La plaignante accuse M. Ramadan de l’avoir soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes dans la chambre de l’hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008.
L’islamologue suisse Tariq Ramadan, accusé par plusieurs femmes en Suisse et en France, a été condamné, mardi 10 septembre, pour la première fois pour le viol d’une femme par la justice genevoise, à une peine de trois ans de prison dont un an ferme, qu’il va contester devant le tribunal fédéral.
« Il reviendra au tribunal fédéral d’arbitrer cette affaire, de ramener la justice dans son sillon et restituer l’innocence d’un homme », ont affirmé mardi ses avocats suisses, Me Yaël Hayat et Me Guerric Canonica, dans une déclaration à l’Agence France-Presse (AFP).
Acquitté par le tribunal correctionnel en première instance, il a été reconnu « coupable de viol et de contrainte sexuelle » dans la nuit du 28 au 29 octobre 2008 dans un hôtel à Genève, par la chambre pénale d’appel et de révision, a indiqué mardi la cour de justice genevoise. M. Ramadan est condamné à « une peine privative de liberté de trois ans, sans sursis à raison d’un an », a-t-elle ajouté dans un communiqué. Il est aussi condamné à verser à la plaignante, à titre de réparation du tort moral, « 25 000 francs suisses [environ 27 700 euros] avec intérêts à 5 % dès le 29 octobre 2008 », selon l’arrêt, dont l’Agence France-Presse a obtenu une copie. Le jugement, daté du 28 août, a été notifié par courrier aux parties car elles avaient renoncé à une lecture publique.
« Notre cliente est bien sûr soulagée et mesure ce qu’elle a dû endurer pour que la vérité éclate », ont déclaré à l’AFP les avocats suisses de la plaignante, Me Véronique Fontana et Me Robert Assaël, affirmant que « la vérité a enfin triomphé ».
Me Assaël a souligné que la décision de la défense de recourir au tribunal fédéral, Cour suprême de la Confédération, n’est « absolument pas une surprise ». Mais « il faut rappeler que le tribunal fédéral a un pouvoir d’examen très limité, a-t-il ajouté. Ce n’est pas un nouvel appel, ce n’est pas un nouveau procès. Tout se fait par écrit, et le tribunal fédéral ne fait que contrôler si la juridiction d’appel s’est trompée grossièrement. Tel n’est absolument pas le cas. Dès lors, on est plus que confiant ».
Vers un procès en France
Les avocats suisses de Tariq Ramadan, 62 ans, attendent en revanche « désormais qu’à l’instar des premiers juges, le tribunal fédéral traite cette affaire de façon impersonnelle et prenne simplement la juste mesure des éléments du dossier ». « Ce ne sont d’évidence pas les faits qui ont conduit à la condamnation de Tariq Ramadan. C’est son nom. Cette affaire, jugée de façon anonyme, n’aurait jamais conduit au renvoi de cet homme en jugement et encore moins à sa condamnation », ont-ils estimé.
Lors du procès en appel fin mai à Genève, le procureur avait requis trois ans de prison dont la moitié ferme, et évoqué la notion d’« emprise » exercée par Tariq Ramadan, comparée à un « syndrome de Stockholm » chez la plaignante. Tariq Ramadan, figure charismatique et contestée de l’islam européen, nie, lui, tout acte sexuel et avait plaidé l’acquittement.
Convertie à l’islam, la plaignante, qui se fait prénommer « Brigitte » pour se protéger des menaces, accuse M. Ramadan de l’avoir soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes dans la chambre de l’hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008. Elle a porté plainte dix ans après les faits, en 2018, encouragée, a-t-elle expliqué, par le fait que d’autres femmes avaient fait de même contre Tariq Ramadan en France.
En France, il a obtenu sa libération sous contrôle judiciaire en novembre 2018. Sa défense a formé un pourvoi contre la décision de la cour d’appel de Paris de le renvoyer en procès pour des viols sur trois femmes, qui auraient été commis entre 2009 et 2016. Le pourvoi doit être examiné en octobre.
Témoignages contradictoires
En mai 2023, à l’issue d’un procès qui s’était déroulé dans une ambiance très tendue, Tariq Ramadan avait été acquitté en première instance. Les juges avaient estimé qu’il n’y avait pas de preuve contre lui et fait valoir les témoignages contradictoires et les « messages d’amour » envoyés par la plaignante.
Les trois juges de la chambre d’appel et de révision ont eu une tout autre appréciation des faits, retenant cette fois que « plusieurs témoignages, certificats, notes médicales et avis d’experts privés concordent avec les faits dénoncés par la plaignante », selon la cour de justice. Aussi, « les éléments recueillis par l’instruction ont ainsi emporté la conviction de la chambre quant à la culpabilité du prévenu », explique le communiqué.
La plaignante avait indiqué avoir connu Tariq Ramadan lors d’une séance de dédicaces. S’en était suivie une correspondance de plus en plus intime sur des réseaux sociaux. Les deux s’accordent à dire qu’ils ont passé la nuit ensemble dans la chambre d’hôtel, qu’elle a quittée tôt le matin pour rentrer à son domicile. Tariq Ramadan assure que c’est elle qui s’est invitée dans sa chambre.
Il dit s’être laissé embrasser avant de mettre rapidement fin à l’échange et a accusé la plaignante de vouloir se venger pour avoir été « éconduite ». Une version que dément « Brigitte », qui a raconté pendant l’audience en première instance avoir eu « peur de mourir » sous les coups de l’islamologue.
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