28 octobre 2024

Le nucléaire en Inde

L’Inde dispose d’un vaste programme nucléaire national. L’énergie nucléaire est la cinquième source d’électricité du pays après le charbon, le gaz, l’hydroélectricité et l’énergie éolienne. N’ayant pas signé le Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires du fait de son programme d’armement (et de son aspiration au statut de grande puissance), l’Inde a pendant 34 ans largement été exclue du commerce des installations et des matériaux nucléaires. Cela a ainsi entravé jusqu’en 2009 son développement de l’énergie nucléaire civile. Par ailleurs, en raison d'interdictions commerciales antérieures et du manque d'uranium local, l'Inde a développé un cycle de combustible nucléaire unique pour exploiter ses réserves de thorium. Depuis 2010, une incompatibilité fondamentale entre le droit indien de la responsabilité civile et les conventions internationales limite l’offre de technologies étrangères.

En novembre 2020, l'Inde comptait 23 réacteurs nucléaires en service dans 8 centrales nucléaires, représentant une capacité installée totale de 7 380 MW. L’énergie nucléaire a produit un total de 43 TWh en 2020-2021, contribuant à 3,11 % de la production totale d’électricité en Inde (1 382 TWh).

Dix réacteurs supplémentaires sont en construction, avec une capacité de production combinée de 8 000 MW. La technologie nucléaire la plus couramment utilisée en Inde est le réacteur à eau lourde ou le réacteur à eau pressurisée (comme en France).

Histoire :

Plusieurs physiciens indiens, notamment Daulat Singh Kothari, Meghnad Saha, Homi J. Bhabha et R. S. Krishnan, ont mené des recherches pionnières en physique nucléaire en Europe dans les années 1930. Le 23 mars 1948, le Premier ministre Jawaharlal Nehru a présenté le projet de loi sur l'énergie atomique au Parlement indien, qui a ensuite été adopté sous le nom de Loi indienne sur l'énergie atomique. Il s’inspire de la loi britannique sur l’énergie atomique de 1946.

Après la construction à Trombay en 1955, d’un petit réacteur nucléaire nommé « Apsara » (1er réacteur nucléaire d’Inde et d’Asie inauguré le 20 janvier 1957), le gouvernement indien a lancé le 11 octobre 1960, le projet de construction de la première centrale nucléaire indienne près de Tarapur, dans le Maharashtra, Cette centrale composée de deux réacteurs générant chacun environ 150 MW d'électricité a été mise en service officiellement en 1969.

L'Autorité de sûreté : AERB

L’Autorité de Sûreté Nucléaire Indienne appelée AERB (Atomic Energy Regulatory Board) a été créé le 15 novembre 1983 par le Président de l'Inde Sa mission est de garantir que l'utilisation des rayonnements ionisants et de l'énergie nucléaire en Inde n'entraînent pas de risques excessifs pour la santé des personnes et de l'environnement.

Ainsi l’AERB développe et définit des exigences et des orientations en matière de sûreté qui couvrent l'ensemble des installations, activités nucléaires et radiologiques réglementées. Ils Elles sont classées de la manière suivante : codes et normes de sûreté, directives de sûreté, guides et manuels de sûreté.

L’exploitant nucléaire : NPCIL

Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL) est une entreprise du secteur public sous le contrôle administratif du Department of Atomic Energy (DAE) du gouvernement indien. La société (créée en 1987) a pour objectifs d'exploiter des centrales nucléaires et de mettre en œuvre des projets d'énergie atomique pour la production d'électricité (conformément aux plans et programmes du gouvernement indien dans le cadre de la loi atomique de 1962). NPCIL est responsable de la conception, de la construction, de la mise en service et de l'exploitation des réacteurs nucléaires.

