Officiellement, d'ailleurs, ce dossier n'existe pas. Pire que s'il était couvert par un secret d'Etat. La direction des douanes ne répond pas. Le ministère du Budget cherche des "éclaircissements".
Fatal: pendant plus d'un an et demi et jusqu'en avril 2012, des "passeurs" tunisiens ont bel et bien fait transiter par plusieurs aéroports français -Nice, Marseille, Orly, Roissy Charles-de-Gaulle- des quantités d'or extravagantes sans que nul ne s'y oppose.
Un butin trouble qui, in fine, a disparu dans la nature... au Proche-Orient. Et, mercredi dernier, surprise: alors qu'on pensait le trafic terminé, une nouvelle "muse" tunisienne, sur le vol Djerba-Nice, a passé douze kilos en lingots d'or à l'aéroport.
"De l'or, on n'en voit jamais, mais alors jamais, passer! confirme un douanier, niçois cette fois. Du coup, la troisième fois qu'un Tunisien est venu spontanément nous dire qu'il était porteur de 10, 20 voire 40 kilos en lingots, on s'est dit qu'il devait y avoir un... petit problème. Quand on a su que c'était pareil à Marseille et Paris, on a fait remonter l'info. Il ne nous a jamais été demandé d'intervenir."
Frustration? Le mot est faible. Elle est, il est vrai, à replacer dans le contexte. En janvier 2011, la Révolution de jasmin triomphe à Tunis. Ben Ali fuit avec son clan.
Le 17 janvier, une fuite de l'Elysée révèle que Leila Trabelsi, la "reine de Carthage" et épouse du dictateur, aurait soustrait 1,5 tonne d'or des réserves de la banque centrale tunisienne. Par ailleurs, reconnaissant la Révolution de jasmin, la plupart des démocraties occidentales -dont la France- gèle les avoirs de Ben Ali et de ses proches.
Et c'est à ce moment-là que les premiers passeurs font leur apparition. Coïncidence? Ces lingots font-ils partie de ces "biens mal acquis des dictateurs africains et arabes" qui font l'objet d'une enquête judiciaire, instruite par le juge Le Loire à Paris?
"Mini Fort Knox"
La question pourrait rester sans réponse. La combine permettant l'exfiltration totalement illégale de Tunisie de ce "mini Fort Knox" de 1,8 tonne d'or était techniquement parfaite.
L'or est, en effet, considéré dans l'UE comme "une marchandise comme une autre". Simplement soumise à une obligation déclarative.
Les ordonnateurs de ce trafic sans précédent maîtrisaient parfaitement ce paramètre. A chacun des quelque cent cinquante passages qui eurent lieu sur des vols directs entre Tunis et Marseille, Nice ou les deux aéroports de Paris, les "mules tunisiennes" s'empressaient donc d'aller spontanément, dès la descente d'avion, déclarer leur butin aux douaniers et expliquer, billets d'avion à l'appui, qu'ils n'étaient de toute façon qu'en transit. Leur destination finale était systématiquement la même: soit Istanbul, soit Dubaï.
Deux à cinq passages par semaine
Une simple déclaration pour solde de tout compte, et hop l'or si trouble pouvait passer. Sauf que la fréquence des "passages", les quantités et surtout l'origine très mystérieuse de ces lingots incitèrent très vite les douaniers de terrain à Nice, Marseille et Paris à saisir le Golt, Groupe opérationnel de lutte contre le terrorisme de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).
En vain? Le trafic continua, sans obstruction aucune, au rythme de deux à cinq passages par semaine jusqu'en avril 2012!
Le comble dans ce dossier, c'est que, pendant ce temps, en Tunisie, on vit à une ou deux reprises (le 21 mars 2011 notamment) M. Jalloul Ayed, ministre des Finances tunisien, féliciter à grand renfort de publicité ses fonctionnaires de l'aéroport de Tunis-Carthage... pour avoir effectué une saisie qu'il croyait record de lingots d'or: 13,4 kilos! Tel était le butin dissimulé dans ses bagages par un Tunisien qui s'apprêtait à pendre un vol pour Istanbul... . Celui-ci, au moins, ne passa jamais par Nice, Marseille ou Paris!
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