Beaucoup se méprennent sur le sens de la riposte russe aux tirs occidentaux. Moscou aurait pu ne pas répondre. Pourquoi Poutine l’a-t-il fait ? Mon hypothèse, c’est que le message est destiné à Donald Trump autant qu’à l’actuelle “administration” ou ce qu’il en reste. On assiste une fois de plus à une de ces sempiternelles poussées d’hystérie médiatiques qui semblent bien jalonner cette guerre en l’Ukraine. Ainsi selon eux : « Biden [ en pleine démence, il faut leur rappelé ] aurait autorisé le tir des missiles dans la profondeur … bla bla bla … le monde au bord de la guerre nucléaire … bla bla bla … le président russe se terre de terreur … bla bla bla … ». D’ici deux jours on aura oublié, jusqu’à la prochaine. Ainsi va la guerre américaine en Ukraine … dans les médias mainstream ! En revanche, les agités de Washington ont fourni à Poutine un prétexte idéal pour mettre les points sur les i vis-à-vis de Donald Trump.
Si jusqu’à récemment, on pouvait – encore – à l’efficacité de leur narrative d’apocalypse, telle n’est désormais plus le cas avec l’immense défaite qu’ils viennent de se voir brutalement infliger à l’occasion des récentes élections américaines, et ce n’est qu’un début vu les premières conséquences
Une simple et hilarante anecdote – caricaturalement française en plus – résume parfaitement cette défaite quand un journaliste – ou passant pour tel – tombe littéralement en syncope en direct sur le plateau où il officiait…. En fait l’image de Patrick Cohen faisant un authentique malaise vagal date de 2015. Mais des observateurs malicieux de notre paysage médiatique ont détourné la vidéo, comme si notre folliculaire bien-pensant s’était évanoui lorsque sont tombés les résultats annonçant la victoire de Trump, juste après qu’il eut péroré sur sa défaite.
C’est très drôle! Et elle nous pointe bien le fait que beaucoup de journalistes des médias mainstream, sur les deux rives de l’Atlantique, étaient au bord de l’évanouissement le 5 novembre au soir.
Cette réaction cataleptique est éminemment intéressante en ce qu’elle est typique de ceux sur la tête desquels tombe – non pas le ciel, mais bien – la réalité dans toute sa brutalité après qu’ils l’eussent si longtemps niée.
Elle est donc intéressante en ce qu’elle n’est que prémonitoire de ce qui arrivera forcément à tous ces faucons américains et leurs pantins européens quand la réalité s’imposera sur le terrain ukrainien.
En attendant, quel est le fond de sauce de cette nouvelle hystérie ?
La guerre médiatique occidentale face à l’efficacité russe
Comme d’habitude, il s’agit d’une opération médiatique dont on ne sait plus vraiment si elle n’est que la tactique américaine à quoi se réduit cette guerre coté occidental ou une réaction instinctive pour exorciser l’éminence d’une défaite inévitable ou les deux.
Cette tactique américaine – à un niveau si sommaire de réflexion, on doit exclure le terme de stratégie – consiste simplement à croire (wishfull thinking ) que la guerre se gagne par les médias , et que par conséquent il faut alimenter ceux-ci en créant des incidents tactiquement mineurs mais immédiatement exploitables médiatiquement pour rassurer les foules et les faucons, tout en laissant accroire qu’on défie l’autre par une provocation.
Il y a donc deux niveaux de « pensée magique » américaine : 1° – l’effet médiatique est plus important que l’effet réel sur le terrain, 2° que le Russe est censée penser la même chose et par conséquent qu’il a peur de l’effet médiatique produit par les médias mainstream. Pour résumer, la guerre en fait n’est que dans les médias, le terrain pourtant de – l’affrontement – ne servant plus que de studio de tournage, moyennant quoi simplement suffit-il d’alimenter ce studio en lui fournissant autant d’armement que nécessaire.
On admettra qu’une telle conception, pour surprenante qu’elle soit , n’en est pas moins originale. Aussi est-il nécessaire pour en juger de la pleine efficacité que de l’observer dans d‘autres guerres américaines. Deux d’ailleurs suffiront amplement à cela.
La première est celle d’Afghanistan où malgré 20 ans de bombardement aveugles et de mensonges médiatiques à tous les étages, la grande Army s’est finalement enfuie la queue basse, à tel point d’ailleurs que le tout nouveau président Trump a décidé d’en virer les généraux responsables dès qu’il sera aux affaires.
