Depuis plus de deux ans, Chloé évite de sortir sa carte d'identité. Il y est écrit qu'elle s'appelle Wilfrid et qu'elle est un homme. Or, depuis le 16 janvier 2010 – c'était un dimanche, elle s'en souvient bien – elle a décidé de "montrer à l'extérieur ce qu'elle est à l'intérieur", et de devenir physiquement la femme qu'elle a toujours estimé être. Chloé est transsexuelle, et c'est à 40 ans qu'elle a décidé de sauter le pas et d'aller jusqu'au bout de ce que les psychiatres ont diagnostiqué chez elle comme une "dysphorie de genre". Ultime étape de sa "transition", elle saura le 16 octobre si la cour d'appel de Rennes l'autorise à changer d'état civil et à devenir "Madame" Chloé.
Mais son dossier a une particularité : elle est mariée depuis quinze ans à une femme et est père de trois enfants. Reconnaître le sexe féminin de Chloé reviendrait de facto à reconnaître dans le même temps le mariage homosexuel et l'homoparentalité. Et si le gouvernement a annoncé qu'il présenterait un projet de loi sur l'ouverture du mariage aux homosexuels d'ici à la fin octobre, le droit français ne reconnaît pas pour l'instant le mariage entre deux personnes du même sexe.
C'est sur ce fondement que Chloé a vu sa demande rejetée par le tribunal de grande instance de Brest en janvier. "Le juge était affolé, il a cru qu'on allait tirer profit de son jugement, qu'on allait instrumentaliser sa décision pour faire reconnaître le mariage homosexuel", souligne Me Emmanuel Ludot, l'avocat de Chloé. "L'arrêt de la cour d'appel ne créerait pas de jurisprudence, mais un précédent, et les couples homosexuels voulant se marier seraient en droit de dire : 'Alors, à Rennes les homosexuels sont mariés, mais pas ailleurs en France ?'", analyse l'avocat, avant d'ajouter : "Le juge ne conteste absolument pas sa féminité. Le changement d'état civil de Chloé aurait été une formalité sans cette question du mariage."
Mais pour Chloé, pas question de reculer sur ce point : le mariage qui l'unit à son épouse, Marie, est l'assurance d'une protection pour ses enfants. Elle pourrait envisager le divorce si elle était sûre que ses droits parentaux ne seraient pas remis en question, une fois le changement d'état civil opéré. "Je veux le beurre, l'argent du beurre, et tout le reste", affirme-t-elle.
"UNE" PAPA
Pour parler de son transsexualisme, Chloé évoque des films comme Ma vie en rose, un film belge d'Alain Berliner, sorti en 1997, qui raconte la vie d'un petit garçon persuadé d'être une petite fille. Pour faire comprendre sa situation, elle relate des anecdotes de la vie quotidienne, comme ce dialogue avec des policiers auprès de qui elle déposait plainte après le vol de ses papiers d'identité :"Vous vous fichez de moi, madame ? Prouvez-moi que vous êtes un homme." Ou quand elle s'est présentée pour la première fois à son travail, dans l'aviation civile, habillée en femme, malgré les réticences de sa hiérarchie qui ne voulait pas "choquer les collègues".
Après trente ans d'interrogations et plusieurs années de dépression, elle retient de toutes ces épreuves "une grande libération", celle d'être enfin considérée comme une femme. Le processus aura été long. Après une adolescence passée dans la bibliothèque municipale de Tours à essayer de trouver dans les livres la réponse à son mal-être, Chloé – Wilfrid à l'époque – rencontre Marie au début des années 1990. En 1997, elles se marient, alors que Marie attend leur premier enfant. Treize ans de mariage et deux autres enfants plus tard, Marie finit par avouer à son époux qu'elle est homosexuelle. Chloé saisit l'occasion pour faire elle aussi son coming-out. "Marie dit toujours qu'on ne s'est pas choisies par hasard." Son premier réflexe est alors d'aller voir des pédopsychiatres pour savoir quelle marche suivre, puis de prévenir les instituteurs et les parents d'élèves de l'école de ses enfants. Aujourd'hui, ils ont 15, 12 et 8 ans, et ils ont eux-mêmes décidé de témoigner au tribunal, en faveur de leur père. "Ils disent 'une' papa, et ça ne dérange personne", sourit Chloé.
Commence alors la transition proprement dite. Au lieu de s'inscrire dans le protocole officiel reconnu et remboursé par l'Etat, elle décide de choisir elle-même ses médecins. Psychologue, psychiatre, endocrinologue, chirurgien : les rapports d'expertise de tous ces professionnels seront exigés par le tribunal lors du changement d'état civil. Sous l'effet des hormones et avant même l'opération, son corps commence à se transformer, et le changement de sexe devient irréversible. Aux yeux de la loi, cette condition suffit à légitimer un changement d'état civil.
