02 avril 2012

Un endroit sans envers


Bien des gens regrettent de ne pas vivre dans un passé idéalisé. C'était le cas de mon père, par exemple. Tout était mieux avant.

Bien que le "No future" des Sex Pistols ait largement entamé le sourire optimiste des foules, on trouve encore des béats qui misent tout sur demain, de fervents progressistes. Demain résoudra tout.

Les souvenirs, les regrets et les attentes nous tirent hors de notre centre.

Le point de convergence de nos divers corps, de nos diverses énergies, des mondes visibles et invisibles, conscients et inconscients n'est ni dans le passé, ni dans le futur.

Il est là. Ici et maintenant. Hic et nunc.

Nous avons été jetés, mis bas, dit l'expression française, dans ce film qu'on appelle "le monde", "la vie".

Nous avons rampé hors des bras des mamans, et à force de l'aide des deux et des taloches des papas, nous avons appris à marcher droit.

La maman et le papa sont des images respectives du passé, qui retient et apaise, et du futur qui fouette l'ambition. Tu seras un homme, mon fils. Demain. Un jour. Plus tard.

Souvenirs du ventre, du foyer, de la grotte, magie de la chasse, mirages de l'exploration.

Ces deux rêveries sont deux refuges où nous nous réfugions tous très souvent.

C'est un peu simpliste, certes. Du passé, on a aussi les regrets d'avoir loupé des occasions, d'avoir été indigne. La peur du futur peut nous tétaniser. Mais c'est pareil, au fond : qu'on se projette dans le passé ou dans le futur, c'est ailleurs.

Le monde qui s'offre à nous est plein de promesses de paradis et d'enfers, de rêveries. Nous pouvons y errer éternellement, y demeurer en rêvassant qu'avant, c'était mieux, ou qu'on a été nul, ou que demain Superman reviendra nous venger des salauds, ou que la Bête va nous bouffer.

Nous pouvons aussi, à force d'échecs, de chutes, de lassitude, comprendre que la porte, l'unique retour se trouve dans l'acceptation que le seul point où se recouvrent exactement l'existence, ce songe à la carte, et la Vie est exactement ici, à l'instant même, en ce qui nous est offert, que notre intelligence doit mettre à nu, où nous devons nous fondre.

Les noces, c'est pas hier ni demain. C'est maintenant.

Dit comme ça, j'ignore si ça semble facile, simpliste ou incompréhensible, mais la certitude qui est la mienne, c'est que c'est "simple".

Simplex, sans pli qui recèle encore un venin, une rancœur, une ombre.

Devenir simple est le chemin. A cet endroit sans envers, il n'y a plus de passé, douloureux ou splendide, plus de lendemains terrifiants ou prometteurs.

Il n'y a plus de temps. La mariée arrive. Elle est annoncée. 

4 commentaires:

  1. "Nous avons rampé hors des bras des mamans, et à force de l'aide des deux et des taloches des papas, nous avons appris à marcher droit"
    Pour d'autres, c'était les taloches de maman...comme quoi, l'amour maternel...

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    1. J'ai eu le droit à des taloches des 2 ! Mais c'était mérité, un peu intrépide et têtu dans ma jeunesse...ça n'a pas vraiment changé !

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  2. Vieux Jade nous livre une fois de plus un petit morceau de sagesse... ^^

    Il ne sert à rien de regretter le passé, puisqu'il n'est plus. Chacun d'entre nous peut toutefois, s'il le désire, continuer à vivre selon des principes ou des traditions que nous voulons voir perdurer. Sans toutefois, obliger le voisin à en faire autant.

    Cependant, comme il "n'est rien de constant si ce n'est le changement" (je crois que c'est de Bouddha, cette citation) le propre de l'homme est de s'adapter au mieux à ces changements qui s'opèrent au cours de sa vie. Sans pour autant tout accepter n'importe comment.

    ... Et de savourer l'instant présent, d'y rechercher toute trace de joie et de bonheur, au lieu de s'apesantir sur des souvenirs bonifiés par la mémoire. (Combien de mauvais souvenirs nous font sourire au bout de quelque temps ?)

    Oui, le chemin est simple. C'est nous qui sommes compliqués, la plupart du temps. :)

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