28 septembre 2024

Le Liban en feu

Une nouvelle fois, le Liban est sous le feu des armes de ses voisins, théâtre d’opérations de l’affrontement entre Israël et le Hezbollah. Le bilan de ces journées de bombardement est déjà lourd : en une semaine, 600 morts et 7.500 blessés selon le ministère libanais de la Santé quand, en 2006, les 34 jours de bombardements avaient causé 1.200 morts et 10.000 blessés. Israël pilonne le sud du Liban, région où se concentre l’essentiel des troupes du Hezbollah, ainsi que la plaine de la Bekaa et le sud de Beyrouth. Cela engendre de nombreux réfugiés, qui fuient les bombardements du sud et qui se réfugient soit vers le nord soit dans les pays voisins.

Cette opération appelle quatre remarques principales.

1/ Il s’agit d’une nouvelle phase de la guerre enclenchée à la suite du 7 octobre

La première phase visait à l’éradication du Hamas et à la sécurisation de la bande de Gaza. C’est désormais chose quasi faite. Le Hamas existe toujours, mais il est décapité et fortement limité. Israël a pu retirer une partie de ses troupes afin de les replacer vers le nord du pays, à proximité du front libanais.

Or, dès les lendemains du 7 octobre, le Hezbollah avait témoigné de son soutien au Hamas, créant ainsi une menace de second front et une tension régulière contre Israël. L’attaque du 7 octobre va au-delà des morts israéliens : c’est une rupture conceptuelle. Israël a compris qu’un mur anthropologique existait entre lui et les Palestiniens et que toute tentative d’entente et de conciliation était impossible. Désormais, deux ennemis se dressaient, qui voulaient la disparition d’Israël. Aucune entente n’est donc possible tant que demeure la menace. La menace Hamas ayant été en partie endiguée (pour combien de temps ?) il s’agit désormais de régler la seconde menace, celle du Hezbollah, qui tire régulièrement sur les populations civiles du nord d’Israël.

Ce n’est pas une guerre nouvelle, mais un nouveau front d’une guerre débutée il y a bientôt une année. Un front qui passe par un affrontement militaire contre les bases du Hezbollah, mais qui passe, aussi, par l’attaque des soutiens du Hezbollah, notamment l’Iran. Or force est de constater que si, depuis un an, il y a de nombreuses échauffourées entre Israël et l’Iran, allant jusqu’à des échanges de missiles et des assassinats ciblés, la montée aux extrêmes n’a pas eu lieu.

2/ La guerre est contenue

Beaucoup de commentateurs parlent d’escalade, d’embrasement, de dislocation. C’est jouer à se faire peur, car c’est en réalité l’exact inverse qui s’opère. Depuis un an, la violence est contenue à un espace géographique restreint, la guerre est limitée et ne sort pas de son terrain. Aucun pays arabe n’est entré dans la guerre ; la Jordanie a même soutenu Israël lors des frappes iraniennes. L’Égypte joue les bons offices, la Syrie ne bouge pas, l’Arabie saoudite œuvre en coulisse à la paix. S’il y a des combats intenses à Gaza et des bombardements au Liban, ce sont des terrains d’affrontements classiques de la guerre. La région ne s’est pas embrasée, la guerre ne s’est pas étendue. Pour l’instant, nous sommes face à une guerre contenue et maîtrisée. Preuve que la paix est possible. Cette guerre, à l’inverse de celles des années 1970, n’est pas une guerre entre États, mais une guerre contre des milices, même si celles-ci sont aidées par des États. Ce qui change à la fois la nature de la guerre et ses possibilités de résolution.

3/ Le Liban est la zone faible de la région

Le Liban subit une nouvelle fois les tensions des grandes puissances. Sa population souffre et ces malheurs de la guerre s’ajoutent à d’autres malheurs, dont la dissolution de l’État et des structures financières. Le Liban est une zone sans État, ou plus exactement le Liban est un espace où le Hezbollah, dans plusieurs parties de celui-ci, est devenu l’État. Les Libanais sont les victimes de cette guerre, mais certains ont aussi une part de responsabilité, en laissant prospérer le Hezbollah, dont une partie de la population tire avantage.

D’une milice de combattants aguerris, elle est désormais un organisme qui compte près de 100 000 membres quand le Liban compte officiellement 5,5 millions d’habitants (cela fait bien longtemps qu’il n’y a pas de recensement digne de ce nom, notamment pour préserver les équilibres politiques du pays).

Le Hezbollah est aujourd’hui l’un des principaux employeurs du pays, celui qui participe aux structures sociales et éducatives, qui encadre une grande partie de la population. Mais c’est aussi celui qui détruit le pays. Dans son fonctionnement et ses conséquences, il agit un peu comme les mafias : il s’immisce dans les structures étatiques et sociales, qu’il détruit et dissout, tout en contribuant à les maintenir par les aides sociales qu’il apporte et l’argent qu’il redistribue. Éradiquer le Hezbollah, c’est donc à la fois sauver le Liban d’un mal qui le ronge, et le détruire en lui retirant une structure sociale qui le porte. Beaucoup de Libanais ferment les yeux voire collaborent et travaillent avec lui, ce qui rend la tâche militaire d’Israël d’autant plus complexe.

4/ Les suites ?

Difficile de prévoir les suites de la guerre, mais plusieurs hypothèses peuvent être émises.

La première est une possible intervention militaire d’Israël au Liban. Intervention mesurée et limitée, comme à Gaza, mais qui conduira peut-être à un contrôle de l’espace libanais.

La seconde est un démantèlement possible du Liban. Israël peut très bien occuper le sud, afin de se protéger d’un retour du Hezbollah et la Syrie reprendre le contrôle de Beyrouth, qui est le port de Damas. Sans exclure un contrôle du nord du pays par la Turquie. État artificiel, construit à la suite du mandat français, le Liban trouvait sa justification dans la présence d’une forte population chrétienne francophone. Or, du fait des guerres et des drames économiques et sociaux, une grande partie de cette population a aujourd’hui émigré, en France, mais aussi aux États-Unis et au Brésil. Cela affaiblit le Liban en lui retirant des cadres formés et reliés au reste du monde, mais cela retire aussi au pays l’une de ses raisons existentielles. Dans ces conditions, un démantèlement et un partage des territoires ne sont pas à exclure, ce qui conviendrait aux pays voisins qui pourraient ainsi accroître leur sécurité. D’une façon générale, il ne fait jamais bon être une zone grise au milieu d’États forts.

Jean-Baptiste Noé

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