TROUBLE À L'ORDRE PUBLIC
Mais Chloé veut aller jusqu'au bout : pour changer de sexe, elle décide de se rendre en Thaïlande, où deux chirurgiens internationalement connus pour leur savoir-faire pratiquent plusieurs centaines de vaginoplasties par an. Billets d'avion, traducteur et opération : le voyage tout compris lui coûte 10 000 euros. En France, elle n'aurait pas eu à débourser un centime, mais l'opération aurait été menée en deux fois, par des chirurgiens dont ce n'est pas la spécialité, et pour un coup total d'environ 90 000 euros. Le 15 décembre 2011, alors qu'elle se remet de son opération en Thaïlande, elle apprend que le juge a rejeté sa demande de changement d'état civil, en dépit de l'avis favorable émis par la procureure. "C'est la douche froide."
En appel, quelques mois plus tard, le 25 juin, le réquisitoire du procureur se fait plus violent. "D'après lui, il était inadmissible de changer de sexe en ayant des enfants. Pour lui, le mariage entre deux personnes du même sexe était quelque chose d'extrêmement grave, un trouble à l'ordre public", se rappelle Chloé avec colère. Ayant eu le réquisitoire entre les mains quelques jours avant l'audience, elle harcèle le tribunal de grande instance de Rennes, appelle le procureur. "Je n'accepte pas d'être traitée comme une criminelle, se justifie-t-elle. Le vrai trouble à l'ordre public, c'est quand ma carte d'identité m'empêche de voter à l'élection présidentielle, parce que je ne ressemble plus à un homme." D'après elle, plusieurs dispositions juridiques pourraient aider les transsexuels en période de transition, comme l'attribution de papiers temporaires, par exemple.
QUESTION DE JURISPRUDENCE
En août, elle écrit un courrier au premier ministre du nouveau gouvernement socialiste pour expliquer sa situation, détaillant les absurdités quotidiennes que lui valent son "identité qui ne [lui] sert à rien aujourd'hui et qui ne [lui] apporte que des désagréments". On lui répond que son courrier a été transféré à la garde des sceaux, Christiane Taubira. Quelques jours plus tard, le gouvernement annonce qu'il va se pencher sur une loi ouvrant le mariage à tous, et avance la date du vote de la loi. Chloé ne peut s'empêcher d'y voir un signe.
Elle ne se fait pas d'illusions pour autant. Elle n'est pas la première à interroger le mariage homosexuel. En 2003, le tribunal de Caen a accordé son changement d'état civil à Coralie, une transsexuelle mariée à une femme. Mais la mention de son nouveau sexe n'a été portée que sur son acte de naissance. Après un nouveau procès, deux ans plus tard, elle obtient de faire changer son prénom sur l'acte de mariage, mais pas son sexe. Aujourd'hui, une identité hybride figure sur son acte de mariage, avec l'assentiment de la loi. Mais étonnamment, l'affaire n'a pas été portée au Journal officiel, et n'a donc aucun statut jurisprudentiel.
D'après Me Ludot, "les magistrats vont être prudents car on est dans l'antichambre de la Cour de cassation, et le projet Taubira est sur les rails, donc ils ne prendraient pas un grand risque à accorder son changement d'état civil à Chloé". Mais cette dernière ne sait pas encore si elle ira en Cassation en cas de refus : "C'est la galère au quotidien de ne pas avoir ses papiers, mais je ne veux pas pour autant tirer un trait sur ma vie." "Mon combat, c'est aussi de reconnaître le fait qu'un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans", ajoute-t-elle, consciente des répercussions que pourrait avoir son jugement.
Delphine Roucaute
Source
Mais son dossier a une particularité : elle est mariée depuis quinze ans à une femme et est père de trois enfants. Reconnaître le sexe féminin de Chloé reviendrait de facto à reconnaître dans le même temps le mariage homosexuel et l'homoparentalité. Et si le gouvernement a annoncé qu'il présenterait un projet de loi sur l'ouverture du mariage aux homosexuels d'ici à la fin octobre, le droit français ne reconnaît pas pour l'instant le mariage entre deux personnes du même sexe.
C'est sur ce fondement que Chloé a vu sa demande rejetée par le tribunal de grande instance de Brest en janvier. "Le juge était affolé, il a cru qu'on allait tirer profit de son jugement, qu'on allait instrumentaliser sa décision pour faire reconnaître le mariage homosexuel", souligne Me Emmanuel Ludot, l'avocat de Chloé. "L'arrêt de la cour d'appel ne créerait pas de jurisprudence, mais un précédent, et les couples homosexuels voulant se marier seraient en droit de dire : 'Alors, à Rennes les homosexuels sont mariés, mais pas ailleurs en France ?'", analyse l'avocat, avant d'ajouter : "Le juge ne conteste absolument pas sa féminité. Le changement d'état civil de Chloé aurait été une formalité sans cette question du mariage."
