12 février 2014

Revenu de base de 200 euros par mois pour chaque résident de l'UE !


La critique est facile, mais émettre des propositions est bien plus difficile, affirme l'économiste belge et philosophe Philippe Van Parijs sur le blog de la London School of Economics. Il propose d’instituer le versement inconditionnel d’un revenu de base universel de 200 euros pour tous les résidents légaux de l'UE, ou à tout le moins, des Etats membres de la zone euro. Ce revenu modeste, qu’il appelle « eurodividende », pourrait être complémenté par les revenus du travail, du capital et des bénéfices sociaux, et il permettrait d'assurer une répartition plus équitable des « fruits de l'intégration ». Il pourrait être financé par un impôt spécifique qui pourrait être une taxation de 20% de l'assiette de la TVA harmonisée dans toute l'Union européenne, ce qui représenterait environ 10% du PIB total de l'UE :

Pourquoi avons-nous besoin d’un tel programme inédit ? Pour 4 raisons, affirme Van Parijs :

✔ L’Europe n’a pas de mécanismes tampons similaires à ceux que l’on trouve aux USA et qui se substituent à des ajustements de taux de change pour les Etats individuels. Le premier est la migration entre Etats. La proportion de résidents des Etats-Unis qui se déplacent d’un Etat à un autre dans n’importe quelle période donnée est 6 fois supérieure à celle des résidents de l’UE qui se déplacent d’un Etat membre à l’autre. Notre diversité linguistique est une contrainte qui implique qu’il sera difficile d’espérer une intensification des mouvements migratoires.

Le second mécanisme tampon de la zone dollar vient des redistributions entre Etats effectuées par l’Etat providence fédéral. Lorsque le Michigan ou le Missouri souffrent économiquement, entre 20% et 40% de leurs dépenses sociales, sont de facto prises en charge au niveau fédéral. Dans l’UE, les transferts d’ajustement entre les Etats membres comptent pour moins de 1%. Pour être viable, notre union monétaire doit se doter de ses propres mécanismes tampon, et ceux-ci pourraient s’assimiler à un eurodividende.

✔ La diversité linguistique et culturelle du continent européen fait qu’il est compliqué et coûteux pour les communautés de migrer entre les différents Etats-membres. L’intégration dans un nouveau pays est plus longue, elle réclame des ressources sur les plans administratif et éducationnel, et elle crée des tensions plus durables que celles que les citoyens américains ont à subir lorsqu’ils changent d’Etat. Mais si des transferts automatiques, du type d’un eurodividende, étaient prévus du centre de l’Europe vers sa périphérie, les gens n’auraient plus besoin de migrer en aussi grand nombre. L’immigration serait donc plus digérable pour les pays accueillants, et moins affaiblissante pour les pays de la périphérie qui subissent cette fuite des cerveaux.

✔ La libre circulation des capitaux, des biens et des services et des personnes au sein de l’UE amenuise la capacité des Etats à opérer les redistributions qu’ils faisaient par le passé, et qui leur permettaient d’assurer leurs priorités démocratiques, et la solidarité entre leurs citoyens. De plus en plus, ils sont contraints de veiller à leur compétitivité, comme des entreprises, pour attirer les capitaux et les cerveaux, et limitent au maximum leurs dépenses sociales. A moins que l’UE ne mette en place un mécanisme tel que l’eurodividende, les pouvoirs des Etats-providence et leur diversité seront de plus en plus rabotés par la nécessité de cette compétition.

✔ La création d’un eurodividende pourrait renforcer l’attrait de l’Europe pour les citoyens européens, et lui permettre de ne plus être considérée comme une bureaucratie sans cœur.

Van Parijs envisage également les critiques qui pourraient être formulées à l’encontre de son eurodividende :

✔ Pourquoi faire appel à la TVA pour financer un tel mécanisme, et pas à une taxe Tobin, ou une taxation basée sur les revenus, par exemple ? Tout simplement parce que la TVA n’est pas progressive, elle varie assez peu d’un pays à l’autre, ce qui pourrait assurer une certaine égalité de traitement. En outre, comme elle permettrait de lever bien plus de fonds, elle serait plus efficace.

✔ On pourrait faire appel à des dispositifs spécifiquement adaptés à chacune des 4 problématiques qui justifient la création d'un eurodividende. Mais l’eurodvividende aurait le mérite de simplifier et unifier la réponse à apporter à ces 4 raisons, et donc, d’être bien plus facile à gérer.

✔ Enfin, beaucoup objecteront qu’il serait injuste d’allouer des revenus à des gens sans contrepartie. Mais Van Parijs explique que l’eurodividende correspondrait en fait à une juste redistribution des fruits de l’intégration européenne. Actuellement, rien n’est fait pour compenser le citoyen européen du fait qu’il n’y a plus de guerre en Europe, ni de coûts associés ; pour lui reverser une part des gains réalisés par les entreprises en raison de leur concurrence accrue, ou de la plus grande mobilité des facteurs de production pour une plus grande productivité. On ne sait pas quelles sommes ces conséquences de l’intégration européenne ont permis de faire gagner, mais ce que l’on sait, c'est qu’elles ont été réparties de façon très inégale au sein de l’UE. La création d’un eurodividende serait le moyen le plus simple de s’assurer que chaque européen pourrait retirer un bénéfice tangible de ces résultats.

« Est-ce utopique ? Bien sûr, de même que l’Union Européenne elle-même était utopique il n’y a pas encore si longtemps, et autant que l’était le système de sécurité sociale avant que Bismarck n’assemble les premières pierres de sa fondation. Mais le système de pension de Bismarck n’est pas né de ses bons sentiments. Il l’a créé parce que les gens ont commencé à se mobiliser en faveur de réformes radicales dans tout le Reich qu’il tentait d’unifier. Qu’est ce que nous voulons? », conclut Van Parijs.

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