27 septembre 2024

Le pire & le pire du pire

Alors que les deux “sous-crises” majeures de la GrandeCrise parviennent à un point paroxystique en même temps et sur le même rythme, et malgré toutes les tragédies des morts et de la violence, tout se concentre de plus en plus aux USA. Tout comme le héros d’Hergé, on a vu “Zelenski en Amérique” ; mais lui, il sème le désordre et impose la radicalisation des positions. Aujourd’hui, l’Ukraine est au centre de la décision et du désordre aux USA. Comme l’écrit Eric Zuesse : « L’élection présidentielle américaine porte désormais essentiellement sur la question de savoir s'il faut ou non déclencher une troisième guerre mondiale pour l'Ukraine. Cette question éclipse toutes les autres. »


Deux/trois remarques préliminaires concernent l’appréciation que nous portons sur les deux crises (sous-crises) majeures en cours, et qui connaissent effectivement des développements extraordinaires :

• La première concerne le parallélisme étonnant de ces deux crises qui parviennent en même temps à une situation paroxystique qui permet d’envisager, – avec crainte ou satisfaction selon l’état d’esprit qu’on a, – une extension radicale sinon rupturielle du phénomène crisique général (la GrandeCrise). En Ukraine, c’est la proximité des Russes d’une victoire totale avec toutes les interrogations qui concernent cette situation, y compris les risques majeurs. Au Moyen-Orient, c’est le passage de l’affrontement des limites de l’ensemble israélo-palestinien à un acteur extérieur, faisant craindre une extension régionale majeure du conflit.

• La deuxième remarque concerne le traitement médiatique des deux crises. Il est manifeste que 80% à 90% des articles (y compris avec des avancées dans la presseSystème) consacrés à cet ensemble crisique Ukraine-Israël, vont au conflit du Moyen-Orient. Les raisons, on l’a déjà vu, tiennent à l’ancienneté du conflit, à l’extrême émotion qu’il dispense des deux côtés, renforçant ainsi les positions antagonistes, enfin au fait que cette ancienneté a permis à nombre de systèmes d’information dans le système de la communication d’affirmer une position bien tranchée qui n’est nulle part mise à l’index.

 • Corollaire de cette seconde remarque, là aussi déjà-vu à d’autres occasions : malgré cette importance médiatique écrasante en faveur de la crise du Moyen-Orient, c’est à notre sens la crise ukrainienne qui est et reste de loin la plus importante, simplement parce qu’elle confronte potentiellement, sinon d’ores et déjà activement, les deux superpuissances nucléaires, et également parce qu’elle est basée sur la confrontation d’un complet simulacre et de la réalité, avec une suite vertigineuse de contradictions et de sophismes impératifs . Là aussi (suite), on a déjà détaillé cette situation, par ailleurs en veillant à conserver le lien entre les deux crises (ou les deux sous-crises) comme participantes actives à la GrandeCrise.

Au reste, comme on le voit, – et c’est l’essentiel de notre texte, – c’est directement sur le terrain des présidentielles US, donc au cœur de la crise de l’américanisme, que l’Ukraine développe son influence majeure. La crise ukrainienne, –c’est-à-dire la situation même sur le terrain en Ukraine, ou encore la possibilité de la Troisième Guerre mondiale, selon Eric Zuesse,– est devenue un dossier majeur, sinon le dossier essentiel du débat politique autour des présidentielles.

C’est un prolongement absolument révolutionnaire pour les USA. Cela s’appelle, disons, le néo-isolationnisme comme hypothèse du retour du schéma de l’isolationnisme des années 1930, mais dans des conditions complètement inverties et perverties.

Tintin-Z en Amérique

On a déjà senti l’importance énorme, massive, du déplacement de Zelenski, Mister Z ou “Tintin-Z en Amérique”. Paraphrasant l’excellent monsieur Churchill qui est une de nos grandes références des salons guerriers, on dira que “Jamais autant de personnes n’ont dû d’être secoués dans leur choix politique par un personnage aussi insignifiant, aussi inutile, aussi nourri de Rien pour produire du Vide”. Qu’importe notre humeur exécrable, ce moucheron, cette tâche de la politique, a accompli complètement à son insu, – de son plein gré et du reste, – l’exploit extraordinaire d’arracher l’Amérique à ses seules préoccupations intérieures comme elle fait à chaque élection présidentielle.