Mais pour Chloé, pas question de reculer sur ce point : le mariage qui l'unit à son épouse, Marie, est l'assurance d'une protection pour ses enfants. Elle pourrait envisager le divorce si elle était sûre que ses droits parentaux ne seraient pas remis en question, une fois le changement d'état civil opéré. "Je veux le beurre, l'argent du beurre, et tout le reste", affirme-t-elle.
"UNE" PAPA
Pour parler de son transsexualisme, Chloé évoque des films comme Ma vie en rose, un film belge d'Alain Berliner, sorti en 1997, qui raconte la vie d'un petit garçon persuadé d'être une petite fille. Pour faire comprendre sa situation, elle relate des anecdotes de la vie quotidienne, comme ce dialogue avec des policiers auprès de qui elle déposait plainte après le vol de ses papiers d'identité :"Vous vous fichez de moi, madame ? Prouvez-moi que vous êtes un homme." Ou quand elle s'est présentée pour la première fois à son travail, dans l'aviation civile, habillée en femme, malgré les réticences de sa hiérarchie qui ne voulait pas "choquer les collègues".
Après trente ans d'interrogations et plusieurs années de dépression, elle retient de toutes ces épreuves "une grande libération", celle d'être enfin considérée comme une femme. Le processus aura été long. Après une adolescence passée dans la bibliothèque municipale de Tours à essayer de trouver dans les livres la réponse à son mal-être, Chloé – Wilfrid à l'époque – rencontre Marie au début des années 1990. En 1997, elles se marient, alors que Marie attend leur premier enfant. Treize ans de mariage et deux autres enfants plus tard, Marie finit par avouer à son époux qu'elle est homosexuelle. Chloé saisit l'occasion pour faire elle aussi son coming-out. "Marie dit toujours qu'on ne s'est pas choisies par hasard." Son premier réflexe est alors d'aller voir des pédopsychiatres pour savoir quelle marche suivre, puis de prévenir les instituteurs et les parents d'élèves de l'école de ses enfants. Aujourd'hui, ils ont 15, 12 et 8 ans, et ils ont eux-mêmes décidé de témoigner au tribunal, en faveur de leur père. "Ils disent 'une' papa, et ça ne dérange personne", sourit Chloé.
Commence alors la transition proprement dite. Au lieu de s'inscrire dans le protocole officiel reconnu et remboursé par l'Etat, elle décide de choisir elle-même ses médecins. Psychologue, psychiatre, endocrinologue, chirurgien : les rapports d'expertise de tous ces professionnels seront exigés par le tribunal lors du changement d'état civil. Sous l'effet des hormones et avant même l'opération, son corps commence à se transformer, et le changement de sexe devient irréversible. Aux yeux de la loi, cette condition suffit à légitimer un changement d'état civil.
TROUBLE À L'ORDRE PUBLIC
Mais Chloé veut aller jusqu'au bout : pour changer de sexe, elle décide de se rendre en Thaïlande, où deux chirurgiens internationalement connus pour leur savoir-faire pratiquent plusieurs centaines de vaginoplasties par an. Billets d'avion, traducteur et opération : le voyage tout compris lui coûte 10 000 euros. En France, elle n'aurait pas eu à débourser un centime, mais l'opération aurait été menée en deux fois, par des chirurgiens dont ce n'est pas la spécialité, et pour un coup total d'environ 90 000 euros. Le 15 décembre 2011, alors qu'elle se remet de son opération en Thaïlande, elle apprend que le juge a rejeté sa demande de changement d'état civil, en dépit de l'avis favorable émis par la procureure. "C'est la douche froide."
En appel, quelques mois plus tard, le 25 juin, le réquisitoire du procureur se fait plus violent. "D'après lui, il était inadmissible de changer de sexe en ayant des enfants. Pour lui, le mariage entre deux personnes du même sexe était quelque chose d'extrêmement grave, un trouble à l'ordre public", se rappelle Chloé avec colère. Ayant eu le réquisitoire entre les mains quelques jours avant l'audience, elle harcèle le tribunal de grande instance de Rennes, appelle le procureur. "Je n'accepte pas d'être traitée comme une criminelle, se justifie-t-elle. Le vrai trouble à l'ordre public, c'est quand ma carte d'identité m'empêche de voter à l'élection présidentielle, parce que je ne ressemble plus à un homme." D'après elle, plusieurs dispositions juridiques pourraient aider les transsexuels en période de transition, comme l'attribution de papiers temporaires, par exemple.