La seconde est celle contre les Houthis pour reprendre le contrôle de la mer Rouge. Dans celle-ci, c’est la grande Navy qui a jeté l’éponge d’elle-même après que les méchants Houthis aient osé faire quelques trous dans la coque de ses bateaux imprudemment égarés sous l’empreinte de leurs missiles.
On ne peut alors que saluer cette constance américaine à persister à cultiver la perspective de victoire en Ukraine avec les médias mainstream, alors que tout cerveau normalement constitué sait d’ores et déjà ce qu’il adviendra en Ukraine, sauf bien sûr les futurs « cataleptiques ».
Mais, on sent malgré tout et au terme de presque trois ans de guerre une certaine fébrilité parmi le personnel « infirmier » entourant le très grand président Biden.
Les limites des capacités militaires américaines exposées
En plus ce personnel vient lui aussi de subir de plein fouet le désaveu le plus flagrant de la part d’une opinion publique américaine manifestement et majoritairement excédée des pitreries que ce personnel fait endossé à son président si docilement dément.
Et c’est de ce fait là précisément – autrement dit de l’effet Trump – que la fébrilité constatée se transforme bien en une peur réelle, aggravée de plus par une fin de partie annoncée pour le 21 janvier 2025, échéance au de là de laquelle le personnel infirmier en question pourrait se transformer en simples citoyens justiciables.
Comme le temps presse, il faut alors changer de tactique ce qui signifie en américain de faire exactement la même chose mais en encore plus fort. D’où le désormais hyper- médiatique :
Biden autorise le tir des missiles dans la profondeur … bla bla bla … le monde au bord de la guerre nucléaire à cause de Poutine … bla bla bla ».
Concrètement, sur le terrain il ne s’est rien passé de plus que la routine habituelle : quelques missiles Atacoms ont été tirés – sans résultat – ainsi que quelques Storm Shadow aussi, mais cette fois les Russes admettent quelques perte humaines* (* alors que les Américains les auraient tués, notons-le ) .
On note comme d’habitude que “mainstream” évoque ces tirs tout en omettant volontairement qu’au même moment les Russes en envoyaient 10 fois plus, et autrement plus destructeurs sur le territoire ukrainien. Mais comme on l’a dit le terrain ne compte pas.
Portons alors un jugement sur l’efficacité militaire réelle car nous avons pour ce qui nous concerne et pour l’avoir aussi vécu la certitude inverse de celle des Américains : la guerre se joue sur le terrain, pas dans les salons ni les studios. À bon entendeur …
Missiles russes et message clair : un avertissement au-delà du théâtre ukrainien
UN tel jugement cependant fait appel à des connaissances dont très peu d’individus sont détenteurs, y compris chez les militaires, à savoir la culture missile et celle de la guerre des missiles et en général des feux dans la profondeur.
Objectivement – qu’on nous croie ou pas, on s’en moque – ces tirs américains puent littéralement la trouille et non la provoc. Les Atacoms d’abord : tous ont été éliminés, ce qui est conforme à ce qu’est ce « vieux fer à cheval » juste bon à émouvoir la ménagère démocrate de plus de 50 ans.
Le Storm Shadow est peut être plus récent mais pas plus performant, sauf qu’il doit être lancé à partir d’un aéronef. Et là on rentre dans les considérations très complexes des dispositifs de détection et de défense anti-aérienne et dont on sait – toutes choses égales par ailleurs – que les Russes les maîtrisent supérieurement à ces Occidentaux qui veulent à tout prix la guerre mais qui n’osent même pas risquer leur peau, seulement celle des Ukrainiens.
Moyennant quoi, la conclusion qui s’impose est que le tir de ces missiles à été calculé au minimum de risque humain acceptable – soit impérativement la vie du pilote de F-16 – , combiné à l’exploitation maximale des avantages du missile à très basse altitude, de la configuration géographique et de l’équation du radar, aucun de ces missiles n’aurait pu aller au-delà de ce qui a été obtenu. Or ceci correspond à la définition même de l’échec militaire objectif, comme un archer tirant au max des possibilités de son arc sans se faire hacher lui-même.
Donc, la “provoc” en question ne correspond qu’à la signature des capacités limites adverses et vouloir alors les franchir signifierait pour les Américains un engagement direct. Or ils ne le veulent à aucun prix et les Européens aboyeurs n’en ont aucune capacité autre que verbale.
Pour résumer, il suffit simplement de plagier le titre d’un roman très connu : « À l’Est, rien de nouveau »
Sauf que, pour une fois le Russe n’a pas réagit comme d’habitude, c’est à dire par le mépris ce qu’il eût pu faire, et c’est lui en fait qui vient délibérément de perturber la routine de cette guerre en tirant immédiatement un missile hors norme – du nom d’Oreshnik parait-il – , et dont le but manifeste est … d’affoler le Pentagone et consort, mais pas vraiment le crétin médiatique de toutes les façons incurable.
