22 mai 2013

Les couvertures de survie...

Je m'amuse souvent à faire des petits sondages auprès de mes élèves et compagnons de crapahutage, en leur demandant ce qu'ils transportent dans leur sac à dos « au cas où ». Je ne parle même pas d'équipement spécialisé ou de trousse de survie complète (pratiquement personne n'en transporte). Outre les classiques flasques d'eau de vie et les trousses de premiers soins diverses et variées, beaucoup de gens me disent fièrement « ben euh... j'ai une couverture de survie » !

En général, deux minutes plus tard ils me détestent...

J'ai un défaut agaçant. J'éprouve un plaisir irrépressible à détruire les mythes en plein vol. Et lorsque ces mythes peuvent coûter la vie à des gens que j'aime bien, j'ai encore moins de pitié... Je m'apprête donc à démolir ici avec méthode et acharnement quelques idées reçues concernant les couvertures de survie. Cela ne signifie pas pour autant que celles-ci n'aient pas leur place dans un « kit » de survie bien pensé. J'en transporte généralement une en forêt, mais en connaissant exactement leurs possibilités... et leurs limites.

Ces couvertures « de survie » — et je parle ici des modèles hyper-légers vendus dans tous les magasins de plein-air — sont très légères, peu encombrantes et peu coûteuses. Popularisées à la fin des années 80, on leur prête des capacités d'isolation étonnantes. « Conservent 80% de la chaleur du corps » est l'argument de vente le plus souvent accolé au produit. Soyons clairs : après m'être pelé le... disons après avoir constaté l'efficacité très limitée desdites couvertures, je suis en mesure d'affirmer qu'elles sont loin de refléter « 80% de la chaleur du corps ». En fait, elles renvoient une petite partie du rayonnement infra-rouge que nous émettons. Je ne sais pas exactement combien, mais je mettrais ma tête à couper que ce n'est pas plus de 40%. Certes, je le concède, d'utiliser un revêtement réfléchissant pour emprisonner les rayons infra-rouges est un concept intelligent et intéressant. Mais si les principes physiques qui sont employés ici sont pertinents, leur mise en application et le format général du produit laissent grandement à désirer, selon moi.

D'abord, avant d'enfourner ces petits paquets de technologie spatiale dans votre sac à dos en pensant vous prémunir contre les caprices de la météo, il faut tenir compte d'une chose importante : Les couvertures de survie ne peuvent pas être utilisées comme couvertures.

Eh non.

Et cela est un fait généralement reconnu par la communeauté des êtres en mal de connaissances qui ont pris le temps d'en déplier une et de s'envelopper dedans. Ces couvertures sont tellement petites qu'elles me font plus ou moins l'effet d'une serviette de toilette.

Autre fait intéressant à noter : ces couvertures de l'espace sont tellement fragiles qu'on les retrouve en lambeaux après seulement quelques heures d'utilisation dans des conditions réelles. La moindre traction les déchire, la moindre branche les transperce. D'ailleurs, même si on réussit à les protéger des déchirures, brûlures et impacts, le revêtement argenté qui les recouvre est tellement fragile qu'il se décolle à la moindre friction. Évidemment, sans ce revêtement métallisé, nos chères amies ne reflètent plus les rayons infra-rouges, et donc perdent leur (déjà maigre) capacité d'isolation. Tant qu'elles sont entières, néanmoins, elles procurent une surface imperméable et donc coupe-vent, ce qui les rend tout de même utiles sans leur revêtement aluminisé.

Inutile de s'asseoir sur ses couvertures en espérant qu'elles couperont le froid du sol. Elles conduisent la chaleur à merveille, et transféreront la chaleur de votre séant vers la roche mère en moins de deux. Parlant de conduction : elles conduisent aussi très bien l'électricité. Le genre de truc qui peut être dangereux par temps orageux, quoi...

Petit détail, mais qui peut avoir son importance tout de même, les couvertures de survie produisent un bruit infernal. Dès qu'on les froisse ou que le vent les fait remuer, elles émettent un bruit d'emballage de barbe-à-papa froissé qui, s'il ne vous rend pas complètement fou, pourra facilement être la goutte d'eau qui... vous empêchera de dormir ou vous empêchera d'entendre beaucoup de choses, y compris un sauveteur qui crie votre nom dans le lointain...

Impossible de déplier ces couvertures avec des gants, et encore moins avec les doigts engourdis par le froid. Elles emmagasinent beaucoup d'électricité statique, ce qui fait que chaque pli, dans l'emballage, adhère sur le suivant, à un tel point qu'il est parfois difficile de les déplier sans les déchirer.

Dernier point, et non des moindres, ces couvertures (tant qu'elles ne sont pas déchirées) sont 100% imperméables, ce qui fait que la moindre humidité ou transpiration se condense sur leur parois, et nous mouille parfois presque autant que la pluie. L'effet direct de cela est que dès que nous enlevons (ou perdons) notre couverture, l'eau qui s'est accumulée sur nos vêtements s'évapore (ou, en hiver, gèle carrément) et nous pompe des quantités démentielles de chaleur. Il faut donc prendre grand soin de les secouer régulièrement. Aussi, il est vital d'éviter de respirer dedans, puisque l'air que nous expirons est presque saturé en vapeur d'eau.

