Au lendemain de la Première guerre mondiale, le monde musulman est contrôlé par deux pays colonisateurs : la France et la Grande-Bretagne. On peut toutefois relever que l’Arabie Saoudite échappe à leur contrôle au grand désespoir du Parlement de Westminster qui se rend compte qu’il a laissé échapper un territoire véritable éponge à pétrole pour le plus grand profit des compagnies pétrolières américaines.
Au lendemain du choc de la Seconde guerre mondiale, une ère nouvelle s’ouvre en faveur de l’indépendance du monde musulman. Du Maroc jusqu’au Pakistan, des Etats semblent échapper à leurs anciens colonisateurs. Il n’empêche que certains d’entre eux sont restés dans le viseur des intérêts anglo-américains en raison d’intérêts pétroliers et de la mainmise de certaines matières premières. On peut dater cette collusion à la rencontre entre le président Roosevelt et le représentant saoudien Ibn Saoud en février 1945 conduisant au « Pacte de Quincy ». De ce pacte, il est décidé que les Etats-Unis accorderont une totale protection à l’Arabie Saoudite contre toute menace. Inversement, Ryad garantit l’approvisionnement en pétrole aux Etats-Unis. Outre ce point, des éléments concernant le partenariat économique et financier sont venus se greffer à l’accord énergétique.
L’intérêt anglo-saxon aux zones pétrolifères ne se dément pas avec l’Iran de Mossadegh. Par le biais de l’Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), la Grande-Bretagne pesait dans la vie politique et économique de l’Iran. Les Britanniques bénéficiaient du contrôle des territoires Sud iraniens riches en pétrole. Les profits dégagés allaient droit dans les caisses de cette compagnie anglaise détenue à 53% par le gouvernement de Londres. Seuls 8 % des profits nets allaient directement au gouvernement iranien qui, face à un tel déséquilibre, demanda une remise à niveau d’au moins 50-50 entre les partis[1]. Cette proposition déplût fortement à la compagnie pétrolière qui, soutenue en sous-main par le gouvernement anglais, affichait un refus complet de modifier la donne en faveur des Iraniens ou du moins d’établir une meilleure répartition des profits. Cependant, la situation change avec Mohamed Mossadegh. Fort d’une longue activité dans la politique, il est fin 1949 à la tête de la commission parlementaire chargée des affaires pétrolières prônant la nationalisation du pétrole tout en dédommageant l’AIOC. Il garantit à la Grande-Bretagne le même niveau d’approvisionnement tout en conservant le personnel britannique de la compagnie. La nationalisation de la compagnie pétrolière fut effective le 28 avril 1951 par un vote du parlement iranien. Ce vote se fit la veille de l’arrivée au poste de Premier ministre de Mossadegh. Les tentatives anglo-saxonnes pour l’obliger à faire marche arrière se multiplient en particulier quand le gouvernement britannique présente l’affaire à la Cour mondiale d’arbitrage[2]. Ayant une formation de juriste, Mossadegh plaide directement la cause iranienne et remporte la mise. L’Angleterre ne pouvait pas laisser passer cet affront. En août 1953, les services spéciaux britanniques en liaison avec la CIA décidèrent de renverser Mossadegh dans le cadre de l’opération AJAX. Ce fut un succès complet. Mossadegh fut renversé, le Shah d’Iran rétabli dans ses prérogatives avec la bénédiction anglo-américaine jusqu’en 1979 et les privilèges de l’AIOC rétablis …. Rule Britannia. En tout cas, l’intervention des Anglo-Saxons fut reconnue officiellement par la Secrétaire d’Etat Madeleine Albright qui, le 17 mars 2000, rappela l’action déterminante de l’administration Eisenhower dans cette affaire[3].