Pour résumer simplement : on ne connaît pas le missile tiré par les Russes ou certains croient le connaître mais se trompent puisqu’on est au cœur même de la stratégie des moyens, quelque chose que tout le monde ignore, militaires compris.
La sidération comme arme
La seule chose dont on puisse préjuger est la destruction effective qu’il a provoquée moins de 24 heures après le tir de Storm Shadow, et qui se trouve être une infrastructure industrielle essentielle à l’effort de guerre ukrainien soutenu par l’Occident. Ainsi par exemple l‘arrogant patron allemand de Rheinmetal ne peut-il constater que la fin de ses effort et la disparition par effet de guerre ( métaphore ) de son personnel technique ingénument déployé en Ukraine et ce malgré la profondeur des installations visées. Ce qui confirme alors que les Américains « jouent » mais pas les Russes – qui agissent en plus avec une lenteur calculée.
Le missile tiré semble être un IRMB ( type balistique nucléaire d’une portée de 5.000 km ), Il est “Mirvé” comme on dit dans le jargon militaire ( il largue plusieurs sous-munitions elles mêmes auto-propulsées et à trajectoires indépendantes, idéal pour un traitement surfacique simultané ), et surtout hypervéloce ( vitesse évaluée à Mach 12, donc indétectable, inarrêtable et n’ayant aucun besoin de charges classiques pour pénétrer profondément le sol ) et par conséquent il est sourd ( ce qui signifie qu’on entend pas les explosions ), etc …
Il ne serait que présomptueux de préjuger de l’intention russe au travers de l’emploi d’une telle arme, sauf d’envoyer un message clair à qui de droit, non sur les intentions mais les capacités ( en clair, l’Europe plierait immédiatement le cas échéant sous le coup d’un tel missile ), qu’il peut être déployé sur tout autre zone que le théâtre ukrainien ( suivez mon regard ). Bref, Kiev qui pour l’instant est la ville la plus sécurisée d’Ukraine grâce aux Russes devient ainsi un objectif idéal avec tous ces centres de corruption jusqu’ici épargnés.
Pour résumer, la seule conclusion possible est que la réaction russe recherchait un effet de sidération, renforcé par la rapidité de sa mise en œuvre, non pas en direction des populations maintenues dans l’ignorance, dont les Européens, ni de l’ex-président ukrainien qui n’a toujours eu qu’un rôle prévisible de figurant, ni du personnel infirmier évoqué plus haut mais de ceux qui au contraire peuvent toucher celui-ci.
Poutine a envoyé un message aux Américains
Moyennant quoi, l’enjeu se situe donc au cœur même de l’étrange situation intérieure américaine.
L’élection de Trump s’est en fait jouée trop facilement et les démocrates, sidérés eux aussi, sont en incapacité de réagir. Donc « sauver les meubles » avant la mise en place de la nouvelle administration ne repose plus sur ce que les médias alternatifs US appelle « l’administrateur Biden » et donc notre « personnel infirmier ». Que peut-il faire, étant entendu qu’il ne s’agit pas vraiment de « lumières », sinon ce qu’il ont toujours fait, c’est à dire savonner la pente de leurs successeurs avec une nouvelle guerre par exemple, de manière à ne leur laisser d’autre choix que de la poursuivre.
Sauf que rien ne dit que l’équipe Trump ne partage pas une même approche, au contraire. Par conséquent, le message s’adresse bien à elle, auquel cas, comme elle est déjà bloquée au Moyen-Orient, elle peut ainsi mesurer également à quel point elle est d’emblée bloquée sur le dossier ukrainien avant même d’arriver aux affaires. Mais comme elle non plus n’est pas en mesure de le comprendre pleinement, l’idée est donc de lui retirer toute capacité ou marge d’initiative. Par ailleurs la guerre en Ukraine n’ayant rien d’essentiel quant à la future configuration mondiale en cours de construction, forcément le jeu russe se doublera le moment venu d’un jeu chinois coordonné.
Ce ne sont que des hypothèses certes, mais qui – on l’espère – situent bien le jeu réel en dehors et au dessus de celui, dépassé, que “Mainstream” prétend décrire.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/11/22/en-tirant-un-missile-hypersonique-et-hyper-destructeur-poutine-a-envoye-un-message-a-trump-par-alexandre-n/?
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