14 avril 2024

Élections CARMF

En attendant le prochain, quasi terminé, ce petit billet est pour mes confrères, qui reçoivent à partir d’aujourd’hui les bulletins de vote pour renouveler la moitié du Conseil d’Administration de la CARMF (Caisse “Autonome” de Retraite des Médecins de France). C’est pour les informer que j’ai quitté la CARMF en claquant la porte, après près de 30 ans dans ce Conseil (20 ans comme titulaire dont 18 en tant que président et 9 ans invité permanent en tant que président honoraire et conseiller technique à tous les CA et bureaux).

J’ai un gros défaut : je n’aime pas l’hypocrisie, bien résumé par un ancien président de syndicat : « avec Maudrux, on sait où on va, il dit ce qu’il fait et il fait ce qu’il dit ». J’ai démissionné il y a 8 mois de mes fonctions de conseiller technique et de président honoraire, afin que le Conseil d’Administration soit en phase avec ses actes. 

Fin 2023 la CARMF a fêté ses 75 ans au Palais des Congrès, et a marqué cet évènement en reniant les trente dernières années, qui ont fait d’une caisse de retraite banale, ni mieux ni moins bien gérée, une des meilleures caisses de France.

Pour ces 75 ans, le Conseil d’Administration a organisé un colloque : « 75 ans de réformes ». En 75 ans, la France n’a pas vraiment connu de réforme structurelle, sinon deux, qui ont toutes deux été faites chez les professions libérales et à la CARMF. La première en 2005, avec le passage d’un système par trimestres (équivalent des annuités) à un système par points. J’ai appris récemment que cette réforme avait été citée pour sa simplicité et sa réussite il y a 3 ans en réunion de travail pour la réforme des retraites, avec le souhait de généraliser le système par points. Une seule personne a dit non, à l’Elysée, et ce n’est pas allé plus loin. La seconde en 2016, avec une retraite à la carte à partir de 62 ans pour notre régime complémentaire, démontrant qu’elle donnait le même équilibre qu’avec un départ à 67 ans, et éviterait de mettre la population dans la rue si appliquée à tous les régimes. En 2022, lors d’un colloque sur ces 62 ans avec libre choix, le président du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) disait en aparté à la tribune à mon successeur : « La bonne solution, c’est vous qui l’avez ».

Ces deux réformes, je les ai pensées et mises au point seul, totalement seul, de A à Z, le directeur constatant avec les projections actuarielles que le montage proposé passait parfaitement sur le long terme. Pour être honnête, il ne faut pas oublier une troisième réforme faite en 1996, également à la CARMF, par le directeur et mon prédécesseur, qui est l’application de la répartition provisionnée (constitution de réserves importantes utilisées pour encaisser un choc démographique prévu), imaginée par Olivier Davanne, à l’époque conseiller ministériel et enseignant à Paris-Dauphine. Les réserves constituées permettent d’absorber un choc démographique important divisant par 2 les nouveaux cotisants pendant 20 ans.

Malgré la position unanime du Conseil d’Administration de mai 2023, auquel j’étais présent, favorable pour que je vienne exposer le pourquoi et le comment de ces réformes, une fois le dos tourné, j’ai soigneusement été écarté par le président et le directeur qui ont fait le programme. J’avais déjà organisé ce genre de manifestation anniversaire lorsque j’étais président, il ne me serait jamais venu à l’idée de ne pas inviter les anciens présidents, ce que j’ai toujours fait, leur réservant une place à la tribune. Je vois que nous ne partageons pas les mêmes valeurs. 

On pourrait penser que me mettre aux oubliettes était une maladresse, un oubli, mais non, la même chose s’est produite un an plus tôt pour un colloque sur la retraite à la carte à partir de 62 ans. Lors du Conseil d’Administration de mai 2022, en manque de sujet, je leur avais proposé de faire connaître cette réforme, en plein débat sur les retraites, car transposable au régime général. Sujet accepté, et la semaine suivante j’envoyais un mail aux président et vice-présidents avec des suggestions, et une proposition d’intervention pour expliquer comment cela m’était venu et comment j’avais fait. Je n’ai jamais eu de réponse, et surtout je n’ai pas été invité. Ils ont réussi à faire une réunion (un fiasco quant aux objectifs) sur la retraite à 62 ans à la carte, sans inviter son créateur ! Certains me disent que c’est pour mieux s’approprier les réussites, ne voulant pas les partager. Deux fois, la seconde contre l’avis du CA, ce n’est pas un oubli, c’est une volonté du président et du directeur.