Le rappel des initiatives anglo-saxonnes dans cette région est nécessaire pour mieux saisir les objectifs profonds animant ces élites en liaison avec Israël. Dans cette affaire, le grand « manitou » oeuvrant en faveur d’une refonte généralisée du monde musulman s’appelle Bernard Lewis. Ce Juif anglais naturalisé américain est un grand spécialiste du monde musulman. Ayant servi dans les services secrets britanniques, cet islamologue de réputation mondiale et professeur honoraire à l’université de Princeton a influencé les néo-conservateurs américains. C’est lui qui est à l’origine de l’expression « choc des civilisations » (clash of civilizations) en 1957[4]. Selon lui, les musulmans sont eux seuls responsables de leur déclin. Le renouveau ne peut venir que d’eux en intégrant les valeurs occidentales. Son action s’est développée en liaison avec Zbigniew Brzezinski (conseiller du président Obama) en particulier dans l’élaboration du principe de « l’arc de crise » en partant de la corne de l’Afrique jusqu’au continent indien (crescent of crisis). Les deux compères ont élaboré le principe de balkanisation du monde musulman afin de constituer une zone d’instabilité aux frontières et dans les zones musulmanes de l’Union soviétique. Le projet fut officiellement présenté par la revue américaine Time le 15 janvier 1979[5]. Il s’agissait d’instrumentaliser l’Islam pour l’opposer au communisme soviétique. Ces mesures inspirées par Bernard Lewis furent présentées en 1979 lors de la réunion du Bilderberg en Autriche. Elles soulignaient la nécessité de favoriser la balkanisation du monde musulman en une multitude d’entités religieuses et ethniques (kurdes, arméniennes, maronites, etc)[6]. Sa passion en faveur d’une fragmentation généralisée du monde musulman s’est poursuivie au lendemain de la chute du mur de Berlin et du bloc soviétique afin de s’adapter à la nouvelle donne du nouvel ordre mondial lancée par le président Bush senior le 11 septembre 1990. En 1992, dans la revue du Council on Foreign Relations (CFR), Foreign Affairs, il rappela dans un article intitulé « repenser le Proche-Orient », que ces pays ne bénéficiant pas d’autorité politique solide et d’une réelle identité nationale seraient modelables grâce au principe de la « libanisation » (lebanonization)[7].
Les liens et les influences entre Bernard Lewis et les néo-conservateurs sont multiples. Ainsi, cet islamologue sut promouvoir son idéal du « choc des civilisations » en soutenant les théories de Samuel Huntington. Ce dernier a repris à son compte les théories de son maître en publiant en 1993 un article intitulé « Le choc des civilisations » dans la revue Foreign Affairs[8]. Rappelant l’évolution de l’Occident avant 1789, de 1789 à 1918 puis de 1918 à 1989, il estime qu’une nouvelle étape est franchie depuis la chute de l’Union soviétique avec la prise de conscience des peuples s’appuyant sur des référents culturels communs pour s’affirmer face à d’autres groupes. Subdivisant le monde d’une manière très (trop) schématique en huit grandes civilisations, il théorise le principe de la loi de la jungle en rappelant les menaces qui pèsent sur le monde occidental : les civilisations islamiques et confucéennes. Il est vrai que les rapports entre civilisations ne se règlent pas dans la dentelle. Cependant, dans sa vision, c’est le recul réel de l’Occident qui angoisse Huntington. Pour contrer cette tendance, l’emploi de méthodes coercitives s’avère nécessaire ; c’est-à-dire l’emploi de la guerre à basse intensité voire, selon les cas, la guerre tout court.
On retrouve cette volonté de domination chez d’autres membres de la famille néo-conservatrice. Ainsi, Richard Perle (appelé aussi le « prince des ténèbres ») conseiller politique auprès du secrétaire à la défense sous l’administration Reagan et membre de nombreux think tanks (PNAC, American Enterprise Institute, …) a rédigé en 1996 un rapport pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans le cadre d’un think tank israélien The Institute for Advanced Strategic and Political Issues. Intitulé “A clean break : a new strategy for securing the realm”[9] (« un changement radical : une nouvelle stratégie pour sécuriser le territoire »), l’auteur encourage d’une certaine manière une « mini-guerre froide pour le Proche-Orient » pour reprendre l’expression du journaliste Jason Vest[10]. Présentant un véritable catalogue de mesures de déstabilisation et de refoulement des ennemis d’Israël, ce document prône pêle-mêle l’abandon de la stratégie « terre contre paix » au profit de « la paix par la force », l’ensemble étant fondé sur le rapport de force ainsi que sur l’instauration du principe de préemption à côté de celui de la punition. Voulant mettre à bas le processus de la paix d’Oslo élaboré au cours de la décennie 1990, le document encourage le changement de régime en Irak (départ de Saddam Hussein), le durcissement de la politique israélienne à l’égard des Palestiniens et élément fort intéressant, l’action de la Turquie et de la Jordanie en faveur des tribus arabes vivant sur le sol syrien et hostile aux élites dirigeantes (les Alaouites), le tout avec le soutien diplomatique et militaire de l’Etat hébreux.
