14 décembre 2011

Séjour à Athènes

Me voici depuis presque une semaine à Athènes, découvrant la réalité de la situation.
Au premier regard, et sans avoir de connaissances antérieures de la ville, rien ne semble bien différent d’une autre grande métropole, mis à part de petites affichettes jaune et rouge. Et ce n’est pas une surprise, la vie continue ici, bien entendu. Mais avec un arrière-goût amer. C’est en discutant avec les gens, rencontrés au hasard, qu’on se rend compte de l’incroyable de la situation. Apparemment, c’est depuis l’été dernier que tout s’accélère : c’est ma plus grosse surprise, moi qui croyais que la crise progressait constamment depuis deux ans.
Les gens lâchent prise, les contestations massives du printemps se sont éteintes et chacun se préoccupe d’aider ses proches en grandes difficultés, d’ajuster sa vie aux coupes salariales, de renégocier son loyer, de remodeler son quotidien. La « dévaluation interne » conceptualisée par la « Troïka » est maintenant à l’oeuvre, et à vitesse grand V. Il n’est plus trop question pour les gens de placer leurs espoirs dans de grands mouvements citoyens, après un an et demi de protestations ignorées par les institutions internationales et violemment réprimées par l’État grec. Le temps est venu à l’ajustement personnel, parce qu’il n’est pas possible d’envisager autre chose. L’ajustement, c’est préparer l’émigration, à la campagne ou à l’étranger selon l’âge, ou changer de mode de vie : les rues se vident, les magasins, restaurants et cafés ferment en masse, même au centre ville, on se concentre sur l’essentiel. Et l’on retombe sur le premier signe qui surprend en arrivant à Athènes : les affichettes jaune et rouge annonçant « à louer » ou « à vendre ». En quelques mois, elles ont tapissé toutes les rues et vitrines vides, de l’acropole aux petites rues calmes des banlieues éloignées où résident les classes moyennes, en passant par les quartiers populaires situés entre les deux.
C’est au cœur de ce tableau que je suis en train de collecter des témoignages de personnes trouvées un peu au hasard, racontant de « simples ajustements » de leur vie, ou de véritables drames en cours ou en devenir.
La situation générale a un côté monstrueux, où tout s’accélère et personne n’arrive à y croire. C’est un nouveau monde qui se dessine et qui arrive, et les gens, pour continuer à vivre, devront faire avec. L’espoir d’avoir une chance d’influer sur le cours des choses a l’air de s’être évanoui, après l’étrange annulation du référendum qui avait été annoncé en novembre dernier. Peut-être est-ce temporaire.
Mais en attendant, la notion d’avenir s’évanouit et celle de survie apparaît. Dans les années 30, le mot « dépression » a t-il été utilisé pour décrire l’état économique ou psychologique de la situation ? Ici, il n’y a plus de doute : il s’agit de la situation économique pour ceux qui ont déjà été emportés, et de la situation psychologique pour presque tous les autres.

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Passées les premières cordialités extrêmement chaleureuses, les gens révèlent un état de choc lorsque l’on prend le temps de discuter, comme ce qu’on a l’habitude de voir à la télé lors des suites de catastrophes naturelles.
La majorité des gens avec qui j’ai parlé ont les yeux mouillés et doivent constamment retenir leurs larmes en se confiant. Une étrange excitation incrédule est présente dans beaucoup de mes entretiens. C’est très étrange et très inquiétant. Impossible de rester insensible.
Pourtant ce sont des gens qui ne souffrent pas encore directement. Mais de voir sous leurs yeux s’effondrer la société de laquelle ils sont issu est trop monstrueux pour vraiment comprendre ce qu’il se passe. D’où probablement cet état de choc dans lequel ont l’air d’être beaucoup de gens. Pourtant on essaie de vivre normalement. Mais c’est plus qu’un malaise, il y a un truc qui ne tourne pas rond du tout.
Je développerai plus de choses là dessus à la fin de mon séjour.

3 commentaires:

  1. Extrait :
    "L’ajustement, c’est préparer l’émigration, à la campagne ou à l’étranger selon l’âge, ou changer de mode de vie : les rues se vident, les magasins, restaurants et cafés ferment en masse, même au centre ville, on se concentre sur l’essentiel."

    La Grèce, c'est le hors d’œuvre. En 2012, tout le système va s'effondrer, et c'est l'Ajustement généralisé qu'il faudra faire.
    Les psychopathes au pouvoir sont sourds, aveugles, et totalement indifférents à la misère qu'ils ont volontairement créée, et n'attendent que le prétexte : les protestations massives, pour imposer la Loi Martiale (en 2012). La démocratie n'existe plus, il n'y a pas d'alternative aux psychopathes qui contrôlent tout l'échiquier politicien.

    La solution est peut-être de reconstruire une société parallèle, autarcique, qui ne fonctionnera plus pour le "système marchand et financier" des psychopathes, qui ont malgré tout besoin de nous en tant que "parasites" qu'ils sont. Ils seront alors lentement condamnés à l'asphyxie, exclus de l'humanité.

    L'ami Pierrot

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  2. en Espagne il y a une ville qui fait du troc et a créé les Zoquitos pour des échanges :-) c'est une super solution !!

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  3. Et pendant ce temps-là, les gens dont les comptes sont "obèses" dans les banques suisses, monégasques, luxembourgeoises ou des îles caïmans, mênent la grande vie.
    Peut-être que ça les amuse de voir des gens pleurer... ou mourir de faim dans certains autres pays. Je ne comprendrai jamais cela.

    Il va sans doute falloir pas mal de temps et de larmes pour parvenir à gérer une telle situation (de lutte également, contre les multinationales et ces gouvernements qui sont leurs vassaux), mais je crois aussi que la solution c'est le troc et un maximum d'autarcie. Un retour à la monnaie locale également.

    Aidons-nous les uns les autres... Il est grand temps de faire marche arrière.

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