18 septembre 2024

Le GPSR pointe le bout de son nez et vous allez adorer !

Mario Draghi, le plombier de la finance, nous l’a bien dit : la bureaucratie, les contraintes et les normes délirantes sont en train de tuer l’Europe.

Or, ça tombe bien : une nouvelle jolie charrette de normes fumantes arrive tout juste. Et alors que les citoyens européens et leurs entreprises terminent à peine la digestion de l’épais et inquiétant rapport de l’ex-banquier central, la nouvelle brouette de contraintes semble tomber à point nommé pour achever le peu de vitalité qui restait encore dans le commerce européen.

De quoi s’agit-il ? Du Règlement pour la Sécurité Générale des Produits.

Ce nouveau règlement est assez facile à trouver en ligne, et on peut en lire un résumé peu digeste ici (traductible en français à la demande). C’est un règlement discuté en novembre 2022 et qui fut voté en mai 2023. Depuis ces discussions, deux ans se sont écoulés et le législateur européen estime qu’ils sont amplement suffisants pour avoir permis aux entreprises de toutes tailles d’avoir pris connaissance et d’avoir anticipé les changements que ce règlement impose.

Ben tiens.

Et comme ce n’est pas une directive, il n’y aura donc pas de transposition, ce qui veut dire une mise en place directe au 13 décembre prochain. Zou ! Vous allez voir, tout va très bien se passer, puisque ce sont les autorités qui le chuchotent, très discrètement, loin des micros et des caméras indiscrètes de médias qui regardent commodément encore ailleurs cette fois-ci.

optimisme

Optimisme déplacé ?

On peut se le demander : qui en effet, avait entendu parler de ce règlement à part les commerçants (et encore, les plus à l’affût) ? Les consommateurs, pourtant l’objet des protections que ce règlement entend imposer, semblent parfaitement insouciants de ces nouvelles contraintes.

Ce “GPSR” (ou “RGSP” en français) est une (grosse) extension des directives et règlements européens liés à la sécurité des produits et services dans l’Union, mises en place en 2001, et qui tient à présent compte du développement des places de marché en ligne et des nouveaux produits et services apparus ces 20 dernières années. De façon pas du tout fortuite et avec les compliments du Commissaire Breton (dont les dégâts n’ont pas fini d’être évalués pour les prochaines décennies), ce règlement tient bien sûr aussi compte du Digital Service Act et donc des règlementations en ligne qui s’appliquent à présent.

Comme d’habitude, l’idée derrière ce règlement est de protéger le consommateur, la planète et les enfants contre les dérives. Le mème des Simpson’s peut encore une fois ressortir des cartons, tant l’emballage “Sauvons les enfants !” est devenu pratique pour camoufler la législorrhée incontrôlable du législateur européen.

Ainsi, on peut trouver sympathique que ce règlement impose maintenant la présence d’une entité légale juridiquement responsable des défauts des produits et services vendus sur le territoire européen : il semble ainsi évident que ce règlement vise en premier les articles d’origine douteuse et autres produits manufacturés à la va-vite en Chine ou dans des pays du Tiers-Monde peu scrupuleux quant à la qualité, au prix défiant toute concurrence et à l’impossibilité de tout recours en cas de problème. Certes.

Cependant, l’effet de bord direct de ce règlement sera surtout d’encombrer d’une paperasserie folle les sociétés décentes aux produits de bonne qualité avant d’empêcher les margoulins et vendeurs douteux qui ne s’embarrasseront qu’assez peu de fournir les bons documents et bonnes garanties : oh, ces derniers seront probablement présents, mais seront aussi bidons que leur marchandise ; la capacité bureaucratique de nos administrations à donner suite à des poursuites ou à empêcher un nombre sensible de fraudeurs sur le territoire sera crédible lorsqu’on ne constatera plus les faunes de vendeurs interlopes de certains quartiers parisiens, par exemple.

On ne peut pas d’un côté se prétendre capable d’une analyse et d’un suivi solide de ces produits et de ces services de l’étranger, faire le fanfaron avec ce nouveau règlement en prétendant qu’il va protéger la veuve et l’orphelin des contrefaçons Wish, et de l’autre, montrer à qui veut le voir des passoires pour frontières, des services de répression des fraudes ou des tribunaux si débordés et noyés dans les affaires que la justice n’est plus qu’une blague grasse.

Du reste, il semble assez clair que les vendeurs étrangers resteront globalement aussi compliqués à poursuivre par le bras frêle, mal armé et de moins en moins doté d’une Europe financièrement aux abois, que seront simples à tabasser d’emmerdements bureaucratiques les commerçants locaux, bien européens et de toute façon ne pouvant se permettre d’échapper aux vexations administratives que ce règlement va entraîner.

Pire, ce règlement, en insérant – comme d’habitude – la force de l’État entre le commerçant et l’acheteur, imposera notamment aux plateformes de commerce en ligne des délais extrêmement courts pour qu’un produit soit retiré de la vente sur plainte de consommateurs ; ces plateformes devront ainsi permettre aux utilisateurs de signaler un produit qu’ils jugent dangereux, ainsi que vérifier ces plaintes et y réagir dans un délai de trois jours.

Inutile de dire que les petits commerçants seront assez vite débordés (il suffit de lire quelques rares groupes Facebook ou l’un ou l’autre article de presse consacrés à la question pour comprendre l’ampleur du casse-tête), et que les dérives (“brigading” typiquement, i.e. attaque coordonnée de groupes pour faire sauter des produits voire tout un fournisseur) seront d’autant facilitées par ces dispositions.

Dans les autres dérives, notons que ce même règlement autorisera aussi les particuliers et groupes d’acheteurs à poursuivre les vendeurs et les places de marché en ligne s’ils estiment qu’ils n’ont pas fait leur travail en se conformant aux obligations de diligence raisonnable. L’enfer est pavé de bonnes intentions qui auront toute l’opportunité de s’exprimer au-delà de tout ce que le législateur avait imaginé ici. Gageons que des cabinets entiers d’avocats se frottent déjà les mains.

En tout cas, il apparaît clairement que ce nouveau règlement va engendrer une nouvelle bordée de compétitivité toute fraîche au sein de l’Union, au moment même où tous les constats pointaient déjà sur un véritable foisonnement de bonne volonté et de légèreté normative. Combien de points de croissance seront finement dilapidés, combien de milliards seront judicieusement cramés dans l’application de ces paperasseries infinies qui n’apporteront rien d’indispensable aux citoyens mais tant de visibilité aux régulateurs ?

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