QUESTION DE JURISPRUDENCE
En août, elle écrit un courrier au premier ministre du nouveau gouvernement socialiste pour expliquer sa situation, détaillant les absurdités quotidiennes que lui valent son "identité qui ne [lui] sert à rien aujourd'hui et qui ne [lui] apporte que des désagréments". On lui répond que son courrier a été transféré à la garde des sceaux, Christiane Taubira. Quelques jours plus tard, le gouvernement annonce qu'il va se pencher sur une loi ouvrant le mariage à tous, et avance la date du vote de la loi. Chloé ne peut s'empêcher d'y voir un signe.
Elle ne se fait pas d'illusions pour autant. Elle n'est pas la première à interroger le mariage homosexuel. En 2003, le tribunal de Caen a accordé son changement d'état civil à Coralie, une transsexuelle mariée à une femme. Mais la mention de son nouveau sexe n'a été portée que sur son acte de naissance. Après un nouveau procès, deux ans plus tard, elle obtient de faire changer son prénom sur l'acte de mariage, mais pas son sexe. Aujourd'hui, une identité hybride figure sur son acte de mariage, avec l'assentiment de la loi. Mais étonnamment, l'affaire n'a pas été portée au Journal officiel, et n'a donc aucun statut jurisprudentiel.
D'après Me Ludot, "les magistrats vont être prudents car on est dans l'antichambre de la Cour de cassation, et le projet Taubira est sur les rails, donc ils ne prendraient pas un grand risque à accorder son changement d'état civil à Chloé". Mais cette dernière ne sait pas encore si elle ira en Cassation en cas de refus : "C'est la galère au quotidien de ne pas avoir ses papiers, mais je ne veux pas pour autant tirer un trait sur ma vie." "Mon combat, c'est aussi de reconnaître le fait qu'un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans", ajoute-t-elle, consciente des répercussions que pourrait avoir son jugement.
Delphine Roucaute
Source
Paul : mais dans quel monde vivons-nous, pourquoi toutes ces complications, la langue française permet encore d’appeler un chat un chat, nous savons parfaitement définir un homme et une femme. Un transsexuel doit s'appeler un transsexuel ou transsexuelle, un homosexuel un homosexuel ou homosexuelle. Ecrivons-le sur l'état civil (pas sur la carte d'identité) et il n'y aura plus aucune confusion des genres. Comme chacun se bat pour être reconnu pour ce qu'il pense être, il n'y n'y aura ainsi plus aucun flou ou stigmatisation. Mais un transsexuel ne sera jamais un femme à part entière et un homosexuel une femme.
Nous pourrons avoir une transsexuelle, initialement femme qui a adopté le "type masculin", mariée avec une homosexuelle, initialement femme, qui se ressent psychiquement de "type féminin". Pas forcément simple pour les enfants, mais précis.
Afin de ne pas stigmatiser les homosexuels et les transsexuels, il ne figurerait plus sur la carte d'identité que le "type sexuel", masculin ou féminin. Ouf, pas simple ce monde finissant...
Pas simple du tout, effectivement.
RépondreSupprimerC'est un cas exemplaire, caricatural, des dérives de la société pour le profit exclusif de cas très très particuliers et marginaux.
RépondreSupprimerLa démocratie, normalement, fait en sorte d'avoir des lois qui répondent à l'intérêt général, et pas à court terme...
Quand on lit que :
"Je veux le beurre, l'argent du beurre, et tout le reste", affirme-t-elle.
On voit de quoi il retourne.
La dérive perverse de la société, pour en détruire les fondements, se poursuit avec ce genre de "cas d'école", on avait déjà la "Théorie du genre sexuel" imposée dans l'éducation nationale par Luc Chatel (apôtre de Sarko-pathe), à présent Flamby 1° roi de France veut imposer sans débat ni référendum le "Mariage pour tous".
Les Élites pédophiles et homosexuelles ont gagné. Lire l'histoire de Jimmy Savile, Lord, prédateur sexuel (de mineures et de mineurs aussi) dont les médias anglais nous parlent. Un autre "cas d'école".
http://www.huffingtonpost.fr/2012/10/04/jimmy-savile-pedophilie-itv-reportage-bbc_n_1938454.html
Liberté, liberté, quand tu nous tiens...ça me rappelle ce qui est dit sur l'ultralibéralisme économique (règle d'or de ce monde) :
"Le libéralisme, c'est comme de lâcher un renard libre dans un poulailler libre". Que le plus compétitif gagne...
L'ami Pierrot
Ah ce bon dieu de saturne !
RépondreSupprimersaturne ,
le torpilleur
des lemniscates cérébrales va s'en donner à coeur joie !
non ?
tant pis pour ceux qui veulent pas entendre .