Les statistiques de la délinquance à Paris ont été amoindries et maquillées pendant des années au sein de la préfecture de police, accuse un rapport officiel de l'Inspection générale de l'administration, dont l'AFP et Europe 1 ont pu consulter ce lundi des extraits.
Comment les auteurs du rapport ont mis au jour ce système de maquillage des statistiques?
Commandé par le préfet de police de Paris Bernard Boucault en septembre 2012, le rapport de l'Inspection générale de l'administration avait pour objet d'établir un état des lieux des pratiques d'enregistrement des faits de délinquance à Paris et dans la petite couronne. Mais les auteurs de ce rapport, en se plongeant dans les méandres du recueil statistique policier, ont mis à nu un système mis en place depuis plus d'une dizaine d'années et monté en puissance à partir de 2008. Son objectif? Minorer la délinquance.
Comment ce maquillage fonctionnait-il?
Minoration des faits (un cambriolage enregistré comme une dégradation par exemple), report (les services stoppent l'enregistrement des plaintes avant la fin du mois), ou même destruction pure et simple de certains faits, sont pointés comme les principales techniques utilisées. Le rapport évoque près de 16.000 faits de délinquance disparus en 2011 à Paris. A l'époque, la préfecture de police de Paris était dirigée par Michel Gaudin, un fidèle de l'ex-président Nicolas Sarkozy.
Ce système de maquillage était-il circonscrit à Paris ou était-il plus global?
Ce document fait écho à un autre rapport de l'IGA publié en juillet 2013 qui avait conclu à la disparition entre 2007 et 2012 de près de 130.000 faits de délinquance sur l'ensemble du territoire, des «anomalies» que l'IGA attribuait à la politique du chiffre pratiquée sous Nicolas Sarkozy. Ce document accablait déjà la préfecture de police de Paris (PP), les rapporteurs ayant noté que depuis 2006 ou 2007, «perdurait dans la capitale une pratique de report systématique».
Le maquillage des statistiques perdure-t-il?
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a de nombreuses fois attaqué la droite sur la dissimulation de ces chiffres, insistant sur une exigence de transparence.
Mais si ce nouveau rapport confirme bien l'escamotage organisé des statistiques à la PP, un système qui s'est accéléré en 2008, il atteste également de la persistance de mauvaises pratiques dans certains services, au moins jusqu'à l'été 2013, soit un an après l'arrivée de Bernard Boucault nommé par Manuel Valls.«Le rapport note la fin du report. Mais c'est vrai, certains commissaires ont fourni des réponses étonnantes. En fait, il semble difficile pour certains de rompre avec des habitudes qui avaient été établies pendant des années», explique un haut fonctionnaire à la PP. «Mais les consignes données par le préfet sont très claires, ces pratiques, qui ont diminué comme le note le rapport, doivent cesser».
Est-on en passe d'en finir avec ce système?
Le rapport cite l'exemple d'un commissaire parisien reconnaissant qu'il notait sciemment, y compris depuis les nouvelles directives du préfet, toutes les tentatives de cambriolages dans la rubrique des dégradations, afin de «ne pas faire exploser les chiffres». Un commissaire de banlieue parisienne a également expliqué aux rapporteurs classer toutes les tentatives de cambriolages en dégradations lorsqu'il n'y a pas de préjudice car, selon lui, «les magistrats ne poursuivent pas, alors, pourquoi se tirer une balle dans le pied?»
Dans un commissariat parisien, les délits de vente à la sauvette «ne sont plus du tout annexés» depuis février 2013, écrivent les rapporteurs, «en raison de leur volume très élevé». «Cela a été corrigé», a affirmé le haut-fonctionnaire de la PP. Ces anomalies «sont sur le point d’être définitivement réglées», a ajouté ce haut fonctionnaire. Notamment avec le déploiement fin avril d'un nouveau logiciel d'enregistrement.
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