Depuis des mois, enfants, femmes, vagabonds sont arrêtés arbitrairement et expédiés dans la colonie du Mississippi.
La colère parisienne couve depuis plusieurs semaines, voire depuis
plusieurs mois, avant d'éclater ce lundi 29 avril 1720. Des centaines
d'artisans, de portefaix, de domestiques, de commerçants se rassemblent
aux carrefours armés de bûches, pavés, bâtons, outils et épée pour leur
servir d'armes.
La chasse aux archers du guet et aux exempts de l'armée
est ouverte. Le gibier devient chasseur. Dès que l'un d'eux est attrapé,
il est massacré. Tiens ce pavé dans la gueule, tiens ce bâton dans les
côtes ! À la fin du jour, une dizaine de représentants de la loi font
déjà la queue devant saint Pierre. Et bien davantage encore s'échappent,
heureux de n'être que blessés par la foule en colère. La rue
Saint-Antoine et le pont Notre-Dame ont connu les plus sanglantes
échauffourées. La description de cette journée nous a été laissée par De
Lisle, greffier au Parlement de Paris : "La populace s'était soulevée
dans différents quartiers de la ville contre un grand nombre d'archers
ou gens préposés pour prendre les vagabonds et gens sans aveu pour les
conduire à Mississipi (orthographe du XVIIIe siècle, NDLR) parce que
sous ce prétexte ils arrêtaient depuis quelques jours toutes sortes de
personnes sans distinction, hommes, femmes, filles, garçons, et de tous
âges, pour les y faire conduire aussi pour peupler le pays."
Voici le fond de l'affaire, la raison de l'ire parisienne : la
Compagnie des Indes (ou encore Compagnie de Mississipi) appartenant au
financier John Law a besoin de centaines, de milliers de colons. Or,
l'appel au volontariat ne donne pas grand-chose. La Compagnie a beau
soudoyer les journalistes de son temps pour publier des articles vantant
la vie de colon, le rêve américain ne prend pas. Un autre témoin du
temps, Mathieu Marais écrit : "Il semble que l'on veuille faire sortir
tous les Français de leur pays pour aller là. On ne s'y prend pas mal
pour faire de la France un pays sauvage et en dégoûter les Français."
S'il n'y a pas de volontaires, il y a toujours la possibilité de
déporter les pauvres bougres croupissant dans les prisons ! Ils ne sont
pas suffisamment nombreux ? Pas grave, c'est tellement facile de remplir
les prisons. Bien avant Sarko, on connaissait déjà la recette pour traquer les indésirables.
Des dizaines de milliers de SDF
Copain comme cochon avec Philippe d'Orléans, régent de France, John
Law obtient la publication de l'ordonnance royale du 10 mars 1720
prescrivant l'arrestation de tous les pauvres hères de la capitale sans
domicile fixe. Ils sont des dizaines de milliers dans ce cas ! À
l'époque, les SDF grouillent dans la ville et le droit opposable au
logement est encore moins respecté par l'État qu'aujourd'hui (oui, c'est
possible !) Les archers du guet ne savent plus où donner de la tête.
Mais cela ne suffit pas. Le 28 mars, une nouvelle ordonnance menace les
domestiques, les gens sans aveu et les artisans qui agiotent rue
Quincampoix d'être expédiés, eux aussi, en Louisiane et dans le
Mississippi s'ils continuent à spéculer en bas du domicile de Law. Il
faut dire qu'une spéculation effrénée se déroule dans la rue où les
esprits enfiévrés par l'espoir d'un gain d'argent achètent et vendent
les actions de la Compagnie des Indes. En une journée, des domestiques
deviennent bien plus riches que leur maître, tandis que d'autres
spéculateurs sont ruinés. Pour stimuler l'ardeur des archers et exempts,
la Compagnie des Indes offre une pistole par personne livrée outre leur
solde quotidienne de vingt sols. Inutile de dire que les arrestations
se multiplient. Et tant qu'à faire, autant attraper des gosses pour
ménager sa peine. D'où la colère des Parisiens.