Ce programme de déstabilisation élaboré par les néo-conservateurs et dont on peut constater l’application comme c’est le cas avec la disparition de Saddam Hussein, trouve son incroyable réalisation dans les travaux d’un journaliste et ancien fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères israélien Oded Yinon. Dans une publication parue en 1982 dans le cadre de « l’organisation sioniste mondial » (World Zionist Organisation), Oded Yinon présente toute une stratégie pour asseoir l’autorité complète d’Israël sur les pays musulmans du Moyen-Orient. C’est le président de la Ligue israélienne des droits de l’homme, Israël Shahak, qui a permis la connaissance de ce texte publié dans « La revue d’études palestiniennes » et reproduit dans la revue « Confluences méditerranée » (n°61 printemps 2007) sous le titre « Une stratégie persévérante de dislocation du monde arabe »[11]. Israël Shahak rappelle que la politique de l’Etat hébreux repose sur le démantèlement des pays arabes et l’alignement des élites israéliennes sur la pensée des néo-conservateurs américains. Les propos d’Oded Yinon ne laissent aucun doute : « Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle de l’histoire de l’humanité, une ère qualitativement différente des précédentes, de caractère totalement nouveau. C’est pourquoi, il est nécessaire de comprendre les mutations qui caractérisent cette période historique ; et c’est pourquoi aussi, il faut définir une conception du monde et une stratégie concrète en fonction des conditions nouvelles. L’existence, la prospérité, la stabilité de l’Etat juif dépendront de sa capacité de donner un cadre nouveau à ses affaires intérieures et extérieures (…). Le monde arabe islamique n’est pas, on le voit, l’élément majeur dans nos problèmes stratégiques des années 1980, bien qu’il constitue la première menace immédiate contre Israël, en raison de sa puissance militaire croissante. Ce monde islamique, avec ses minorités ethniques, ses divisions, ses crises internes qui le rongent (voir le Liban, l’Iran non arabe et maintenant la Syrie), est incapable de résoudre ses problèmes fondamentaux et par conséquent ne peut être une véritable menace pour Israël à long terme ; il l’est cependant à court terme, en raison de sa puissance militaire. A long terme, le Moyen-Orient ne pourra pas survivre dans ses structures actuelles sans passer par des transformations révolutionnaires ».
Le travail d’Oded Yinon se poursuit par une description minutieuse des composantes ethniques et religieuses constituant les caractéristiques propres du monde musulman du Maroc au Pakistan en passant par la Turquie. L’auteur précise sa pensée en préconisant une politique à l’égard du monde arabe qui, depuis 2003 avec l’invasion de l’Irak et 2011 avec les événements et les conséquences du « Printemps arabe », se révèle être d’une très grande actualité :
« L’Egypte, dans sa configuration intérieure actuelle, est déjà moribonde, et plus encore si nous prenons en compte la rupture entre chrétiens et musulmans qui va croissant. Démanteler l’Egypte, amener sa décomposition en unités géographique séparées : tel est l’objectif politique d’Israël sur son front occidental, dans les années 1980. L’Egypte est effectivement déchirée ; l’autorité n’y est pas une mais multiple. Si l’Egypte se désagrège, des pays tels que la Libye, le Soudan, et même des Etats plus éloignés ne pourront pas survivre sous leur forme actuelle, et accompagneront l’Egypte dans sa chute et sa dissolution. On aura alors un Etat chrétien copte en Haute-Egypte, et un certain nombre d’Etats faibles, au pouvoir très circonscrit, au lieu du gouvernement centralisé actuel ; c’est le développement historique logique et inévitable à long terme, retardé seulement par l’accord de paix de 1979. Le front Ouest, qui à première vue semble poser plus de problèmes, est en fait plus simple que le front Est, théâtre récent des événements les plus retentissants. La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Irak et toute la péninsule arabe ; au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l’Irak en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël, à long terme, sur son front Est ; à court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en plusieurs Etats, suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat alaouite chiite ; la région d’Alep, un