03 avril 2013

Les pauvres vont payer

Le grand plan d'austérité concocté à son arrivée à Downing Street par le gouvernement du conservateur David Cameron entre cette semaine dans une phase cruciale. Comme prévu, de nombreuses aides sociales vont être réduites, ce qui aura pour conséquence de remodeler en profondeur l'Etat-providence britannique. Des mesures qui ne sont pas du goût de l'opposition travailliste, des associations caritatives ou des leaders religieux.

Dans une rare déclaration conjointe, diffusée le dimanche de Pâques, l'Eglise d'Ecosse, l'Eglise protestante unie, l'Union baptiste de Grande-Bretagne et l'Eglise méthodiste ont accusé Downing Street "de systématiquement déformer la représentation des plus pauvres au sein de la société". De faire des catégories les plus modestes une cible facile en ces temps de crise.

Durant tout le mois d'avril, une série de réformes va remettre à plat le fonctionnement des prestations sociales. A la clé, plus de 3 milliards d'euros d'économies par an, selon les calculs de l'association Child Poverty Action Group.

"TAXE SUR LA CHAMBRE À COUCHER"

Pour cela, le gouvernement n'indexera plus les allocations sur l'inflation (actuellement 2,8 %) et ne les augmentera que de 1 % par an pendant trois années. L'accès aux allocations handicapées va aussi être fortement durci. Mais l'essentiel des réformes concerne trois importants changements.

Le premier est surnommé la "taxe sur la chambre à coucher" par ses opposants : les Britanniques logeant en HLM, et qui disposent d'une chambre vide, vont subir une baisse de 14 % de leurs aides au logement. L'objectif est de pousser ces habitants à déménager dans de plus petits appartements, afin de reloger les familles entassées dans des logements sociaux exigus.

La réforme a suscité une vive controverse, car les enfants d'un même foyer sont censés partager la même chambre : s'ils ont chacun la leur, cela compte comme une pièce vide. De plus, beaucoup de personnes âgées, qui ont vécu l'essentiel de leur vie dans un même appartement mais dont les enfants ont quitté le cocon familial, ne comprennent pas cette obligation de partir de chez eux.

La deuxième réforme au coeur de la polémique est la création d'un plafond maximum d'allocations sociales que les foyers ne pourront franchir : aucune famille ne pourra toucher plus de 2 500 euros par mois d'aides sociales, l'équivalent de ce que gagne un foyer moyen en Grande-Bretagne.

Le montant peut paraître important, mais il est dépassé dans près de 100 000 cas au Royaume-Uni. En majorité, il s'agit de parents célibataires, sans emploi, avec plusieurs enfants à charge, qui vivent à Londres, là où les loyers sont chers. En moyenne, ils perdront 450 euros par mois.

UNE SEULE AIDE AUX CHÔMEURS

Ces deux modifications ne seront cependant qu'un amuse-gueule avant la principale réforme, sur laquelle le gouvernement travaille depuis trois ans : six différentes aides pour les chômeurs vont être fusionnées en une seule. Un projet-pilote va débuter fin avril, avant d'être étendu à tout le pays en octobre. Avec comme principe qu'il ne soit jamais désavantageux financièrement de reprendre un emploi.

Ces changements viennent rappeler que, contrairement à une idée reçue, il existe un système d'aides sociales relativement développé au Royaume-Uni, beaucoup plus proche du modèle européen que du système américain. Le pays dépense en effet près du quart de son PIB en aides sociales publiques, à peu près la moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économiques.

Mais ce phénomène fait débat. Les "scroungers" (parasites) qui vivent au crochet de la société sont fréquemment vilipendés par la presse tabloïd et l'aile droite des conservateurs. "Quand des milliers de personnes gagnent plus en vivant d'allocations sociales que des familles qui travaillent dur, il y a quelque chose qui ne va pas", estime Chris Grayling, le secrétaire d'Etat à l'emploi.

C'est cette rhétorique que les Eglises ont condamnée dans leur déclaration conjointe. Elles rappellent que la majorité des pauvres au Royaume-Uni ont un travail, et que les cas de profiteurs abusant du système restent relativement rares. "La logique de la baisse des allocations sociales donne l'impression que les pauvres mériteraient leur pauvreté, que ce sont des gens inférieurs", regrette Paul Morrison, de l'Eglise méthodiste.

Eric Albert
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2 commentaires:

  1. Comme d'hab, dans la GB monarchique et ultra-libérale gouvernée par la "City", on fait payer les pauvres...

    Pour l'instant la prise de conscience de la perversité intégrale des élites (l'Establishment) Britannique ne semble pas progresser, ou si peu. L'état déploie des drones pour surveiller la population, et déploie aussi des drones Britanniques pour tuer en Afghanistan, comme la CIA. Un entraînement fort utile pour mater la population des îles Britanniques sous peu...Des centaines de millions sont détournés du pays pour abreuver les rebelles Jihadistes en Syrie en armes, munitions et formations.

    Bien sûr, la France de Fabius, Valls et Porcinet suit le même chemin...un peu à la traîne. On se limite à utiliser les caméras fixes pour surveiller et pour verbaliser dans nos villes...

    L'ami Pierrot

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  2. Une taxe pour "chambre de trop"... Et pourquoi pas l'obligation de loger les familles sans abri dans les nombreuses résidences secondaires luxueuses et vides de ceux qui 'ont tout' ? Cherchez l'erreur !

    Quant à cette phrase "Quand des milliers de personnes gagnent plus en vivant d'allocations sociales que des familles qui travaillent dur, il y a quelque chose qui ne va pas", je suis tout à fait d'accord avec elle. Mais n'est-ce-pas l'échelle des salaires ( c'est-à-dire l'établissement du salaire de base ) qui est à incriminer, ainsi que l'accès à l'emploi, au lieu de mettre la responsabilité de tout ça sur le dos des gens ?
    Il est normal que les gens profitent de ce qu'on leur offre. Mais il est anormal qu'un gouvernement se débrouille pour que les gens soient dépendants de ce qu'il offre (et qu'il reprend quelque temps après.)

    A mon sens également, il serait peut-être bon que l'allocation chômage soit plafonnée. Pourquoi certaines personnes au chômage vivent-elles avec plus de 2500 euros par mois, alors que leur conjoint travaille et gagne bien sa vie (je connais des gens dans ce cas), et que d'autres ne touchent plus rien du tout ou presque rien ? Pourquoi un cadre au chômage touche-t-il plus qu'un ouvrier qui travaille 35 heures ? ("parce que sinon, je serais obligé de vendre ma résidence secondaire", m'a répondu un jour quelqu'un qui était dans ce cas...)

    C'est un peu le monde à l'envers, non ?...

    Mais je suis certainement mal placée pour évaluer tout cela. Et puis, les lois sont faites par des gens riches. Ils se préservent donc lorsqu'ils les votent.

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