont bernés, quand ils achètent du made in France, ce sont souvent des produits fabriqués à l'étranger et finalisés en France avec une simple étiquette cousue en France", assure-t-elle.
Muriel Pernin fait le constat d'une filière textile française détruite qui ne pourrait se reconstruire que sous l'effet d'une volonté politique forte. Et sincère.
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