Etat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du Nord ; les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s’étendra sur notre Golan peut-être, et en tout cas dans le Haourân et en Jordanie du Nord. Cet Etat garantira la paix et la sécurité dans la région, à long terme ; c’est un objectif qui est dès à présent à notre portée. L’Irak, pays à la fois riche en pétrole, et en proie à de graves dissensions internes, est un terrain de choix pour l’action d’Israël. Le démantèlement de ce pays nous importe plus encore que celui de la Syrie. L’Irak est plus fort que la Syrie ; à court terme, le pouvoir irakien est celui qui menace le plus la sécurité d’Israël. Une guerre entre l’Irak et la Syrie ou entre l’Irak et l’Iran désintégrera l’Etat irakien avant même qu’il ne puisse se préparer à une lutte contre nous. Tout conflit à l’intérieur du monde arabe nous est bénéfique à court terme, et précipite le moment où l’Irak se divisera en fonction de ses communautés religieuses, comme la Syrie et le Liban. En Irak, une distribution en provinces, selon les ethnies et les religions, peut se faire de la même manière qu’en Syrie du temps de la domination ottomane. Trois Etats[12] – ou davantage – se constitueront autour des trois villes principales : Bassorah, Bagdad et Mossoul ; et les régions chiites du Sud se sépareront des sunnites et des Kurdes du Nord (…) ».
Ce long passage datant de 1982 résume à lui seul cette politique de démantèlement poursuivie par les élites politiques américaines et israéliennes. Elle a trouvé sa dernière expression dans la parution d’un article dans une revue militaire américaine Armed Forces Journal (AFJ) en juin 2006 que nous avons traité dans notre livre « La marche irrésistible du nouvel ordre mondial ». Sous la plume d’un lieutenant-colonel américain, Ralph Peters, l’auteur présente des ambitions de parcellisation dignes de son père spirituel Bernard Lewis. Intitulé « Frontières de sang, que faire pour améliorer le Moyen-Orient » (Blood borders, how a better Middle East would look), l’article est accompagné de deux cartes présentant l’ensemble de la région sous deux formes ; d’un côté la situation politique avec ses frontières de 2006 et de l’autre, la recomposition complète de toute cette zone en fonction des critères religieux et ethniques[13]. Au cours de sa présentation, ce militaire rappelle qu’il est un ami de longue date de l’Etat hébreu[14]. Est-il vraiment nécessaire de sa part de le préciser ?
Pareil à ses différents mentors, Ralph Peters part du principe que le remaniement complet des frontières doit suivre au plus près l’emplacement des différents groupes ethniques et religieux même s’il n’est pas possible de coller parfaitement à la multitude des groupes en raison de l’enchevêtrement de ces différentes entités. Il estime nécessaire ce remodelage pour, selon lui, apaiser les rivalités ethno-religieuses : « Nous parlons de difformités énormes faites par les hommes qui n’arrêteront pas de générer la haine et la violence tant qu’elles n’auront pas été corrigées ». Dans son esprit, il s’agit de remettre radicalement en cause les frontières héritées des Accords Sykes-Picot de 1916. Cependant, son analyse va bien au-delà d’un simple charcutage des frontières du Moyen-Orient. Il révèle l’arrière-fond philosophique et religieux animant lui et ses sbires les tenants du nouvel ordre mondial. En effet, il s’agit de créer un « Etat sacré de l’Islam » au sein d’une Arabie Saoudite éclatée permettant de modifier en profondeur les caractéristiques profondes de cette religion. Comme il le précise : « La cause principale de la large stagnation du monde musulman réside dans le traitement réservé à la Mecque et à Médine considérés comme leur fief par la famille royale saoudienne. Les lieux saints de l’Islam soumis au contrôle de la police d’Etat de la part d’un des plus bigots et oppressifs régimes au monde ont permis au Saoud (ndlr : la famille régnante d’Arabie Saoudite) de projeter leur croyance wahhabite à la fois intolérante et disciplinée au-delà de leurs frontières (…). Imaginez comme le monde musulman se sentirait mieux si la Mecque et Médine étaient dirigés par un Conseil représentatif tournant issu des principales écoles et mouvements de l’Islam dans le monde au sein d’un Etat sacré islamique – une sorte de super Vatican musulman – où l’avenir de la foi serait débattu au lieu d’être arbitrairement fixé »[15].
