En mai 2011 Barack Obama, détenteur d’un Prix Nobel de la Paix, faisait un discours sur le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, qu’il concluait en faisant un parallèle entre les développement récents dans cette région, dont les bouleversements peuvent inquiéter de nombreux américains, et l’Histoire américaine qui est justement issue d’un rejet de l’autorité non choisie et le combat pour l’émancipation. Saisissons, disait-il, cette opportunité pour créer un monde plus pacifique, plus stable, plus juste.
A la fin du même mois, Barack Obama signait la reconduction du Patriot Act, législation barbare ayant instauré, officiellement, l’Etat Policier aux USA dans la foulée des évènement du 11 septembre 2001.
Sept petits mois plus tard, un 31 décembre pour que cela ne se voie pas trop (et pour cacher un reste de honte, peut être) ce même Barack Obama signait le NDAA (National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2012) laissant entendre dans ses articles 1031 et 1032 qu’il est dorénavant permit de détenir, sans procès ni imitation de durée, tout citoyen américain suspecté d’avoir collaboré avec des individus ou groupes perçus (identified as) comme terroristes.
L’armée et les services américains peuvent donc, désormais, non seulement tuer n’importe quel citoyen américain sur ordre du Président mais de leur propre initiative jeter en tôle et pour la durée du conflit (qui, en l’occurrence, est à durée infinie), dans des conditions à la Guantanamo au mieux ou à la Abu Ghraib au pire, tout citoyen US (ou tout autre citoyen bien entendu, mais la nouveauté c’est le citoyen US) considéré comme ayant un lien avec des terroristes.
Et vu la définition extrêmement souple de “terroriste” (tout ce que peut s’associer, de près ou de loin, avec Al-Quaïda et le 11 septembre) et l’absence de possibilité de défense, cela veut dire en fait absolument n’importe qui associé de près ou de loin à un mouvement contestataire. Les US en sont presque là où était l’URSS avec le KGB, l’Allemagne de l’Est avec la Stasi ou encore l’Europe aux mains de la Gestapo: l’Etat policier totalitaire.
Examinant d’un peu plus près les sections du NDAA incriminées (1031 et 1032) on voit que c’est un bel exercice en langue de bois politico-juridique, suffisamment imprécis pour permettre l’arbitraire mais néanmoins interprétable comme étant en fait peu différente de ce qui existe déjà.
Trois cas de figure (décrits dans Lawfare):
(1) un citoyen US en flagrant délit d’aide à l’ennemi en territoire étranger: là c’est clair, il est soumit aux lois AUMF actuelles et le NDAA n’y change rien.
(2) un citoyen US sur le sol américain soupçonné de collaboration avec l’ennemi: pas clair car antérieurement ce cas relevait de la justice civile mais le NDAA permet d’interpréter la chose comme relevant désormais de la justice militaire.
Et (3) le cas ci-avant mais hors territoire américain: à nouveau il n’est pas dit explicitement que le citoyen relève de la juridiction militaire mais cela peut être interprété comme tel, car sinon on ne voit pas à quoi servirait l’article.
Les défenseurs d’Obama font valoir que ce dernier n’a signé qu’à contre-coeur et après avoir obtenu du Congrès que le Président ait le dernier mot sur la détention militaire de tout citoyen US, mais cette loi pourra être utilisée comme bon lui semble par tout président ultérieur (et quand on voit la brochette de candidats cathos intégristes et incultes aux prochaines présidentielles il y a de quoi s’inquiéter).
Surtout, son action en tant que président sur ces questions (reconduite du Patriot Act, non-fermeture de Guantanamo, préparation de l’agression de l’Iran) ne donnent pas à Obama le bénéfice du doute! Et ce n’est pas fini: juste derrière le NDAA se profile une autre loi initiée par le Congrès, la Enemy Expatriation Act, qui dépouillerait de sa nationalité américaine tout citoyen accusé (sans être nécessairement jugé) de collaboration avec l’”ennemi”! Ce qui reviendrait à rendre nuls les fameux articles du NDAA sur la question des citoyens US, faute de citoyens…
En face la société civile tente bien sur de s’organiser, car comme le disait si justement mais sans apparemment le comprendre le sieur Obama, l’Amérique s’est faite sur le rejet de l’autorité non choisie!
Cette signature a choqué de nombreuses personnes aux USA, y compris parmi les supporters traditionnels de Obama tel la ACLU ( Amercian Civil Liberties Union). Il est encore possible que la Cours Suprême américaine enterre cet article du NDAA. Le 11 janvier ne manifestation regroupant un grand nombre d’associations défilait à Washington pour s’opposer au NDAA et marquer les dix ans de l’ouverture de Guantanamo, toujours en activité malgré les promesses électorales dudit Obama de fermer ce centre inique. Centre qui fut déclaré illégal par la Cour Suprême en 2008 mais en 2009 le Garde des Sceaux (Attorney General) d’Obama estimait que la détention inconditionnelle de “combattants ennemis” était justifiée au nom des règles de la guerre. Que peuvent faire les défenseurs de la société civile américaine contre le bulldozer fasciste?
Un spécialiste en droit constitutionnel américain, Steward Rhodes, initiateur de l’association Oath Keepers dont le but est de faire comprendre aux fonctionnaires et volontaires ayant fait le serment de servir la Constitution (dont les militaires et la police) ce que ce serment implique, précisément. Pour Rhodes, Obama a clairement failli à son serment présidentiel en signant un acte anti-constitutionnel, et c’est la-dessus qu’il faut l’attaquer.
Ailleurs, le “conseil municipal” du county de El Paso, au Colorado, a officiellement rejeté les sections incriminées du NDAA au nom de la Constitution du Colorado ainsi que de celle des Etat-Unis d’Amérique.
Réaction de Amnesty International: “A partir du moment ou un gouvernement a le pouvoir d’emprisonner des gens sans limite, le risque existe qu’il devienne quasiment impossible de garder le contrôle de ce pouvoir. Le président Obama s’est montré incapable d’une action – un veto – qui aurait bloqué les provisions dangereuses contenues dans le NDAA. Ce faisant, il a contribué encore plus à l’affaiblissement des droits de l’homme et donné raison à la propagande de Al Quaïda”
Source
Sur Au bout de la route
Obama aurait "signé à contre-coeur" ? Sous quelle pression, alors ?
RépondreSupprimerDésolée, mais à mon sens, lorsqu'on accepte d'être le président d'une grande nation, on doit prendre des décisions, et non pas signer à contre-coeur.
Mais bon. Facile de juger les boucs émissaires, tout pendant que l'on ne connaît pas vraiment la source (ou les sources) d'où émanent ces dispositifs anti-liberté. (et généralement, la source est bien cachée !)