Effectivement, Mister Z est une sorte de “Tintin en Amérique”, mais un Tintin vicieux, roublard, puant la corruption du dedans et du dehors, de droite et de gauche, – c’est simple, comme l’a dit Trump qui s’y connaît en la matière, il est « le meilleur vendeur du monde », qui repart toujours de Washington les poches pleines de $milliards sans avoir rien donné en échange.

Cette fois, pourtant, sa venue est autrement importante qu’un nouvel album Hergé. Il a trouvé malin et habile de pénétrer dans la cage aux folles au moment le plus critique de la campagne, et, comme d’habitude, de distribuer les bons points selon le fric récolté. Il a fait se lever une grande et vertueuse fureur chez les républicains, Trump en tête mais le reste du parti soudain réunifié derrière son candidat après le vide hésitant de la folie kamalamania... Par exemple, entre autres actions :

« Un groupe de neuf représentants de la Chambre des représentants dirigé par Lance Gooden du Texas a demandé une enquête sur la visite de Zelenski. Le dirigeant ukrainien a été transporté en Pennsylvanie à bord d’un avion militaire C-17 de l’US Air Force et a bénéficié de la protection des services secrets, tous deux financés par l’argent des contribuables américains, ont déclaré mardi les législateurs républicains dans une lettre adressée à l’inspecteur général du Pentagone Robert Storch.

» “On craint que ces ressources aient été utilisées à des fins non liées à la sécurité nationale américaine ou à la diplomatie bilatérale, mais plutôt pour soutenir une visite politiquement importante avant une élection américaine majeure”, indique la lettre, qui a été partagée avec le Washington Examiner.

» Gooden a remis en question le jugement de Zelenski en aliénant les électeurs républicains dans une interview à Fox News. “Pourquoi [Zelenski] ne se met-il pas à genoux pour remercier les Américains, républicains et démocrates, pour les sacrifices qu’ils ont faits pour sa nation ? Et comment ose-t-il venir dans notre pays et donner son avis sur une élection, encore moins sur la course présidentielle ?”, a demandé le législateur dans l’émission ‘The Ingraham Angle’ »

Dites-nous pour qui voter

Cette entrée de Z dans la bataille électorale s’est faite dans un grand désordre et est très vite devenu un argument des républicains contre les démocrates, pour influencer la campagne. Par exemple, lorsque le président ukrainien est invité en grandes pompes à voir (comme on l’a vu, dans un C-17 de l’USAF) une fabrique d’obus de 155mm destinés à gagner la guerre illico presto, justement dans une usine situé en Pennsylvanie, un des États-clefs où les deux candidats sont au coude à coude.

Cette visite, par la façon qu’elle a été organisée (par l’ambassadrice d’Ukraine aux USA) s’est présentée comme un exemple flagrant d’ingérence dans la campagne électorale. Elle a provoqué une réaction brutale du ‘Speaker’ de la Chambre, le républicain Mike Johnson, qui a demandé à Zelenski la démission de la susdite :

« “L’établissement se trouve dans un État clé politiquement contesté, la visite était dirigée par un haut représentant politique de Kamala Harris et n’incluait aucun républicain car – volontairement – aucun républicain n’avait été invité”, a écrit Johnson. “La visite était clairement un événement de campagne partisan conçu pour aider les démocrates et constitue à l’évidence une ingérence électorale”.

» Le républicain de Louisiane a déclaré que son parti avait perdu confiance dans la capacité de Markarova à servir aux États-Unis et qu’elle “devrait être démise de ses fonctions immédiatement”. »

Dieu sait si Johnson, attendu comme un populiste acharné lorsqu’il fut élu, s’est révélé un traître substantiel à cette cause, pour remercier ses soutiens du complexe militaro-industriel. Dans ce cas, pourtant, il est forcé à un durcissement de sa position par rapport à l’Ukraine et à Mister Z., et à prendre une attitude critique vis-à-vis de la dynamique belliciste.

Le cas de Trump est encore plus révélateur. Le candidat républicain était sur la liste des rencontres de haut niveau de Zelenski. Devant l’évolution des choses, il a prétexté un travail considérable et a supprimé la rencontre. Il est lui aussi poussé à radicaliser sa position, et peut-être est-il secrètement satisfait de cette pression.

Certains jugent qu’il est obligé dans ce cas, parce que confronté à une situation délicate, contrainte et défensive. C’est peut-être le cas selon une tactique électorale, comme l’expose Mercouris, mais cette fois nous diffèrerons de l’analyse de notre commentateur favori sur le fondement de l’argument qui doit être exploré et prioritairement pris en compte. Trump a déjà dit et répété, ces derniers jours, qu’il fallait absolument que les USA se sortent du guêpier ukrainien, par conséquent il se trouve sur une pente favorable pour le développement rhétorique de son comportement...