À la date du 14 août 1719, dans le Journal de la régence, Jean
Buvat écrit : "On tira des hôpitaux de Bicêtre et de la Salpêtrière
cinq cents jeunes gens des deux sexes pour les embarquer à la Rochelle
et les transporter au Mississipi. Les filles étaient dans des charrettes
et les garçons allaient à pied, avec une escorte de trente-deux
archers." Les charters de l'époque, sauf qu'en ce temps-là la France
exportait ses propres ressortissants... En septembre, Buvat note encore :
"On apprit aussi de la Rochelle que les cent cinquante filles qu'on y
avait envoyées de Paris pour être transportées au Mississipi s'étaient
jetées comme des furies sur les archers, leur arrachant les cheveux, les
mordant et leur donnant des coups de poing, ce qui avait obligé les
archers de tirer leurs fusils sur ces pauvres créatures, dont six
avaient été tuées et douze blessées ; ce qui avait intimidé les autres
de telle sorte qu'elles se laissèrent embarquer." Les prostituées, très
nombreuses à cette époque, constituent également un gibier très
recherché. Jean Buvat indique encore que les autorités parisiennes ont
offert la possibilité à 180 filles ramassées sur le pavé de Paris de se
choisir un époux parmi les hommes de la prison du même prieuré. "Après
laquelle cérémonie, on les fit partir liés d'une petite chaîne deux à
deux, le mari avec la femme, suivis de trois charrettes chargées de
leurs hardes, et pour les soulager de temps en temps, ou pour voiturer
ceux ou celles qui se trouveraient malades en chemin, escortés par vingt
archers, pour les conduire à la Rochelle et de là être transportés au
Mississipi, dans l'espérance d'une meilleure fortune."
Arrestations arbitraires
On comprend que ces arrestations arbitraires et les déportations de
masse révoltèrent le bon peuple de Paris. "Personne n'osait sortir pour
ses affaires ou pour gagner sa vie, même les gens de métier et les
domestiques dont plusieurs avaient été arrêtés, n'étant pas en sûreté
hors de chez soi", ajoute Buvat.
Le mardi 30 avril, les émeutes reprennent. Des archers sont pris à
partie rue du Roi-de-Sicile. L'un est tué et les autres blessés. Le
procureur général du roi se rend dare-dare au Parlement pour expliquer
aux magistrats que les archers et les exempts avaient reçu l'ordre
"d'arrêter les vagabonds et gens sans aveu, dont le nombre augmentait
tous les jours dans la capitale". Il admet aussi que des arrestations
arbitraires ont pu être faites. Du coup, un projet d'ordonnance royale
est rédigé à la hâte pour permettre aux personnes victimes d'une
arrestation arbitraire d'être entendues dans leur prison par un
commissaire ou officier de police, tous les jours à midi. Et c'est le
garde des Sceaux, en personne, qui statuera sur le bien-fondé de la
plainte. L'ordonnance prévoit aussi une réorganisation des conditions
d'arrestation par les archers. Le lieutenant de police demande également
aux corps des artisans et des marchands de Paris de lui fournir la
liste exacte des "enfants, des garçons de boutique et des apprentis"
afin d'éviter toute erreur lors des arrestations à venir. Ces décisions
font revenir le calme dans Paris. Mais cela ne fait que déplacer le
problème, car les archers et les exempts se mettent alors à écumer les
campagnes ceinturant la capitale pour continuer à alimenter les
colonies. Le 15 juin, une nouvelle ordonnance "portant défense d'arrêter
et d'inquiéter les habitants de la campagne et gens de profession" est
publiée. L'histoire de France est un éternel recommencement...
L'histoire bégaie...nous retrouvons les grands traits de la domination des pouvoirs mafieux - financiers, politiciens corrompus, compagnies transnationales - leur clique obéissante : flicaille appâtée par le gain et son pouvoir de répression, et enfin le bétail humain, le peuple.
RépondreSupprimerLe peuple de Paris s'était soulevé, en 1720, mais l'histoire a montré que tant que les causes racinaires sont toujours là, l'histoire bégaie et bégaie encore. La révolution de 1789 fut peut-être une conséquence dérivée, mais là encore les oligarques et initiés (les Franc-maçons) prirent le pouvoir et imposèrent la Terreur et les guerres au peuple manipulé.
Puis ce fut l'Empire, avec Napoléon, le (petit) empereur qui affectionnait ce "geste" de la F-M, la "main cachée" (dans son fameux gilet). Le peuple de France fut saigné à blanc par les guerres de l'Empire. Et cela fut resservi en 1870, puis en 1914, puis en 1939...
Avec Sarko-léon, on irait droit vers l'holocauste final, la 3° guerre mondiale. Il fit sa guerre de Lybie comme Napo fit la campagne d'Egypte. A l'écouter ainsi que son âme damnée Juppé on serait partis faire la guerre à la Syrie et à l'Iran...
Mais avec son alter rose, qui risque d'être élu Calife le 6/5, cela sera probablement sensiblement pareil, ce sont les oligarques qui donnent les ordres aux guignols.
L'ami Pierrot