Wolfgang Hetzer, l’un des haut responsables anti-corruption de l’OLAF, l’Office européen de lutte anti-fraude, a écrit un livre analysant comment des criminels en col blanc ont conçu la crise financière actuelle, pour leur profit.
Dans une série d’entrevues dans les médias allemands, Hetzer dit que les politiciens de haut niveau participent aux crimes de la mafia financière, que le système judiciaire n’est pas en mesure de faire face à des crimes de cette nature – aux États-Unis ils ont les lois RICO – c’est donc aux peuples de prendre des mesures.
L'article du journal allemand « Die Welt » traduit :
"Le monde financier et la mafia"
Peu de personnes connaissent aussi bien la criminalité organisée que Wolfgang Hetzer, Chef du Département du renseignement d'évaluation stratégique et d'analyse à l'Office européen de Lutte AntiFraude (OLAF) à Bruxelles. Dans «Die Welt», il parle des machinations des gestionnaires financiers et des politiciens, qui ont conduit à la Grande Dépression et à la crise de la dette européenne.
Die Welt : M. Hetzer, les causes de la crise financière ?
Wolfgang Hetzer : Le Premier ministre grec Giorgos Papandreou a déclaré en Allemagne que son pays est dans cette situation à cause de la corruption, très répandue en Grèce. Néanmoins, dans mon livre "la mafia financière", j’exprime ma vision personnelles des choses, qui n’engage aucunement la Commission Européenne.
Die Welt : Vous dite que la crise financière internationale n’est pas une « catastrophe naturelle ».
Wolfgang Hetzer : Cette crise n'est certainement pas une « catastrophe naturelle ». Ce n'est pas une fatalité. Ce n'est pas une malédiction, mais elle a ses racines dans des actions volontaires alliées aux défaillances humaines. Pour que cette « crise » survienne, il fallait engager des paris sur des produits financiers hautement spéculatifs, tels que les dérivés. Et il était nécessaire d’en empêcher toute lisibilité et d’éradiquer toute structure efficace de surveillance.
Die Welt : Ou sont les coupables ?
Wolfgang Hetzer : Les coupables sont dans l'industrie financière, pour finaliser les paris, et leurs complices politiques, qui ont permis ces paris et pris aucunes mesures empêchant les banques d'investissement d’agir. La liste des transgressions des politiciens est longue.
Die Welt : Quelles sont elles ?
Wolfgang Hetzer : Les politiques ont permis aux entreprises financières de réaliser toutes ces opérations. Ils savaient que les banques ne pouvaient pas supporter le risque, puisqu’elles ne disposaient pas de suffisamment de fonds propres. Ils n'ont pas eu d’évaluations par les institutions financières, de ces produits financiers, alors que c’était indispensable. Les politiciens ont autorisé que les risques liés au crédit soient supportés jusqu'à 100 pour cent par les banques. Les politiciens ont fermé les yeux aussi bien sur la législation du travail que sur les institutions financières.
Die Welt : On pense que les politiciens ont des conseillés ?
Wolfgang Hetzer : Mieux que ça. Pensez aux lois sur les investissements de modernisation, sur la stabilisation du marché financier et sur l'accompagnement supplémentaire. Elles sont nées directement du privé. Parce qu’évidemment, l'expertise nécessaire à la bureaucratie gouvernementale existe, et le gouvernement a confié l’expertise de ces projets de lois à des avocats de l'industrie financière. La politique est le métier principal des politiciens, et ce sont en fait les experts privés qui légifèrent. Aux frais des contribuables.
Die Welt : Les politiques sont les laquais des spéculateurs ?
Wolfgang Hetzer : Pire. Les politiciens sont aux mains de l’industrie financière, ils ont un anneau dans le nez, et on les contrôle sur la scène mondiale. L'industrie financière a investie des milliards dans les politiciens. C’est de cette façon que les membres de la Commission du Congrès américain ont favorisé les circonstances qui ont mené à la crise financière.
Die Welt : Dans votre livre «Mafia financière", vous vous plaignez d'une "culture dominante de la corruption". Que voulez-vous dire?
Wolfgang Hetzer : J'entends par là que dans les conseils d'administration, la corruption économique et politique sont la pratique courante. Le bon sens économique n’existe plus. Il n’y a plus de contre pouvoir. Au lieu de cela, une politique d'intérêts à sens unique.
Die Welt : Comment décrivez-vous cela ?
