07 juillet 2011

Méduses, criquets et médias médusés par cette indocile nature



Drôles de coïncidences. Des méduses viennent de se faire remarquer en Écosse.
Elles ont eu l’audace de boucher le système de refroidissement d’une centrale nucléaire. Dieu merci, cet incident avait été prévu et les tuyaux ont été débouchés. Même si l’on peut évoquer avec un sens poétique douteux un tsunami de méduses comme il en arrive l’été sur les plages de Nice, les méduses ne représentent pas un danger pour les centrales nucléaires mais c’est un inconvénient majeur lorsqu’elles arrivent dans les stations balnéaires, pourrissant la vie des baigneurs et forcément le niveau des affaires touristiques locales. C’est d’ailleurs ce qui se passe sur les plages d’Israël, dont les fonds marins sont envahis par d’énormes méduses. 2011 sera-t-elle l’année des méduses, après son printemps arabe et son tsunami japonais ? Des méduses en avance, serait-ce le signe du réchauffement climatique, ma brav’dame ? Mais non, c’est juste le signe que la nature est plus vivace qu’il n’y paraît et que le vivant se contrefout des affaires humaines.

Le réchauffement sera sans doute invoqué à l’occasion d’un autre phénomène naturel, plus inquiétant que les méduses car il affecte des zones immenses de production agricole autour d’Astrakhan, ville célèbre pour sa fourrure produite à base d’agneau mais aussi capitale du caviar et cette année 2011, promue capitale du criquet. Cet insecte connu pour être ravageur en Afrique vient de se signaler dans cette région russe et les autorités ne savent plus où donner de la tête pour contenir ces nuages d’insectes se reproduisant à une vitesse incroyable et dévorant toutes les cultures sur son passage. Contrairement à la sauterelle, insecte paisible illustrant nos enfances bucoliques à la montagne, ou le grillon égayant d’un fond sonore les siestes provençales, le criquet ravageur se signale par un vol puissant ce qui lui permet de se déplacer rapidement et d’envahir toute surface où il peut trouver de quoi bouffer. Du coup, les autorités en place arrosent les champs à coup d’insecticide, au risque de mettre dans nos assiettes des saloperies à bouffer pour éviter que ces saloperies de bestioles ne viennent bouffer nos cultures.

Ces méduses, ces criquets jouant les commensaux, alors qu’en France, la précocité des récoltes céréalières inquiète, laissant augurer des rendements réduits. De quoi alimenter la crise alimentaire. Ah, saloperie de climat dit le pékin de bistrot ! En plus, une bactérie très agressive joue au chat et à la souris avec nos assiettes. Tout cela après le tsunami japonais et en pleine déconfiture de la Grèce endettée. De quoi susciter un sentiment d’apocalypse qu’on croyait réservé aux seuls témoins de Jéhovah mais qui gagne du terrain intellectuel, affectant même des scientifiques paraît-il. Et me voilà-t-il pas, observant tel un zombie sorti d’un film gore un étrange brouillard, en ce matin du 5 juillet. A cette époque, le ciel matinal est toujours dégagé, offrant parfois une palette de couleurs bucoliques mais cette fois, pas de phosphorescences solaires mais un brouillard à peine moins épais que ceux accompagnant notre lever courant novembre. Tout se dérègle, ma brav’dame, ya plus de saisons ! Ce brouillard en plein mois de juillet résonne comme un avertissement d’aliens venus du ciel pour avertir d’un effondrement du système bancaire. Mais non ! Un bon café et ces divagations ont vite disparu, mais pas la méditation sur cette nature qui, sans être déréglée, ne se gêne pas pour être indocile. Les bactéries agressives, des méduses envahissantes, des tsunamis, des nuées de criquets dévorant les récoltes, des rendements céréaliers en berne mais, une bonne nouvelle, les melons sont excellents, comme les tomates, et pas chers, un euro le kilo sur les marchés. L’hiver pourrait néanmoins s’avérer être glacial, si l’on en juge par la texture des oignons frais ainsi que les nouvelles d’un soleil en berne si l’on en croit les observations transmises par les astrophysiciens.

Le soir, tout était rentré dans l’ordre et je me retrouvais dézombifié à écouter cette fameuse reprise de Paint it black par Jody Grind. Vous ne connaissez pas Jody Grind, vous avez tort, cet éphémère groupe a produit deux excellents albums en 1969 et 1970. A cette époque, je n’ai pas le souvenir de ces paniques climatiques, sanitaires, virales. Les gens vivaient dans un monde différent. C’était plus cool, pas forcément plus intéressant. Il n’y avait pas d’affaire DSK. Et un sentiment de légèreté mais assez contrasté, tout dépendait où on se situait, comme du reste actuellement, car même avec un chômage massif, les situations correctes sont courantes. Et puis qu’est-ce qu’on s’en tape, des situations. Il faut de la distance, de l’ironie, de la dérision. Même que le président Sarkozy nous y invite, lui qui en pince sans rire nous trace un tableau d’une crise ayant duré 40 ans alors qu’en 2011 ? Euh… c’est le merdier en Libye, le retour de DSK, l’invasion des méduses, des bactéries et des criquets et les céréales et la sécheresse et la hantise d’un baril de pétrole à 200 dollars et la douce légèreté d’un coucher de soleil dessiné par de flamboyants cirrus crachant un spectre de couleurs fauves.

Tout ira bien, 40 ans de crise en France mais cette fois, ça y est, on est près de sortir de la crise. Non, c’est pas vrai, qui a dit ça ? Eh bien notre président Sarkozy. Oublions les virus, les volcans islandais, les bactéries, les méduses, les tsunamis, les finances grecques et portugaises, les tempêtes Xynthia, Hulot et Hollande, le baril, les merdias et DSK, tout va bien se passer, la crise est dépassée a dit notre président. Nous entrons dans une autre ère, l’avenir est radieux, éclairci, paisible, le chaos est fini, Ouf !

C’est avec sérénité que je m’endormais, avec le souvenir de ces hibiscus syriacus en fleur au retour de ma balade en vélo sur le campus désert de Talence. En fleur, oui mais avec un mois d’avance. Pas dans la moyenne mais normal, aurait dit Canguilhem. Normal parce que les melons ont un mois d’avance et les lauriers roses aussi. La crise était dissipée. Le lendemain, zappant sur les infos, que vois-je, un énorme nuage de poussière, une tempête de sable historique s’abattant sur la ville du Phoenix. Du coup je me suis rappelé le brouillard, les nuages de criquets et tout ça. Cette tempête de sable ! Moi qui croyait la crise finie. Sarkozy aurait menti ? 


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