Les technologies de réacteurs en Inde :

IPHWR (Indian Pressurized Heavy Water Reactor) :

L'IPHWR est un réacteur Indien à eau lourde conçu par le Bhabha Atomic Research Centre (BARC). La conception de base de 220 MWe a été développée à partir des réacteurs CANDU. Il s’agit des réacteurs RAPS-1 et RAPS-2 construits à Rawatbhata, au Rajasthan. Le RAPS-1 a été mis en service en 1973, mais l’arrêt de la coopération avec les Canadiens en raison du développement réussi d'armes nucléaires par l'Inde dans le cadre de l'opération « Smiling Buddha », a repoussé la mise en service du RAPS-2 en 1981.

L'Inde a demandé l'aide de l'Union soviétique qui conçoit le réacteur VVER (technologie du type réacteur à eau sous pression) pour la conception et l'indigénisation des centrales par le BARC en partenariat avec les fabricants indiens Larsen & Toubro et Bharat Heavy Electricals Limited. Grâce à cela, une conception entièrement indienne de capacité de puissance IPHWR-220 a été conçue et deux unités ont été construites à Kalpakkam au Tamil Nadu.

Une fois la conception de l'IPHWR-220 terminée, la conception d’un réacteur d’une plus grande capacité de 540 MW a été lancée en 1984 sous l'égide du BARC en partenariat avec NPCIL. Deux réacteurs de ce type ont été construits à Tarapur, Maharashtra à partir de l'an 2000 et le premier a été mis en service le 12 septembre 2005. Il s’agit des réacteurs de Tarapur-3 et Tarapur-4. La conception a ensuite été améliorée vers une conception de 700MW.

Unit 3 and 4 of Tarapur Power Station

La conception de l'IPHWR-540 a ensuite été mise à niveau pour atteindre une puissance de 700 MWe dans le but principal d'améliorer le rendement énergétique mais aussi de développer une conception standardisée qui sera installée sur de nombreux sites à travers l'Inde dans le cadre d'un effort en mode flotte. La conception a également été améliorée pour intégrer les fonctionnalités de génération III+.

Représentation schématique du PHWR

 Le FBR :

Le programme indien de Fast Breeder Reactor FBR (réacteur nucléaire à neutrons rapides surgénérateur) constitue un élément crucial de la stratégie nationale visant à développer ses capacités énergétiques nucléaires et à assurer la sécurité énergétique. La pièce maîtresse de ce programme est le Prototype Fast Breeder Reactor (PFBR) situé à Kalpakkam, au Tamil Nadu.

Le PFBR est un réacteur rapide refroidi au sodium de 500 MW conçu pour générer plus de matières fissiles qu’il n’en consomme. Il vise à produire du plutonium 239 à partir d'uranium 238 en utilisant un combustible à oxydes mixtes (MOX). Cela permet d’utiliser plus efficacement les vastes réserves indiennes de thorium et d’uranium. En produisant plus de matières fissiles qu’il n’en consomme, le PFBR peut prolonger considérablement la durée de vie des ressources en combustible nucléaire.

Les réserves en combustible :

Les réserves intérieures d'uranium de l'Inde sont faibles et le pays dépend des importations d'uranium pour alimenter son industrie nucléaire. Depuis le début des années 1990, la Russie est l’un des principaux fournisseurs de combustible nucléaire de l’Inde. L'Inde a signé des accords bilatéraux de coopération technologique en matière d'énergie nucléaire civile avec plusieurs autres pays, dont la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et la Corée du Sud. L'Inde a également des accords de fourniture d'uranium avec la Russie, la Mongolie, le Kazakhstan, l'Argentine et la Namibie. Le Kazakhstan est le plus grand fournisseur d'uranium de l'Inde, fournissant 5 000 tonnes entre 2015 et 2019.

Ces dernières années, l'Inde a manifesté un intérêt accru pour le combustible au thorium et son cycle du combustible en raison d'importants gisements de thorium sous forme de monazite dans les sables des plages.