« “Je pense que nous sommes coincés dans cette guerre à moins que je ne sois président. Je vais y arriver. Je vais négocier, je vais nous en sortir. Nous devons parir. Biden dit : ‘Nous ne partirons pas tant que nous n'aurons pas gagné’”, a affirmé Trump.

»  “Que se passera-t-il si les Russes gagnent ? C'est ce qu'ils font, – ils font la guerre. Comme quelqu'un me l'a dit l'autre jour, ils ont battu Hitler ; ils ont battu Napoléon. C'est ce qu'ils font. Ils se battent. Et ce n'est pas agréable”, a déclaré Trump. »

Bref, les arguments sont connus. Ce qui importe, – et gloire soit rendue à Mister Z.  – c’est que les positions se radicalisent des deux côtés. Ainsi la guerre en Ukraine devient-elle l’enjeu principal de l’élection présidentielle, un fait exceptionnel pour une élection qui se joue quasiment toujours sur des enjeux intérieurs (même en 1940 et en 1944, à cause de diverses manœuvres politiques).

Cela ne signifie pas que Trump va gagner ou quoi que ce soit de cette sorte, – pas plus l’inverse, d’ailleurs. Mais l’interprétation va être de plus en plus que l’Ukraine, donc la politiqueSystème, est une question essentielle dans le débat aux USA. C’est la seule chose que ne veulent pas les neocon car ils savent que, ce faisant, ils font renaître le monstre de l’isolationnisme. C’est pour cette raison que nous ne croyons pas que la décision de Trump soit une décision objectivement négative et défensive, mais au contraire une décision qui va pousser à l’intégration dans le débat public ressuscité pour l’occasion de la question de l’hégémonie monstrueuse, – et cela, qu’il soit ou non vainqueur.

Ce n’est pas précisément ce que veut Mister Z. Mais les dieux se fichent bien de ce qu’il veut ; ils ont d’autres projets en tête et s’activent à faire faire à Mister Z ce qui leur importe.

Le contrecoup avant le coup

Nous avons déjà parlé (plus haut) d’une crise du système de la communication qui porte en elle l’irruption d’un “néo-isolationnisme” comme nouvel acteur de la scène américaine. Mais bien plus encore : ainsi, avec ce prolongement crisique qui fait de ces présidentielles un événement sans précédent, nous retrouvons le point central de notre thèse sur l’actuelle séquence crisique, savoir que le point central justement de la GrandeCrise n’est ni l’Ukraine, ni la Russie, ni Israël, ni les Palestiniens, etc., mais bien les États-Unis d’Amérique. Le reste, dans tous les cas ce que cette pièce peut avoir de shakespearien, n’est qu’une parade funeste avec des ombres jouant à faire les Hamlet devant le caractère incompréhensible du destin de l’américanisme attaché à la destruction de l’Amérique.

A ce jeu terrible, évidemment le conflit autour d’Israël ne peut se comparer en intensité provocatrice à la tragédie ukrainienne. Le conflit israélo-palestinien, avec son incroyable cortège de sang et de malheurs, est un résidus tragique d’un passé enfui, dont on se demande s’il n’a pas laissé dans un nombre considérable d’esprits un germe de folie incontrôlable. Cette crise est périphérique à l’ukrainienne, mais elle joue bien son rôle de provocatrice pour entretenir sa puissance en exposant et en confirmant le caractère général et sans aucune limite du pourrissement de notre système général, de nos “valeurs”, de notre civilisation, etc. La crise israélo-palestinienne est venue s’ajuster à la centralité de la crise ukrainienne pour nous faire comprendre le caractère décisif et définitif de ce qui est bien la GrandeCrise.

... Et l’on se rappellera alors que les experts américanistes, l’air si finaud et tellement contents d’eux-mêmes, nous expliquèrent lors du début de la guerre en Ukraine que ce qu’ils voulaient avec cette guerre, c’était affaiblir décisivement la Russie. Ils n’avaient pas prévu que le contrecoup (‘blowback’) viendrait avant même que la crise ait donné tout ce qu’on attendait d’elle, et ainsi, qu’au contraire, “ce qu’on attendait d’elle” s’est perverti et inverti pour toucher au cœur le “faiseur de crises”. 

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