Wolfgang Hetzer : Le monde financier suit la logique mafieuse, faire un maximum de profit avec un minimum de risques. Cela signifie que tous les moyens sont bons, toutes formes de propositions, le contrôle des entreprises, des gouvernements et de la politique. L'idée d’une mafia très dangereuse, caractérisée par la violence, est une vision naïve. Leur plus grande menace est leur influence, grâce à leurs connexions tentaculaires, leur capacité de destruction économique, la transformation des lois économiques à leur propre avantage. Telle est la logique mafieuse.
Die Welt : Qui est derrière cette mafia financière ?
Wolfgang Hetzer : Elle inclue toutes les institutions financières, toutes les banques d'investissement qui agissent exclusivement pour leurs propres bénéfices, jusqu’à la trahison de leurs propres clients. Ils leurs vendent des produits financiers et parient en même temps à la baisse. Pourquoi est-ce si évident, dit le procureur général de New York ? Par ce qu'ils ont fait sur le marché immobilier, qui correspond à des actions mafieuses.
Die Welt : Quel est le rôle exact de personnes comme le Chef de la Banque d’Allemagne, Josef Ackermann, lors de la crise financière ?
Wolfgang Hetzer : Ackermann a sans aucun doute beaucoup de pouvoir. Et parce que c'est le cas, il a un rôle proche de l'ex-président de la Fed, Alan Greenspan. Si Greenspan souri, c’est immédiatement interprété comme un signe. Peut-être ne savait-il pas pourquoi il souriait. Si Ackerman dit quelque chose sur la Grèce ou l'euro, tout le monde l’écoute attentivement. Il est puissant en vertu de sa fonction.
Die Welt : Quelles sont les motivations au sein de la mafia financière ?
Wolfgang Hetzer : C'est l'avidité qui les anime. La cupidité et les privilèges. Grâce à la bonne volonté de tous, ils participent à cette orgie d'enrichissement, qui est le seul but recherché. Qui n'a pas un ego hypertrophié ne s'élève pas dans le monde financier. Ce sont des gens qui se comparent en permanence, une sorte de morbidité du succès, sinon ils ne feraient jamais ce qu’ils font.
Die Welt : Qui est malade se soigne ...
Wolfgang Hetzer : Ces gens n’ont aucune sensibilité. Avec la mondialisation, ils ont un pouvoir immense, ils se prennent pour Dieu. Le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, a dit littéralement: «Nous faisons le travail de Dieu." Malheureusement, ils n’ont aucune intention d’utiliser ces montagnes d’argent utilement.
Die Welt : Comment est-ce possible ?
Wolfgang Hetzer : Parce que personne ne s'oppose à eux. Parce que les politiciens ont volontairement abdiqués, l'électeur peut faire ses adieux à la politique. Tout est abandonné à la sphère privée, et il ne nous reste plus qu’à nous plaindre que de toute façon, ils font ce qu'ils veulent. C'est une attitude fréquente en cas de catastrophe.
Die Welt : Que voulez-vous dire ?
Wolfgang Hetzer : La situation s'aggrave. Que se passerait-il si la Grèce ne payait pas fin de Juin ses fonctionnaires ? Quelles sont les alternatives entre faillite de l'Etat et poursuite des programmes d'aide ? En Grèce et en Espagne le mécontentement grandit. On ne croit plus les politiciens. Les gens prennent conscience de cette culture « cleptocratique » des élites. Ils se sentent trahis par ces cliques, l’échec de la politique et des affaires.
Die Welt : L’Etat complice ?
Wolfgang Hetzer : Norbert Bluem a déclaré que le gouvernement joue maintenant une partie de poker. Il est le garant de milliards de pertes. Il paie l’addition. Les banques allemandes et françaises ne craignent rien de pire que la faillite de la Grèce, parce qu'ils devraient subir des pertes gigantesques. Ainsi, les recettes fiscales qui existent encore, sont dépensées par les mêmes personnes qui on participé au désastre.
Die Welt : Pouvons-nous sauver les banques ?
Wolfgang Hetzer : Pas de problème. Tout l'argent indispensable aux besoins sociaux urgents, est maintenant utilisé pour payer les intérêts dus aux banques. Mais ce n'est évidemment pas expliqué.
Die Welt : Pourquoi n'y a-t-il pas de débat politique sur les responsabilités ?
Wolfgang Hetzer : Je n'ai pas d'explication. Au contraire, les machinations mafieuses de la finance continues, c’est obscène. Des millions de gens vont tout perdre, plus aucun avenir. C’est dévastateur pour des sociétés entières. Mais cela demeure impuni.
Entretien réalisé par Günther Lachmann
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