Coopération avec d’autres pays :

Russie :

À l'heure actuelle, la centrale nucléaire de Kudankulam (KKNPP), située au sud de l’inde, est la plus grande centrale nucléaire d'Inde. La construction de la centrale a commencé le 31 mars 2002, mais a connu plusieurs retards en raison de l'opposition des pêcheurs locaux. Le projet KKNPP prévoit de construire six réacteurs VVER-1000 en collaboration entre Atomstroyexport filiale de Rosatom (société d'État Russe) et Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL), d'une capacité installée de 6 000 MW d'électricité.

KKNPP en construction

France :

La France a été le premier pays à signer un accord sur le nucléaire civil avec l'Inde, le 30 septembre 2008. Lors de la visite du président français Nicolas Sarkozy en Inde en décembre 2010, des accords-cadres ont été signés pour la mise en place de deux réacteurs EPR de troisième génération de 1 650 MW à Jaitapur, Maharashtra par la société française Areva. L'accord portait sur la première série de deux des six réacteurs prévus et sur la fourniture de combustible nucléaire pendant 25 ans. Depuis, le groupe français EDF a déposé en avril 2021 une offre ferme pour la construction de six réacteurs nucléaires EPR de troisième génération sur le site de Jaitapur. Si elle était construite, ce serait la plus grande centrale nucléaire du monde en termes de capacité de production nette, soit 9 900 MW.

Perspective des 6 EPR proposés par EDF

USA :

Le gouvernement indien est actuellement engagé dans des discussions technico-commerciales avec la société américaine Westinghouse Electric Company pour finaliser une proposition de projet visant à installer six réacteurs nucléaires d'une capacité de 1 208 MW chacun à Kovvada, dans l'État d'Andhra Pradesh.

Contestations :

À la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon en mars 2011, les populations situées autour des sites proposés pour la centrale nucléaire indienne ont lancé des manifestations qui ont trouvé un écho dans tout le pays. Il y a eu des manifestations massives contre le projet nucléaire de Jaitapur de 9 900 MW, soutenu par la France dans le Maharashtra, et contre la centrale nucléaire de Kudankulam de 6 000 MW, soutenue par la Russie au Tamil Nadu. Le gouvernement du Bengale occidental a initialement refusé l'autorisation d'exploiter une installation proposée de 6 000 MW près de la ville de Haripur, destinée à accueillir 6 réacteurs russes. Un Public Interest Litigation (PIL) a également été déposé contre le programme nucléaire civil du gouvernement devant la Cour suprême. Le PIL demande spécifiquement « le maintien de toutes les centrales nucléaires proposées jusqu'à ce que des mesures de sécurité satisfaisantes et des analyses coûts-avantages soient complétées par des agences indépendantes ».

Le futur du nucléaire en Inde :

10 réacteurs PHWR sont en construction et 10 autres sont en projets.

Il convient de noter que les ambitions de l'Inde en matière d'énergie nucléaire sont importantes, puisqu'elle vise 100 GW d'énergie nucléaire d'ici 2047. Le gouvernement indien a annoncé son intention de s'associer au secteur privé pour développer de petits réacteurs modulaires dans le cadre d'une annonce budgétaire 2024-25 qui reconnaît un investissement important du rôle du nucléaire dans le futur mix énergétique du pays.

« Dans le futur, le gouvernement Indien s'associera avec le secteur privé pour la recherche, le développement du petit réacteur modulaire SMR Bharat et la recherche et le développement de technologies plus récentes pour l'énergie nucléaire" a déclaré récemment le ministre des Finances Sitharaman.

NPCIL exploitera de petites centrales nucléaires d’une capacité de 220 MW pour le compte d’acteurs privés qui fourniront à la fois le financement et les terrains pour le projet. La technologie des Pressurised Heavy Water Reactor (PHWR), que l’Inde maîtrise depuis un certain temps, sera probablement utilisée pour construire les petits réacteurs. Avec de petits réacteurs, la zone d'exclusion peut être ramenée à 500 mètres, a indiqué le responsable. Actuellement, la zone d'exclusion varie de 1 à 1,5 kilomètres.

Mais pour l’instant, il existe actuellement très peu de petits réacteurs modulaires opérationnels dans le monde.

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