Sans nul doute, le dérèglement climatique atteint actuellement des records : pataugeant dans des nappes phréatiques trop pleines, la sécheresse française est telle qu’elle provoque les plus mauvaises récoltes depuis 10 ans, et les canicules de pluie intense se multiplient comme les discours alarmistes des météorologues de plateau télé (qui sont à la météo ce que les médecins urgentistes de plateau télé furent à la médecine pendant l’âge d’or de la comédie covidienne il y a quelques années).
Neige en hiver, pluie au printemps, vagues de chaleur très vagues parsemées d’épisodes orageux en été… Heureusement, toutes les entreprises de France ne se retrouvent pas les bras ballants devant ces nouveaux fléaux complètement inopinés : la SNCF a décidé de prendre le taureau par les cornes. Après tout, c’est la plus grosse consommatrice d’électricité dans le pays et il était temps pour elle de faire, à son tour, un geste pour Gaïa.
Et quand la SNCF fait un geste, il est forcément auguste, cette entreprise étant détenue par l’État, c’est-à-dire le contribuable, c’est-à-dire disposant d’un budget illimité imprimable à volonté. Et quoi de mieux pour plaire aux politiciens, aux clients et aux contribuables que de produire sa propre électricité, viser son indépendance énergétique, et de le faire de façon éco-responsable et bio-compatible évidemment ?
C’est cette réflexion qui a sans nul doute présidé au nouveau projet de la société ferroviaire qui entend donc, dans les prochaines années, utiliser le foncier non bâti dont elle est propriétaire pour y implanter de vastes étendues de coquets panneaux photovoltaïques.
Par exemple, la société envisage de recouvrir de panneaux les parkings devant ses gares. Et au-delà, il faut en effet savoir que, comme l’exposait d’ailleurs un récent reportage de TF1, la société de chemins de fer dispose de nombreux terrains qui n’ont aucun intérêt commercial – bouts de terre triangulaires placés entre voies et infrastructures routières, par exemple – et qui pourront donc accueillir avec bonheur de larges fermes solaires permettant de produire une électricité que la société entend utiliser pour alimenter ses trains.
Formidable idée qui va permettre de mesurer en taille réelle la puissance des lobbies pro-panneaux solaires et celle des lobbies pro-biodiversité qui vont devoir s’affronter dans une bataille qu’on pressent déjà féroce. Eh oui : d’un côté, l’Église de l’Écologie Énergétique impose qu’on saupoudre avec force l’ensemble du paysage français d’immenses moulins à vent et d’encombrants panneaux photovoltaïques, pendant que, de l’autre, l’Église de l’Écologie Environnementale réclame quant à elle que les territoires soient rapidement rendus à leur nature sauvage afin d’y garantir une biodiversité abondante, scientifiquement mesurée, indispensable à la survie de tout sauf l’Humain et surtout Gaïa-compatible.
Pour la SNCF, il va donc falloir convaincre les contribuables, ses clients, les politiciens et certains écologistes que la Nature gagne à voir ratiboisés de grands champs sauvages où les petites bestioles pullulent joyeusement dans les herbes folles, les buissons joufflus et les arbres vigoureux, en arguant du fait que tout ceci est pour le bien des petites bestioles, des herbes folles, des buissons joufflus et des arbres vigoureux. Avouons que la société ferroviaire se lance ici un joli défi.
D’un autre côté, il se trouvera certainement quelques écologistes qui justifieront sans mal le subtil remplacement de ces carrés de verdure sauvage par de beaux panneaux solaires bien carrés, bien droits, bien noirs en utilisant l’image de l’omelette qu’on ne fait pas sans casser quelques oeufs, à l’instar de ces collectivistes qui se trouvent toujours du bon côté de la “loi”, de la tronçonneuse, du canon ou du poignard lorsqu’il s’agit d’appliquer leur programme. L’omelette est toujours meilleure lorsqu’on n’est pas un oeuf.
Bref, on attendra avec gourmandise la confrontation du réel avec cette idée véritablement écologique de la SNCF, tout en se rappelant qu’en plus, ces futures installations promettent d’être à peu près inutiles. Ainsi, les trains roulant aussi bien la nuit que de jour (eh oui, l’hiver, les trains sont plus souvent dans le noir que le contraire, par exemple), il y a fort à parier que la production des panneaux installés ne sera pas trop intéressante. On n’évoquera même pas les rendements des journées nuageuses : il n’y en a pas besoin pour comprendre que l’ensemble de l’opération n’est qu’une pure campagne de marketing, tant le coût de maintenance, de nettoyage et d’entretien de ces panneaux suffira à rendre l’opération hasardeuse.
Bien sûr, on aurait pu imaginer la SNCF vouloir atteindre le même but (son indépendance énergétique) en commissionnant un ou plusieurs réacteurs nucléaires modulaires destinés à sa propre consommation, et ce d’autant plus que cette technologie est promise à un avenir radieux – mais probablement pas en France, tout y étant fait pour fusiller tout élan dans le domaine.
Mais non : ici, la SNCF a résolument choisi l’affichage vertuel, la fanfreluche idiote à la mode, polluante et économiquement débile plutôt que la technologie maîtrisée, rentable et efficace. Car oui, les panneaux photovoltaïques sont des sources de pollution bien supérieures aux centrales radiothermiques à vapeur (et il n’y a plus guère que des journalistes malhonnêtes pour prétendre le contraire).
Et ce faisant, elle s’apprête à prendre à la fois la punition des écolos jamais contents (ils ne cherchent pas de solution, ils veulent un retour à l’âge de pierre), et à la fois celle de la réalité énergétique qui ne transigera pas : ils ne parviendront jamais, avec leurs miroirs magiques, à alimenter leurs trains électriques et tout juste pourront-ils prétendre en faire rouler quelques uns avec de “l’énergie verte” dont l’existence ne vaudra que grâce à l’oubli commode du recyclage de ces panneaux.
À la fin, le paysage français aura gagné quelques hectares de panneaux disgracieux qui ne tiendront guère plus de 20 ans, qui encombreront hideusement des champs en se déteriorant rapidement ensuite, et n’auront produit qu’un misérable pourcentage des besoins de la société publique. Comme la SNCF est le paillasson de toutes les organisations syndicales et lobbyistes de France, on peut déjà garantir que la facture sera salée, les déficits monumentaux et la satisfaction du client et du contribuable parfaitement absente.
En revanche, on peut garantir que certains vendeurs de panneaux, bien introduits et déjà en bouche avec les dirigeants de la société ferroviaire, se frottent déjà les mains.
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