A ne pas perdre de vue dans ces temps difficiles : l'accumulation de matière lourde n'est que celle de la terre sur la graine à germer. Terre et fumier.
Les maîtres du temps présent ne dissimulent plus leur volonté de nous asservir tous, quelles que soient notre couleur, notre âge, notre classe sociale, notre religion. La haine et le dégoût qu'ils inspirent est un puissant fertilisant. Tous esclaves d'un même maître, le dieu de la matière. Comme l'a démontré René Guénon - béni soit-il - ce dieu là veut d'innombrables sujets. Croissez et multipliez, esclaves nus et démunis de toute liberté, de toute conscience !
Ce déferlement de pesanteur et de contraintes est insupportable et nous mène au cancer, au suicide, au renoncement, au goulag ou à l'hopital psychiatrique au pire, à l'éclosion tant désirée au mieux.
Car ce choix ne nous est pas enlevé. La pression, l'insuportable pression qui nous écrase, le rabot qui nous lamine, le vent qui nous balaie sont en vérité nos meilleurs alliés pour que nous franchissions le pas qui s'ouvre devant nous.
Poussés au cul par l'inconcevable, l'inadmissible. Passerions-nous, sans cela ?
Il y a maintenant 30 ans, je roulais en 2CV camionnette, dans laquelle ce jour là, j'avais avec l'aide d'une autre personne, péniblement déposé un gros et très lourd compresseur qu'on m'avait prêté, que j'allais rendre, et que j'avais prévu de débarquer avec de l'aide, bien sûr.
Pour une raison floue, je me suis soudain trouvé privé de frein. Arrivant à un stop, j'ai rétrogradé au maximum, puis j'ai ouvert la porte pour freiner au pied.
Et là, des flammes ont surgi de sous la voiture qui brûlait. J'ai instantanément pensé au compresseur. Je suis sorti à toute vitesse, ai ouvert les portes arrière, empoigné ce gros truc, l'ai porté sur vingt ou trente mètres avant de le poser sur le bas-côté, et de regarder flamber la voiture. Puis de me rendre compte que j'avais accompli spontanément sous la pression un tour de force. L'objet devait peser 80 ou 100 kg.
La sagesse populaire le sait : la peur donne des ailes.
Lao Yu aussi : c'est dans la chute que les ailes poussent, dit-il.
Nous sommes des graines spirituelles semées en terre, sur lesquelles les laborieux et fétides jardiniers du pire jettent leurs maléfices.
Notre choix est le suivant : mourir étouffés, vaincus, submergés par la pesanteur sous toutes ses formes, peur, regret, attachement, ou jeter hors de la carapace de notre ego ce germe puissant qui seul peut soulever cette croûte et grimper vers le ciel, renversant tous les obstacles.
Garder un espoir pour la soif, telle est la Voie.
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