26 avril 2011

Il est possible de se sortir d'un piège



Toutefois, pour vouloir sortir d'une prison, il faut au préalable avouer que l'on est dans une prison. Le piège est la structure émotionnelle de l'homme, la structure de son caractère. Ce n'est pas très utile d'élaborer des systèmes de pensées pour déterminer la nature du piège, si la seule chose à faire pour en sortir est de le connaître et de trouver la sortie.

Tout le reste est totalement inutile: chanter des hymnes sur la souffrance dans le piège, comme l'ont fait les esclaves africains, ou écrire des poèmes sur la beauté de la liberté hors de ce piège, rêver au sein même du piège; or promettre une vie hors du piège, après la mort; comme le catholicisme l'a promis à ses congrégations; ou confesser un semper ignorabimus, comme le font les philosophes résignés; ou construire un système philosophique autour du désespoir à vivre dans le piège, comme l'a fait Schopenhauer; ou rêver d'un superman qui serait tellement diffèrent de l'homme dans le piège, comme Nietzsche l'a fait, jusqu'à ce que, prisonnier dans un asile pour lunatiques, il écrive sa totale vérité sur lui-même – trop tard...

La première chose est de trouver la sortie du piège.

La nature du piège n'a aucun intérêt qui ne soit meilleur que celui d'OÙ SE TROUVE LA SORTIE DE CE PIÈGE?

On peut décorer un piège pour se rendre la vie plus confortable à l'intérieur. C'est ce qu'ont fait les Michel-Ange, les Shakespeare et les Goethe. On peut inventer quelques engins improvisés pour s'assurer une vie plus longue dans le piège. C'est ce qu'ont fait les grands scientifiques et physiciens, les Meyer et les Pasteurs et les Flemming. On peut s'inventer la guérison des os cassés quand on tombe dans un piège.

La question cruciale reste encore: trouver la sortie de ce piège.



OU EST LA SORTIE DANS CET ESPACE OUVERT SANS FIN?

La sortie reste cachée. C'est la plus grande des énigmes.
Voici la chose la plus ridicule et la plus tragique:

LA SORTIE EST CLAIREMENT VISIBLE POUR LES GENS PIÉGÉS DANS LE TROU. CEPENDANT PERSONNE NE SEMBLE LA VOIR. TOUT LE MONDE SAIT OÙ LA SORTIE SE TROUVE. CEPENDANT PERSONNE NE SEMBLE SE DIRIGER VERS ELLE. PLUS ENCORE: QUICONQUE SE DIRIGE VERS LA SORTIE, EST DÉCLARÉ FOU OU CRIMINEL OU PÊCHEUR BON À BRÛLER EN ENFER.

Du coup le souci n'est pas avec le piège, ou même avec la question de trouver la sortie. Le souci est À L'INTÉRIEUR DES GENS PIÉGÉS.

Tout cela, vu de l'extérieur du piège, est incompréhensible pour un simple d'esprit. C'est même quelque peu insensé. Pourquoi ne se dirigent-ils pas vers la sortie qui est clairement visible? Dès qu'ils se trouvent près de la sortie ils commencent à hurler et s'en vont. Dès que quelqu'un parmi eux essaient de sortir, ils le tuent. Très peu seulement peuvent se glisser hors du piège dans la nuit obscure quand tout le monde est endormi.

Wilhelm Reich, The Murder of Christ: the Emotional Plague of Mankind,
Farrar, Strauss and Giroux, NYC, 1953, pp.3-4.
Publié sur le blog de Marc Lafontan

1 commentaire:

  1. Juste un petit commentaire sur le passage "tout le reste est totalement inutile..... trop tard...
    Je trouve que l'auteur fait des comparaisons peu judicieuses. Il y a une grosse différence entre les chants d'esclaves, la poésie, voir la philosophie (tout dépend de quoi elle traite) et la religion (le catholicisme est cité mais n'est pas la seule ainsi).
    Dans le premier cas, il y a un éveil des consciences possible, car pour voir le piège, encore faut il savoir qu'il est là. Les chants, poésies, livres (peuvent) permettent l'éveil, et l'éveil la réaction. Une autre vie est possible, ne soyez pas résignés.
    Dans le deuxième cas, la religion ici, prêche effectivement la résignation. Ici c'est le piège, la mort vous libérera.
    Pour le reste du texte, je laisse à chacun, l'art et la manière d’échapper au "piège".

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