Ces deux grandes réformes n’ont pas été les seules, beaucoup de petites mesures ont fait de cette caisse ce qu’elle est. Avec des frais de fonctionnement inférieurs à toutes les caisses, jusqu’à 4 à 5 fois moins, et nous avons la caisse la plus sociale de France. À mon arrivée j’ai mis en place des mesures pour les confrères en difficulté avec de lourds arriérés. Nous les avons tous traités, cas par cas, pour les aider à rentrer dans les rangs et pouvoir toucher un jour une retraite, et en quelques années les effectifs du service contentieux ont pu être divisés par deux, et nous avions le meilleur taux de recouvrement de toutes les caisses. Le capital décès, hypocrite, ne couvrant même pas le trimestre de cotisations en cours au moment du décès, a été multiplié par 10. Il y a eu de grandes avancées chez les veuves et dans le régime invalidité, avec notamment la possibilité de reprise à temps partiel, qui n’existe pas chez les indépendants, la loi ne le permettant pas. Les réserves importantes constituées (contre le soutien des autres caisses de professions libérales) dans le fonds d’action sociale ont permis des aides conséquentes pour alléger les cotisations pendant la période covid. Etc, etc.

Si pour la CARMF d’aujourd’hui je ne fais pas partie du présent ni du futur, ce qui se conçoit, je ne fais plus partie non plus du passé. Manifestement pour le Conseil actuel, je ne suis pas sortable, il faut donc qu’ils aillent jusqu’au bout, ma nomination comme conseiller et président honoraire sont des hypocrisies, je les refuse. Ils ont décidé de tourner la page.

Aucun regret, cela aura été une belle expérience, avec des résultats, même si au départ j’aurais souhaité beaucoup plus, mais l’Administration française est un grand, un très grand frein. À force de leur tenir tête, les énarques ont dû faire un décret en juillet 2015, spécialement pour moi, pour me virer, la profession ayant pourtant décidé lors des élections de juin de me garder. J’ai appris récemment qu’au ministère, on l’appelle le décret Maudrux, alors que si des lois portent des noms propres, cela n’a jamais été le cas pour un seul décret. J’en suis très fier. Les énarques ne supportent pas qu’on leur tienne tête, et si j’ai parfaitement compris les motifs de leur décision (je n’ai pas dit approuvé), cela permet de mieux la supporter, ce n’est pas le cas ici avec les décisions de la CARMF.

Je n’ai pas ménagé ma peine pendant 20 ans, bénévolement, tout en conservant une activité professionnelle à plein temps, seule source de revenu. En 20 ans, j’ai connu 2 contrôles IGAS et 2 contrôles Cour des Comptes, et étant dans le collimateur de la tutelle qui n’appréciait pas que je leur tienne tête, ils ont bien cherché, ils n’ont pas trouvé une seule bouteille de champagne ou repas ! La Caisse des médecins doit être la seule caisse à tenir ses Conseils d’Administration le samedi, en semaine nous avons nos patients, et nous devons travailler, la fonction n’étant pas rémunérée. Je garderai quand même d’excellents souvenirs. Ceux de l’ambiance et des valeurs défendues par les anciens Conseils, ceux du personnel de la CARMF, dévoué, du haut à tout en bas de l’échelle, abattant un travail énorme, jamais un seul jour de grève en 20 ans. Un exemple : quand la Cour des Comptes trouve plus de 10 % d’erreurs de liquidations dans le régime général, chez nous elle a cherché, elle n’en n’a pas trouvé une seule. Ils ont cherché des avantages en nature pouvant m’être attribués ainsi qu’aux autres administrateurs, sans rien trouver, contrairement aux mêmes contrôles à l’Ordre des médecins. Nous n’avons pas la même éthique bien que non-donneurs de leçons.

À défaut de la reconnaissance du Conseil actuel, je garderai celle de la profession consciente du travail accompli. Je me suis battu pour elle et pour rien d’autre, et j’ai eu droit à ses remerciements, largement exprimés à chaque élection. Et à deux reprises, le Quotidien du Médecin a fait des sondages, dont les résultats valent toutes les médailles. Le premier en 2013 interrogeait sur la personnalité préférée, j’étais en tête avec 3 fois plus de voix que Marine Lorphelin venant d’être nommée Miss France, et… 12 fois plus que le président de l’Ordre. Le QDM a par la suite arrêté ce type de sondage qu’elle faisait avant, cela ne devait pas plaire ! Autre sondage lors de mon éviction par la tutelle : 87,4 % des médecins regrettaient mon non renouvellement, 7,8 % l’approuvaient.

Alors que j’avais fait de la Caisse une caisse indépendante, pilotée par des confrères libres, excluant les influences politiques ou syndicales, le président actuel a changé cette orientation, préférant faire honneur à un syndicat qui n’a eu de cesse de tout critiquer, de tenter de bloquer toute décision pendant tout mon mandat. La langue de bois, qui avait disparu avec mon arrivée, est de retour, là encore nous ne partageons plus les mêmes valeurs, retour aux mensonges dans les messages aux affiliés.

Alors pour les élections tout le monde se cache. La liste “retraite, protection sociale, réserves Carmf, solidaires” est syndicale, ayant piloté un régime qui a vu son rendement divisé par 25 alors que le rapport démographique était divisé par 5. Alors préférez “continuité, équité”, même si ce n’est plus comme avant.

Terminons avec le sourire et avec Franck Ribéry qui résume bien la situation : « C’est la routourne qui tourne ».

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