Ces propos sont d’une extrême importance. En effet, l’Islam tel qu’il se présente est incompatible avec les « valeurs » du mondialisme. Matérialisme et hédonisme promus par le nouvel ordre mondial en opposition à une transcendance ne cadrent absolument pas avec l’esprit des musulmans. C’est pourquoi, pour Ralph Peters et ses congénères, il s’agit de favoriser ce que nous appelons un « Islam des Lumières » afin d’adapter cette religion aux exigences des canons du mondialisme. Evoquant la création d’un « Conseil représentatif tournant (…) pareil à un super Vatican musulman », il s’agit de créer une hiérarchie religieuse en mesure de remodeler l’Islam afin de l’adapter aux enjeux de la modernité matérialiste. Nous désignons ces ambitions par l’expression « Vatican II de l’Islam ». En effet, dans le cas du catholicisme, l’Eglise s’est toujours opposée au modernisme sous toutes ses formes (libéralisme, socialisme, maçonnisme, …). Vatican II, concile pastorale, sous l’impulsion de Jean XXIII est une véritable cassure avec la Tradition de l’Eglise. C’est à l’Eglise et à ses fidèles de s’adapter aux contingences du mondialisme. Il n’est donc pas étonnant de lire dans l’encyclique du pape Jean XXIII « Pacem in terris » des passages appelant « un pouvoir supranational ou mondial » où la déclaration des droits de l’homme (l’évangile du mondialisme) est considérée « comme un pas vers l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale[16] ». Ces affirmations de l’Eglise doivent se faire en collaboration avec l’ONU dont les principes sont pourtant à l’opposé de ceux défendus depuis saint Pierre. C’est d’ailleurs le même état d’esprit qui anime Benoît XVI dans son encyclique « Veritas in caritate » parue en juillet 2009 où il appelle à la création d’une « autorité politique mondiale » en liaison avec les instances de l’ONU, temple du maçonnisme[17]. C’est le même chemin qui attend l’Islam si les souhaits de Ralph Peters se réalisent. En effet, l’objectif des thuriféraires du mondialisme est d’aboutir à une religion mondiale réunissant en son sein les différents courants religieux afin d’adorer le « porteur de lumière » grâce à l’action des grands princes du mondialisme.
Comme nous pouvons le constater, les volontés de balkanisation du monde musulman sont anciennes. Eclatement des Etats musulmans comme des Etats européens vont de pairs. En fait, ce programme de parcellisation touche la planète entière. Il n’empêche qu’une caractéristique relie le bloc européen et le bloc musulman. Nous avons évoqué au début de cette étude le cas du « Bagdad-Bahn ». Il s’agissait pour le IIè Reich de construire une longue voie ferrée qui, tel un long cordon ombilical, partait de Hambourg pour atteindre l’actuel Koweït. Le contrôle de la production et de l’acheminement du pétrole se faisait au profit de Berlin. Dans cette affaire, la thalassocratie anglaise était la grande perdante. Avant le choc décisif de 1914, toute une série de guerres soutenues en sous main par l’Angleterre secouait les Balkans. La Serbie était le talon d’Achille de l’Allemagne car la jonction du Bagdad-Bahn entre l’Europe et le monde musulman se faisait dans une zone géographique échappant à l’autorité de Berlin. Londres s’appuyait sur cette faiblesse pour bloquer, du moins ralentir, le projet allemand. La guerre de 14-18 fut l’action déterminante permettant à l’Angleterre de mettre à bas le projet allemand.