Bref, comme couvertures, ces couvertures laissent plutôt à désirer. Et pour monter des abris et des tentes improvisées, il leur manque la solidité, la durabilité et... des œillets. On peut évidemment en fabriquer en renforçant les coins avec du scotch, mais elles restent fragiles et de déchireront au premier coup de vent. Le seul moyen que j'ai trouvé de rendre ces couvertures réellement utiles dans la lutte contre le froid a été de les utiliser comme doublure imperméable dans un toit de débris... Évidemment elles ne couvrent pas toute la superficie du toit, mais on peut les disposer stratégiquement de manière à ce qu'elles récupèrent à la fois le plus gros de l'eau de pluie qui passe, tout en les laissant réfléter un peu de chaleur de notre corps et du feu (si on a pu en allumer un). Ainsi maintenues par le poids des débris, elles ne risquent plus de s'envoler, elles ne bougent plus beaucoup (et donc ne font plus trop de bruit), et elles ont une durée de vie un peu plus longue.

À force d'entêtement, j'ai tout de même réussi à trouver un moyen d'utiliser efficacement ces couvertures par temps froid pour conserver la chaleur du corps. Le truc est simple, et il fonctionne bien. D'abord, il faut s'asseoir sur une surface isolante (son sac à dos, un bout de matelas de mousse, une corde lovée...) de manière à éviter les déperditions de chaleur par conduction. Ensuite, on serre ses genoux contre son thorax, de manière à former une boule compacte dont la surface d'échanges thermiques sera réduite. Finalement, on s'enveloppe tout entier dans la couverture de survie, en prenant bien soin de la faire passer au-dessus de sa tête. On laisse une petite ouverture devant soi, de manière à pouvoir expirer à l'extérieur de la couverture, évitant ainsi que trop de condensation ne se forme à l'intérieur de ce petit « cocon » improvisé. Dans cette position (qui devient vite inconfortable), on peut conserver sa chaleur très efficacement. On est aussi un peu à l'abri du vent et de la pluie. Le principal avantage de cette méthode est qu'elle permet de se mettre à l'abri très rapidement (en une ou deux minutes), sans devoir se lancer dans la construction d'un abri de fortune.

Par temps très chaud (dans le désert, par exemple), ces couvertures sont capables de repousser une bonne quantité de radiations solaires. En utilisant un peu de ruban adhésif, beaucoup d'ingéniosité et un minimum de créativité, on peut ainsi mettre en place un coin d'ombre particulièrement frais (et qui sera visible à des kilomètres). Ray Jardine (le père de la randonnée ultra-légère) utilise un parapluie recouvert de ces couvertures pour se protéger du soleil avec des résultats surprenants.

Un autre avantage indéniable de ces couvertures est le fait que sous le soleil, elles prennent très vite la forme de miroir de signalisation géant. En tenant l'une de ces couvertures et en l'agitant lentement face au soleil, on peut attirer l'attention efficacement. C'est d'ailleurs dans cet unique but que j'achète de préférence des couvertures de survie dotées d'un côté argenté et d'un côté doré. Les reflets du côté doré sont beaucoup, beaucoup plus visible sur la neige comme sur les cours d'eau.

À moins que vous n'ayiez en poche un diplôme spécialisé de niveau Bac + 47, ne pensez même pas qu'il vous sera possible de replier votre couverture de survie dans son volume d'origine. C'est tout bonnement impossible. Au mieux, on peut arriver à chiffonner ces couvertures en une boule de la taille d'un ballon de volley, qui ne demandera qu'à se déplier et s'envoler.

Les revêtements réfléchissants qui font toute la force de ces couvertures, heureusement, sont disponibles en d'autres formats, plus solides et plus grands. On les trouve ainsi notamment sous forme de bâches de divers formats, ponchos ou même sous forme de couvertures de survie plus solides, qui sont évidemment plus lourdes et plus encombrantes que leur petites sœurs, mais qui pourront vous servir pendant plusieurs nuits, et que vous pourrez replier.

Pour ma part, je transporte en général une couverture de survie légère et un poncho avec côté réflechissant et muni d’œillets. Je peux ainsi utiliser la petite couverture comme réflecteur et comme signal de détresse en cas de besoin, sans pour autant me retrouver sans rien une fois qu'elle sera déchiquetée et transparente... Par principe, de toute manière, je préfère toujours les objets réutilisables aux objets jetables. Simple souci écologique.

Source

2 commentaires:

  1. Intéressant à savoir ! Merci, Paul.

    RépondreSupprimer
  2. bonjour,

    je souhaite intervenir sur ce sujet, il existe plusieurs type de couverture dites de survie, les modèles cités donneront un résultat plus ou moins acceptable selon la fabrication.
    Par contre le modèle que je possède ;de ce type là,
    http://www.usmc-pro.com/COUVERTURE-DE-SURVIE-US-ARMY-Bivouac-et-survie/p/4/5/6746/

    est un modèle plus cher certes mais répond à tous mes besoins, couverture, matelas isolant, tarp de protection, etc ...

    bien à vous

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.