En mars 1999, l’OTAN attaquait et détruisait la Yougoslavie. Peu de personnes ont compris que nous repassions sur le chemin de Sarajevo de 1914. En effet, au début de la décennie 1990, les entités fédérées yougoslaves slovène et croate proclament leur indépendance avec le soutien de l’Allemagne, en particulier de son ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher. Il est vrai que Berlin soutient ces mouvements séparatistes entre autres les Albanais du Kossovo[18]. La destruction de la Yougoslavie de Milosevic est due au refus de se dernier se plier aux injonctions de l’Union européenne, de l’OTAN et des Etats-Unis afin de favoriser le passage d’oléoducs et de gazoducs en provenance du Proche-Orient et du Caucase (Bakou) avec présence militaire américaine … bref, de rentrer dans le moule. La Serbie yougoslave représente la jointure entre l’Europe et le Proche et Moyen-Orient en matière de connexion des hydrocarbures au même titre que la Serbie de 1914 représentait le point d’accroche permettant au Bagdad-Bahn de relier le Proche et Moyen-Orient aux territoires centraux européens dominés par l’Allemagne de Guillaume II. L’écrasement de la Serbie a permis la réalisation des projets euro-mondialistes avec mise en place d’une énorme base militaire américaine, véritable vigie de surveillance du trafic des oléoducs et gazoducs (corridors énergétiques) et de contrôle de la zone, Bondsteel[19].
Pierre Hillard, pour Mecanopolis
La deuxième partie de ce document sera publiée vendredi 19 octobre
Source
[1] Pétrole histoire d’un siècle, op. cit, pp. 113-114.
[2] Ibid., p. 116.
[3] http://asiasociety.org/policy/strategic-challenges/us-asia/us-iran-relations
[4] Bernard Lewis, Islam, Quarto, Editions Gallimard, 2005, p. 55.
[5] http://www.time.com/time/covers/0,16641,19790115,00.html
[6] Pétrole histoire d’un siècle, op.cit., p. 196.
[7] Bernard Lewis, Rethinking the Middle East, Foreign Affairs, 1992, pages 116-117.
[8] Foreign Affairs, volume 72, 1993. Samuel Huntington a publié « Le choc des civilisations » aux Editions Odile Jacob.
[9] http://www.iasps.org/strat1.htm
[10] http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=401
[11] http://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2007-2-page-149.htm
[12] Depuis l’intervention américaine en Irak en 2003, force est de constater l’application de ces objectifs. Comme le rappelle Leslie Gelb, Président émérite du très influent Council on Foreign Relations (CFR) dans un article du New-York Times du 25 novembre 2003 intitulé « La solution des trois Etats » (The Three-State solution), il s’avère nécessaire de procéder à une refonte de l’Etat irakien en trois entités ethnico-religieuses exactement comme le recommande Oded Yinon. Leslie Gelb rappelle la désintégration de l’Etat yougoslave en entités distinctes (croate, serbe et bosniaque) et estime que c’est un modèle à suivre in http://www.nytimes.com/2003/11/25/opinion/the-three-state-solution.html?pagewanted=all&src=pm Il est vrai que la destruction de la Yougoslavie en 1999 a été un véritable laboratoire pour les tenants du mondialisme et qu’ils cherchent désormais à étendre son principe partout dans le monde.
[13] http://en.wikipedia.org/wiki/File:Ralph_Peters_solution_to_Mideast.jpg
[14] New York Post, 22 juillet 2006.
[15] Armed Forces Journal, juin 2006, p. 53.
[16] http://www.vatican.va/holy_father/john_xxiii/encyclicals/documents/hf_j-xxiii_enc_11041963_pacem_fr.html, voir paragraphes 130 à 145.
[17] http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate_fr.html, voir le paragraphe 67.
[18] Pierre Hillard, « Minorités et régionalismes », Editions François-Xavier de Guibert, 4è édition, 2004, pages à 151 à 153 et annexe 34.
[19] http://www.kosovojesrbija.fr/fr/les-enjeux-analyses/bondsteel-la-puissance-americaine-au-coeur-de-leurope-et-le-petrole-de-la-caspienne.html
Après les guerres du "Pétrole", et la Lybie en fut un bel exemple après l'Irak, se profilent les "guerres du Gaz".
RépondreSupprimerLa Syrie est sur un énorme réservoir de gaz.
Lire art de déc 2010 (avant l'attaque de la Syrie):
http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/les-guerres-du-gaz-auront-bien-lieu_243884.html
Et ce qu'on peut comprendre aujourd'hui, cet article parle de la Syrie centre de la guerre du gaz:
http://mecanoblog.wordpress.com/2012/05/15/la-syrie-centre-de-la-guerre-du-gaz-au-proche-orient/
Tous ces conflits sont organisés par l'Oligarchie qui veut contrôler à son profit l'énergie, indispensable aux humains, mais aussi à leurs industries (sans oublier le militaire).
L'ami Pierrot